Paname la Ville Lumière, celle de la fête et aussi des plans drague foireux. Un sport local que Hadjila a soigneusement compilé dans une typologie, du rapide à l’anxieux, du timide à l’ambitieux, tout est bon pour les cochons.

« Putain, t’sais pas qui j’suis ? » Dans son langage de mec bourré, à trois heures du matin, dans un « cancer room » bondé du plus select lieu parisien, où il ne fait pas bon ne fumer que du tabac, non, je ne savais pas qui il était. Ce que je savais, par contre, c’est que le début d’une longue tirade narcissique m’attendait. C’est sûr, ce type-là ne s’était pas noyé que dans l’eau en admirant son propre reflet. Avant d’avoir le temps de comprendre ce qui se passait, ce charmant individu dégaine son Iphone, et google-ise son nom.

Oui, il n’a même pas pris la peine de parler. J’ai d’ailleurs remarqué par la suite qu’il avait créé une alerte, chaque fois que son nom était mentionné sur Google. Kim Kardashian, sors de ce corps ! Et là, drame, cauchemar, visiblement extrêmement fier de lui, il me commente une par une toute les photos qui apparaissent : «Là, c’est moi avec mon ex, t’sais la comédienne, là c’est moi sur le red carpet du festival de Cannes, là c’est moi et mon autre ex, t’sais le mannequin, là on me sacre Chevalier des Arts et des Lettres, là… ». Là, c’est moi qui bloque : le type a osé dire « on me sacre ?! » A trois heures du mat’, en plein cœur de Paris, entre un French75 bien tassé et une Marlboro light ?

Il nage en plein délire narcisso-monarchique et moi, j’en ai assez entendu ! J’attrape le bras de mon amie et me sauve en courant. C’était il y a quelques semaines, la fin du monde n’a pas eu lieu et la fin des types lourds non plus. Paris, c’est la capitale de la mode, on y trouve les plus beaux clubs, les plus belles expos, les meilleurs restos, mais force est de constater qu’on y trouve également les rois de la drague ratée. Sachez que, peu importe où vous vous aventurez, vous n’en serez jamais à l’abri. Tous les prétextes sont bons pour tester ses talents d’orateur, mais tous les « orateurs » ne sont pas forcément bons.

Comme je suis une femme généreuse, reconnaissante des éloquentes pépites qui m’entourent, j’ai décidé de partager et de dresser la (courte) liste des pires plans drague que j’ai pu rencontrer. Plus fort que le célèbre « Hé mad’moiselle, t’es bien charmante » et le « ton père devait être astronaute pour voler toutes les étoiles et les mettre dans tes ieuz », bienvenue dans le cartel de la drague.

« Pigalle, samedi minuit capote saloperie de carotte ; dansez ce soir, Méphisto a la cote »

Perchée sur tes talons de douze, tu arpentes le dancefloor comme Beyoncé, le déhanché en moins, le style en moins, Jay-z en moins. Verre à la main, minaudière dans l’autre, projecteurs sur toi, les premières notes de « single ladies » résonnent dans la boîte. Forcément, tu exécutes la chorée que tu as appris 87 fois sur YouTube et que tu ne maîtrises toujours pas d’ailleurs. Ce mec qui t’observe depuis tout à l’heure continue de te regarder mais avance vers toi avec cet air mystérieux, que d’ailleurs tu n’aimerais pas trop en temps normal, mais bon là, il n’y a plus rien de normal. « Tout fout le camp » comme qui dirait, surtout tes cheveux, ton maquillage et ta raison, que tu as posée au vestiaire. Tu as signé ton pacte avec le diable.

« Oh oh, oh oh, oh oh, oh no no ». Booty shake qui se transforme en danse de l’épaule, faut-il rappeler que tu ne t’es toujours pas transformée en Beyoncé, te voilà te déhanchant du mieux que tu peux face à ce mec qui danse encore plus mal que toi (si si, c’est possible…). Et là, il s’approche de toi et te sussure à l’oreille : « Tu danses tellement bien, t’aurais dû être danseuse. » C’est une blague ? Mais qu’est-ce ce qu’il raconte ? Même toi tu n’y crois pas. Peu importe, je mets ça sur le compte de l’alcool. Mais l’alcool a bon dos quand il enchaîne sur un : « Sérieusement, tu as la grâce d’une danseuse du Crazy Horse. » Un manque de respect énorme pour les danseuses du Crazy Horse. Je ne l’ai pas supporté. Je me suis barrée.

