A Evry, Manuel Valls a annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2017. Le lieu n’a pas été choisi au hasard : il a été le maire de la ville de l’Essonne de 2001 à 2012. Reportage.

Les couleurs de la photo sont jolies. Aux côtés de Manuel Valls, derrière lui, dans la salle des mariages de la mairie d’Evry, une centaine de personnes se tiennent debout, presque figées. Parmi elles, des Français de la diversité comme aiment dire les médias : des sympathisants, des militants socialistes locaux, des élus, de différentes origines de la ville d’Evry dont Manuel Valls a été maire entre 2001 et 2012 et dont il continue à être conseiller municipal depuis. Pêle-mêle : Pacome Yaowi Adjourouvi, le premier adjoint à la ville, Diarra Badiane, adjointe en charge de la jeunesse, Farouk Alouani, adjoint en charge de l’emploi et de l’insertion et bien d’autres. « Je suis un élu de ces quartiers populaires« , se justifie Manuel Valls dans son discours de candidature. Un beau cliché pour les photographes et les caméras, et une manière de dire à ses concurrents, Emmanuel Macron en tête, qu’il détient une assise populaire en banlieue. La photo respire la mise en scène mais elle fera le tour des médias, et c’est bien là, le but recherché.

Il aura fallu à peine une minute pour que Manuel Valls prononce les mots qui n’étaient plus une surprise. « Oui, je suis candidat à la présidence de la République ! », lance-t-il, affirmant vouloir être celui de la « conciliation et de la réconciliation », du « rassemblement« , rien que ça. Oubliée la formule des « gauches irréconciliables » qu’il avait pourtant lui-même prononcée il y a quelques semaines à peine. Il distribue quelques petits coups à droite et des pics contre Emmanuel Macron : « la réussite ne peut pas être que financière, la réussite ne se mesure pas qu’au montant du compte en banque« .

Dans le hall de l’hôtel de ville, certains s’impatientent de voir descendre le désormais futur ex-premier ministre et candidat à l’élection présidentielle, tandis que d’autres s’agacent. Djibril Cissoko, agent de maintenance, est un enfant des Pyramides, un des quartiers populaires d’Evry. Il est venu écouter et voir celui qui « a fait pas mal de choses dans la ville« , selon lui. « Avant, il y avait toujours les mêmes personnes dans l’équipe municipale, parmi ceux qui travaillent dans la mairie. Il a ouvert les portes aux jeunes et aux gens de couleur ».

« Manuel Valls essaye de se rattraper mais ses propos sur l’islam, sur le voile, sur le burkini m’ ont profondément agressé »

Derrière, trois jeunes hommes, étudiants à Evry, en « veulent à celui qui a tapé sur les musulmans avec l’affaire du burkini et qui aujourd’hui, dit en avoir assez de ces discours qui stigmatisent nos compatriotes musulmans ». Parmi eux, Ahmed Benyaya : « Mais de qui se moque-t-on? Il essaye de se rattraper mais ses propos sur l’islam, sur le voile, sur le burkini m’ont profondément agressé. A partir du moment où il a eu ces mots ces derniers mois, tout ce qu’il peut dire aujourd’hui ne vaut plus rien. Nous sommes français et musulmans à part entière, nous n’avons aucun problème avec cela« . Pour son camarade Yannis Sahli, pas question de tomber dans le panneau, dit-il. « Tous ses mots sur le vivre ensemble, c’est un discours marketing qu’il essaye de nous vendre, c’est exactement les cours que nous avons en première année. Il n’ y a aucune sincérité chez lui! »

Voici Manuel Valls qui descend les escaliers du hall de la mairie d’Evry accompagné de son épouse, Anne Gravoin, sous quelques applaudissements. A ses côtés également, des élus et responsables socialistes : le maire d’Evry, Francis Chouat, le sénateur-maire du Val-de-Marne, Luc Carvounas, le député de Vendée, Hugues Fourage, la secrétaire nationale du PS, Elsa Di Meo, ou encore le député de l’Essonne, Carlos Da Silva. Dans la délégation qui suit Manuel Valls, un visage connu des habitués des plateaux télés comme « C dans l’air », celui de Mohamed Sifaoui, sans calepin de journaliste, ni caméra à ses côtés. Lorsque nous nous dirigeons vers lui, l’interrogeant sur son éventuel soutien au futur ex Premier ministre au vu de sa présence à ses côtés, il s’agace avant de nous répondre : « Je ne suis pas contre sa candidature« . Tellement pas contre qu’un conseiller de Manuel Valls nous confiera que « Mohamed Sifaoui est un ami du Premier ministre ».

La séquence « candidature » terminée, Manuel Valls rejoint avec son épouse et ses soutiens le restaurant tout proche de la mairie, « L’Annexe », privatisé pour l’occasion, pour fêter l’évènement. Les élus, les sympathisants, les notables de la ville, Mohamed Sifaoui font partie des convives. A l’intérieur, une mise en abyme : sur l’écran plasma, BFMTV passe en boucle les images du discours de Manuel Valls.

« Il ne nous a jamais abandonnés »

A l’extérieur, le froid a fait fuir les nombreux sympathisants présents quelques minutes plutôt dans l’enceinte de l’hôtel de ville. Mais quelques irréductibles sont encore là, comme Olga, auxiliaire de vie à Evry, accompagnée de sa fille, venue témoigner de « son respect pour Manuel Valls« . « Il a toujours été présent à Evry même depuis qu’il est Premier ministre. Il ne nous a jamais abandonnés. C’est grâce à lui que j’ai pu obtenir un logement et s’il n’avait pas été nommé au gouvernement, il m’aurait peut-être mariée ! » Pour Philippe*, un Evryen de l’opposition qui souhaite rester anonyme, « Manuel Valls a acheté la paix sociale à Evry et notamment dans les quartiers ».

Il est à peine 20h lorsque Manuel Valls et Anne Gravoin quittent l’Annexe pour s’engouffrer dans leur voiture. Le passage aura duré moins d’1h30, suffisant pour montrer l’image d’une emprise locale colorée aux caméras.

Nassira EL MOADDEM

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