En juin 2012, le Bondy blog croisait pour la première fois la route d’Octave Nitkowski, un dimanche pré-électoral de législatives dans le Nord-Pas de Calais, lors d’un meeting, quand Jean-Luc Mélenchon menait campagne pour arracher la députation au Front national de Marine Le Pen. Le jeune blogueur de 15 ans avait déjà des allures de Tintin reporter. Trois ans, des scoops sur son blog, des études supérieures, un livre, et un procès plus tard, on a rappelé Octave Nitkowski le 8 juillet, jour de verdict au Tribunal de Grande Instance de Paris pour prendre les dernières nouvelles.
En décembre 2013, Steeve Briois, alors candidat à la mairie de Hénin-Beaumont avait porté plainte contre l’étudiant l’accusant d’avoir révélé son homosexualité dans son premier livre Le Front national des villes et le Front national des champs. L’élu frontiste avait alors obtenu en référé « le pilon » pour la première édition, mais avec autorisation de vente après réimpression. Dans son délibéré, la Cour d’Appel de Paris autorisait l’ouvrage à sortir, à la condition de ne pas citer le nom de l’un des cadres du Front national, compagnon de Steeve Briois. La Cour avait retenu un droit du public à être informé de l’homosexualité de Steeve Briois, en ce qu’elle a infléchi la politique du Front national sur ce sujet. Le chapitre 10 avait donc été expurgé du nom du second cadre du FN, mais pas celui de Briois.
En première instance du procès, le 18 mai dernier, les parents d’Octave (qui était mineur à la sortie de son essai politique) étaient cités à comparaître au Tribunal de Grande Instance de Paris pour cette même affaire et risquaient, au nom de leur fils, une amende maximale de 30 000 euros. Mercredi 8 juillet, le verdict est tombé : la plainte de Steeve Briois est rejetée, le jugement justifiant que « l’évocation incriminée d’un élément appartenant à la sphère protégée de sa vie privée figure dans un ouvrage portant sur un sujet d’intérêt général, dès lors qu’il se rapporte à l’évolution d’un parti politique qui a montré des signes d’ouverture à l’égard des homosexuels à l’occasion de l’adoption de la loi relative au mariage des personnes de même sexe, et qu’en conséquence cette évocation est légitime… ».
Interview avec Octave Nitkowski suite à ce délibéré.
Bondy Blog : Comment accueilles-tu cette nouvelle décision de justice ?
Octave Nitkowski : On s’y attendait, mais on est soulagé. Steeve Briois va sans doute aller jusqu’en Cour européenne de justice même si je pense que c’est contreproductif pour lui, car s’il poursuit le combat judiciaire, et comme à chaque fois, cela médiatisera un peu plus mon livre et cela remettra en lumière ce dont il m’accuse d’avoir révélé, à savoir son homosexualité… Mais je reste serein suite à ce verdict en ma faveur, car mon cas n’a rien à voir avec celui de Closer qui a publié une photo de paparazzi montrant Florian Philippot et son compagnon dans un cadre privé. Pour moi, il s’agissait de démontrer une analyse quant à l’infléchissement de la politique du FN envers les homosexuels et non de « outer » qui que ce soit…
En tant qu’observateur de la vie politique locale, quel regard portes-tu sur le mandat de l’équipe Briois, 16 mois après son élection ?
À part les rapports très tendus avec l’opposition et les coups de gueule contre la Voix du nord quand un article ne va pas dans leur sens, la gestion, en apparence désidéologisée de la ville, par l’équipe Briois semble plaire aux habitants… De gros moyens sont mis sur la communication à Hénin-Beaumont qui se sait observée. Cette petite ville de province a même un maire adjoint en charge de la communication… Depuis l’arrivée de Steeve Briois à la tête de la ville, de nombreuses fêtes ont été créées, ce qui contribue aussi à la popularité du maire. L’opposition n’a pour l’instant guère d’armes en mains pour attaquer le bilan de cette mandature…
Au fil des années, tu es devenu le contact privilégié des journalistes français ou étrangers de passage à Hénin-Beaumont… Tu as bien dû en aider ou en renseigner plus d’une centaine, n’est-ce pas ?
Si on compte les soirées électorales, oui, mais pour ce qui est d’un vrai accompagnement, je dirais que j’ai collaboré avec une vingtaine de journalistes. Je ne suis pas un militant politique et en tant que blogueur et observateur du paysage politique et social local, je suis « une porte d’entrée » facile pour eux sur ce secteur. Et c’est donnant-donnant. Je les aide, mais ça m’apporte aussi une visibilité et puis j’ai à cœur de revaloriser l’image de ma région qui souffre d’une mauvaise réputation auprès des personnes qui ne connaissent pas le Pas de Calais ou le bassin minier…
Après ton double cursus à La Sorbonne et à Sciences-Po, vas-tu devenir journaliste professionnel ?
Je ne sais pas, mais lors de l’audience du 18 mai, j’ai été appelé à la barre. Or je ne m’y attendais pas, car lors du référé, seule mon avocate avait plaidé. La juge ne m’a pas interrompu et j’ai improvisé un long argumentaire pour plaider mon cas. Cette expérience m’a énormément plu. Peut-être qu’une vocation et une future carrière d’avocat sont nées ce jour-là… Qui sait ? Je ne sais pas encore… À partir de septembre, je vais passer la troisième année de mon cursus Sciences-Po à Moscou. Cet « exil » à l’étranger va me permettre de faire un « break » avec Hénin-Beaumont et surtout faire le point sur ce que je veux faire plus tard… On verra à mon retour.
As-tu des projets de vacances ou autres, cet été, après cette année encore très chargée pour toi ?
Non, quelques petits week-ends par-ci par-là, mais sinon rien de spécial, car avant mon « exil » dans le Grand Nord russe, je veux juste profiter de mon petit Nord-Pas de Calais natal…
Propos recueillis par Sandrine Dionys
Tous les articles sur Hénin-Beaumont parus sur le blog de juin 2012 à juin 2015 :
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