Porte de Versailles. Il est presque 18h30 ce vendredi. Plusieurs milliers de supporters agitent frénétiquement des drapeaux tricolores avant l’arrivée de leur héros, François Fillon. Là voilà donc la France fillonée. La salle se remplit progressivement, y compris dans le carré VIP. Nadine Morano ou encore Eric Ciotti sont de la partie. A noter qu’ils ont été placés dans la salle, contrairement aux têtes d’affiche comme Bruno Le Maire et Gérard Larcher, qui sont, eux, présents sur l’estrade. Une autre figure familière vient pointer le bout de son nez. C’est Frigide Barjot, Virginie Merle de son vrai nom. Positionnée près de la tribune, place stratégique pour se faire remarquer (les photographes étant situés juste à côté), l’ancienne figure incontournable de la « Manif pour Tous », avait déjà assisté à un meeting de François Fillon le 22 novembre, à Lyon.

Sur scène, les ténors des Républicains se succèdent. Nicolas Sarkozy est le grand absent. Après la prise de parole d’Eric Woerth, sarkozyste rallié, vient Bruno Le Maire. L’homme au 2,4% des voix use beaucoup de politesses à l’égard de l’ancien Premier ministre. « Cher François »,« mon très cher ami »,… quitte à en faire des tonnes. C’est au tour de Bruno Retailleau de prendre la parole, un des élus les plus proches de Sens commun, un mouvement né dans le sillage de la Manif pour tous et qui a apporté son soutien à François Fillon. « Nous voulons une droite qui assume la liberté, l’autorité, une droite qui assume ses valeurs ! » déclare le sénateur de la Vendée. Les thématiques de la famille, de l’identité, de l’immigration sont évoquées, comme un avant-goût du discours imminent de François Fillon. Le voilà qui arrive sous les applaudissements de la foule. « Il y a 3 ans, j’étais seul ou presque. Aujourd’hui, vous êtes plus de 10 000 ! », s’enthousiasme le candidat de droite, dans une ambiance de victoire. Le même chiffre a été avancé par les organisateurs. C’est exagéré. 4 000 ou 5 000 places assises ne sont pas remplies. Moyenne d’âge : on est plus proche des 50 ans que des 20.

Une ligne économique ultra-libérale assumée

Comme il l’avait fait lors des différents débats télévisés et pendant ses précédents meetings, François Fillon défend sa ligne économique très libérale. Le « Thatcher de la Sarthe » commence par présenter ses principales mesures économiques. Au programme : de l’austérité, de l’austérité et… de l’austérité. Pas de nouvelles annonces ni de surprises. Il rappelle notamment qu’il compte supprimer 500 000 fonctionnaires, « absolument nécessaire pour réduire les déficits », ou encore de diminuer les allocations chômage. « Ce qui est brutal, ce n’est pas mon programme, c’est le chômage de masse », justifie-t-il, face à un public déjà largement acquis à sa cause. Une membre du syndicat étudiant de droite UNI, soutien pas encore officiel du candidat, jubile. « C’est le seul qui peut nous faire gagner en 2017, il a un programme solide et ambitieux », explique la jeune femme. Ses camarades acquiescent. « Le meilleur projet, c’est celui de Fillon », poursuit Geoffrey Carvalhinho, coordinateur national des jeunes LR.

« Les 35h, pire erreur économique de ces 25 dernières années », s’agace Francois Fillon, survolté. Il présente ensuite ses mesures favorables aux catégories aisées : le rétablissement du quotient familial et des allocations familiales pour les revenus élevés, la baisse de la fiscalité sur le capital, la suppression de l’ISF. C’est l’extase dans les travers de la Porte de Versailles. « C’est mon champion », s’enthousiasme une habitante du XVIème arrondissement de Paris. D’inspiration thatchérienne aussi, la sécurité sociale laissera plus de place aux assurances privées et les syndicats, eux, sont clairement dans le collimateur.

Un discours identitaire clairement d’extrême-droite

« Il y a une semaine, j’étais vu comme réformateur, me voilà qualifié d’ultralibéral et de croque-mitaine réactionnaire », se plaint François Fillon. Cette posture victimaire fonctionne bien auprès des militants. « Cette nation, fille de la crétin… de la chrétienté ». Le lapsus fait rire dans la salle. « Hollande, c’est un Paul Deschanel qui tombe du train toutes les semaines », enchaîne le député de Paris. Référence à cet événement du 23 mai 1920 durant lequel l’ancien président Paul Deschanel, alors en déplacement en train à destination de Montbrison (Loire), se penche à la fenêtre et chute de la voiture. L’ancien président aurait souffert de somnambulisme voire de dépression.

Viennent les thématiques identitaires. L’ancien « collaborateur » de Nicolas Sarkozy galvanise encore davantage ses supporters. « Je veux réduire l’immigration au strict minimum, par quotas, rappelle le candidat. (…) Les étrangers ont des devoirs avant de réclamer des droits ». Puis, le candidat : « C’est une question d’unité nationale. Mais c’est aussi une question de courtoisie. Quand on entre dans la maison d’autrui, on n’y impose pas ses lois ! » Une formule assez proche de celle déjà utilisée une première fois lors du dernier débat de la primaire jeudi 24 novembre. « Quand on vient dans la maison d’un autre, par courtoisie, on ne prend pas le pouvoir ». François Fillon voit donc les immigrés et enfants d’immigrés comme d’éternels invités sur le territoire français.

Il poursuit en dénonçant « le repli communautaire » et le danger islamiste. « Seul l’intégrisme musulman menace notre société », affirme-t-il. On comprend que l’islam est la seule religion qui lui pose problème, c’est pourquoi « [il veut] un strict contrôle administratif du culte musulman ». La solution pour rassembler le peuple ? « Le patriotisme », selon lui, « seule façon de transcender nos origines, nos races et nos religions. » Nos races ? Vérification. Une fois, puis deux. Oui, les mots « nos races » sont bien sortis de la bouche de François Fillon. D’ailleurs, cette phrase, mot pour mot, François Fillon l’avait déjà prononcée le 26 février 2013 dans un discours à la Mutualité lors d’un rassemblement avec ses partisans qui apparaissait comme le premier pas vers sa candidature pour 2017. Est-on toujours dans un meeting de droite ? « Je l’avoue, je ne suis pas socialiste », dit-il comme pour conclure. On le croit. Le discours, le choix des mots ressemblent bien plus à ceux de l’extrême-droite. Les soutiens de la première heure ou derniers ralliés ne disent pas le contraire : de Gérard Longuet, sénateur, ancien membre de l’organisation politique d’extrême droite « Occident » dissoute en 1968, Patrick Buisson qui a affirmé dans le journal d’extrême-droite Minute qu’une victoire de François Fillon constituerait un « moment historique », en passant par l’association islamophobe Riposte laïque, le député européen et ancien proche de Marine Le Pen, Aymeric Chauprade, le président du Parti de la France Carl Lang, le député de Vaucluse Jacques Bompard. François Fillon séduit les plus identitaires et les plus extrémistes à droite.

Photo de famille sur scène avec tous les soutiens. La salle se vide. Restent quelques fans qui se ruent vers l’estrade pour prendre des selfies avec Jérôme Chartier. François Fillon clôture ce dernier meeting avec la Marseillaise et les yeux déjà rivés vers 2017.

Leïla KHOUIEL

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