Carolien a trouvé un créneau dans son agenda surbooké d’artiste-présentatrice et de mère de famille. « Désolée pour le retard et à 17h, j’ai un pot de bonne année avec une des associations dans laquelle je m’investis mais on va prendre le temps qu’il faut… ». Cette amsterdamoise de 50 ans a l’habitude de répondre aux interviews car elle est mariée à une femme, sont mères de deux enfants qu’elle a conçus avec son meilleur ami, et, en militante de la cause LGBT (Lesbiennes, gays, bi et trans),elle ne renâcle jamais à témoigner de son expérience et à poser devant les appareils photos.

Pêchue et directe, elle déroule son CV et l’histoire de sa famille en toute décontraction. Curieuse du débat que suscite le projet de loi sur le mariage pour tous en France, elle, qui vit dans le premier pays au monde à l’avoir légalisé en 2001 sans qu’aucune manifestation d’opposants telle que celle du 13 janvier 2013 ne soit organisée aux Pays-Bas. « En février, Constance et moi fêterons nos 29 ans d’amour. Nous nous sommes mariées en 2006. Au départ, nous avions peur de sauter le pas à cause de tous nos amis hétéros qui divorçaient mais on l’a fait… C’est vrai que ma femme n’est pas une grande romantique donc ça a pris quelques années pour la convaincre ! » sourit Carolien.

« Mais ça a officialisé notre union… Une fois mariées, nous avons accolé nos noms de famille pour nous appeler toutes les deux Steenkamp-Faaij. Ayant mis au monde Floor, née en 1996 et Teun né en 1999 et comme la loi n’autorise qu’un nom de famille pour les enfants, nous avons décidé qu’ils porteraient celui de Constance, Steenkamp. Au départ, ça leur a fait un peu bizarre de changer leur patronyme mais ils ont très bien compris que pour nous, c’était important. Ils ont mon sang et ils portent son nom. Depuis 2006, on s’appelle tous les quatre Steenkamp. Pour les voyages à l’étranger, c’est plus facile de prouver que nous sommes une famille.»

Comme pour son mariage, Carolien n’a aucun problème pour évoquer la conception de ses enfants. « On ne voulait pas avoir recours à la Procréation médicale assistée (PMA) car on souhaitait qu’ils connaissent le donneur. Nous avons demandé à mon meilleur ami, devenu notre meilleur ami et il a accepté de me faire des enfants. Ils s’entendent très bien avec lui et son compagnon. Ils les voient certains week-ends et pour de petites vacances. Mais pour Floor et Teun, c’est très clair. Ils le considèrent comme leur père mais pas comme leur papa. Pour eux, il y a une vraie distinction… Leurs parents, c’est Constance et moi. Lui, a signé des papiers comme quoi il n’avait aucun droit ou devoir envers les enfants, ce qui n’empêche pas qu’il s’occupe d’eux, qu’ils les voient comme pourrait le faire un oncle avec ses neveux par exemple mais il n’y a aucune obligation légale… ».

Quand on liste les arguments des opposants au mariage pour tous, notamment à propos du « bien être des enfants », Carolien perd son sourire. « Vous savez, moi, j’ai des études faites par des chercheurs néerlandais qui disent qu’au contraire, les enfants élevés par des couples lesbiens sont plus épanouis, sociables et ouverts sur le monde extérieur… Quand j’étais institutrice, j’ai vu tellement d’enfants d’hétéros malheureux parce que les parents se déchiraient ou que le père était parti du foyer etc… »

« Et puis combien d’enfants de couples hétéros sont issus d’unions adultérines ? Je ne veux pas stigmatiser les hétéros évidemment mais je souhaite simplement démontrer que l’argumentation de ceux qui nous attaquent est en contradiction avec la réalité… Homos ou hétéros, là n’est pas l’important. L’important est que l’enfant reçoive beaucoup d’amour et d’attention, soit très entouré et sache clairement qui est qui. Et puis, c’est un tel parcours du combattant d’avoir des enfants pour nous homos, qu’une fois que nous les avons dans nos bras, nous les choyons !»

A propos de l’argument qu’être élevés par des gays pousseraient les enfants vers l’homosexualité, ses sourcils se froncent et elle le désapprouve : « Mais qui veut être gay ? Personne ne veut être gay ! C’était ma situation personnelle à l’époque où j’ai découvert mon homosexualité. Je me sentais différente des autres ados. Et qui a envie d’être « spécial » surtout à cet âge ? Je voulais juste me fondre dans la masse et ne pas l’être… Mais on ne choisit pas d’être gay » martèle Carolien, élevée par un couple hétérosexuel.

Après avoir devisé sur la chance des homos néerlandais de vivre dans un pays aussi tolérant envers eux que le sien, Carolien, comme n’importe quelle maman termine sur le thème qui lui tient le plus à cœur et dont elle est le plus fière, sa progéniture. « Ils invitent souvent leurs amis à la maison alors je suppose que notre famille ne les dérange pas… Ils n’ont pas voulu participer à cette interview mais n’avaient aucun souci pour que je la fasse. Et ils m’ont dit. « Nous, on ne se considère pas comme des enfants spéciaux ! ». Et légalement, c’est en effet le cas. Depuis 2001, le couple de leurs parents a accès aux mêmes droits que n’importe quel autre couple hétérosexuel en terme de mariage civil. Liberté, égalité et homosexualité : une devise qui sied comme une alliance au doigt d’une mariée pour le couple Steenkamp-Faaij !

Sandrine Dionys

Profil Facebook de Carolien en tant qu’artiste : ici

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