La fast drague

C’est fast et c’est furious. Littéralement. C’est tellement imprévisible qu’on pourrait presque qualifier ça de phénomène. Les fast dragueurs attaquent dans les lieux les plus communs de la capitale, la piscine, la rue, ou dans le métro. Rien ne les arrête : pas même un quai bondé de la ligne 13 à 18 heures , lieu de prédilection des fast dragueurs. Ce type qui te zieutait à l’autre bout du quai il y a deux minutes se retrouve en face de toi la seconde d’après : « Je te regarde depuis tout à l’heure, je pensais qu’on pouvait faire le trajet ensemble. » Euh… Nan. J’ai pas forcément envie de faire le trajet avec toi, inconnu de la ligne 13, bondé à 18 heures. « Dans ce cas-là, je peux te demander ton numéro de téléphone, je suis certain qu’il n’y a pas de hasard dans la vie et que toi et moi étions faits pour se rencontrer. » Si mon destin est entre les rames de la ligne 13, qu’il en soit ainsi… mais manque de chance mon copain, je préfère la ligne 1. Plus chic.

Le dragueur anxieux

La dernière fois que mon amie a organisé un dîner, c’est parce qu’elle avait vu un épisode d’Un diner presque parfait et qu’elle ne s’en était pas remise. Elle s’est donc lancée dans un remake de l’émission façon Top chef et L’Amour est dans le pré, sauf qu’il n’y avait pas de chef et encore moins d’amour dans sa manière de cuisiner. C’est qu’elle était stressée, la copinette. Elle a eu l’idée d’inviter des ami(e)s à manger, je lui ai précisé que ça sonnait comme un désaveu public de son incapacité a éplucher un navet, elle m’a fusillée du regard, et je suis allée dresser la liste desdits invités.
Bien sûr, « on doit absolument faire un plan de table, tu comprends, c’est comme une stratégie marketing, il y a des enjeux et ça peut raviver le conflit israélo-palestinien si on fait n’importe quoi ».

Non, pas « on », « tu ». Bref, le soir venu, nous nous trouvons tous à table devant un « plat » (personne n’a trop su ce que c’était), chaque personne minutieusement placée comme sur un plan militaire. A ma droite, un jeune homme, Hicham, 25 ans, petites lunettes en écaille, polo Lacoste Live qui va bien, smartphone éteint avant le dîner, un mec bien sous tout rapport, à première vue. Il me fait poliment et distraitement la conversation, entre deux bouchées littéralement avalées (j’ai fait pareil, c’était infâme), quand une phrase éveille sa curiosité et remet en question son attitude soporifique.
« Quoi ? tu es algérienne ? » Euh… ouais ? Et ? « Oh nan, juste comme ça, pour savoir, tu sais… En fait, je travaille dans la finance, j’ai un très bon job et j’ai la chance d’évoluer dans une entreprise qui m’offre de véritables perspectives d’avenir. J’habite dans le XVIe, j’ai un super appart avec trois chambres dont une pour le bébé, mais bon, comme j’ai pas encore trouvé ma femme, elle me sert de dressing et aussi je veux deux enfants, une fille et un garçon, mais pas forcément dans cet ordre, et tu sais ma mère serait tellement contente si je lui amenais une algérienne, elle rêve d’un grand mariage et bien sûr, ma femme n’aura pas besoin de réellement travailler, je m’occuperai d’absolument tout et… ». Un speed dating ou une réunion des anciens de 6e B du collège Georges-Duhamel. Nan, mieux. Un speed dating face à une ancienne élève de 6e B, devenue RH chez Meetic. Ambiance.

La drague inquiétante

Elle est caractéristique des mecs légèrement, juste légèrement dérangés. Elle reprend un peu les codes de la fast drague, sauf que les mecs ne prennent même pas la peine de te parler, n’attendent pas d’être sur un quai bondé, bref n’ont aucune éducation sentimentale. Ils se contentent de rôder dans les rues, tels des animaux urbains et de te sussurer tout bas, quand ils passent près de toi un lascif « hmmmm, charmante, tu viens avec moi dans l’escalier ? » ou « très jolie aieaieaie ». Mais oui, sûrement, je viens avec toi dans l’escalier, d’ailleurs j’en connais un pas mal, pas très loin, bon il est juste un chouïa mal éclairé mais l’ambiance est pas mal, on y va ? Les bonnes manières se perdent.

Alors, messieurs, j’ai juste un conseil à vous donner : on veut de la séduction ! Et ça ne demande rien d’autre que de l’observation. Et surtout, il n’y a pas de recette parce que ça se saurait (et ce serait trop facile). Pour les plus téméraires, eh bien, ne soyez pas trop téméraires justement. Pour les moins à l’aise, contentez-vous de glisser discrètement votre carte ou votre numéro de téléphone. Offrez un verre, l’air de rien. Faites-vous confiance. Et pour le reste, il y a l’Eurocard MasterCard.

Hadjila Moualek

 

 

 

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