La 5e promotion des « Déterminés » rencontrait ce lundi 15 mai, à La Défense, le footballeur Moussa Sissoko. Point commun entre les jeunes entrepreneurs des quartiers et le milieu de terrain de l’équipe de France : l’envie de réussite. Mais aussi les sacrifices pour y parvenir. Des notions autour desquelles ils ont échangé pendant plus d’une heure. Reportage.

Et si, finalement, un footballeur n’était rien d’autre qu’un auto-entrepreneur ? C’était un peu la question qui animait, en filigrane, la rencontre entre Moussa Sissoko et la 5e promotion de l’association “Les Déterminés”, ce lundi à La Défense. Au dernier étage de la tour Mazars, ils sont 13 auto-entrepreneurs issus des quartiers populaires à faire face au milieu de terrain de l’équipe de France, venu spécialement de Londres où il évolue sous les couleurs du club de Tottenham.

Christian, Niakalé, Victoria et les autres ont tous participé au séminaire organisé par « Les Déterminés », cette formation professionnelle, gratuite et intensive, à destination des futurs entrepreneurs, âgés de 18 à 35 ans, issus des quartiers. Ils concluent ici leur apprentissage de six semaines par la rencontre d’entrepreneurs à même de les inspirer, de les motiver ou de les conseiller. « C’est important pour nous de confronter nos jeunes à des gens qui ont réussi, explique Moussa Camara, fondateur des Déterminés et maître de cérémonie ce lundi. Ce sont des exemples concrets qui peuvent leur donner un coup de boost.« 

« Je suis passé par des moments de galère, de peur… Mais aujourd’hui, je fais le plus beau métier du monde »

Moussa Sissoko, entouré de la 5e promotion des « Déterminés ».

Mais alors, que vient faire ici Moussa Sissoko ? En apparence, la réalité d’un footballeur professionnel est bien loin de celle d’un entrepreneur. Pouponné dès le plus jeune âge, le joueur de football n’est que l’instrument de son employeur, le club, sans compter qu’il délègue l’essentiel de son activité extra-foot à des agents, conseillers et autres sociétés de gestions de patrimoine.

Et pourtant, Moussa Sissoko avait beaucoup de choses à transmettre ce matin-là. D’abord par l’exemple de son parcours, celui d’un gamin d’Aulnay-sous-Bois devenu l’un des meilleurs joueurs français à son poste, vice-champion d’Europe avec les Bleus et vice-champion d’Angleterre cette année avec Tottenham. « Je viens d’un milieu très modeste, rappelle-t-il à son auditoire. Je suis passé par des moments de galère, de peur… Mais aujourd’hui, je fais le plus beau métier du monde, celui que j’ai toujours rêvé de faire

Les origines modestes, voilà quelque chose que partagent le footballeur de 27 ans et les entrepreneurs en herbe qui lui font face. « J’ai toujours eu les pieds sur terre, je n’ai jamais oublié d’où je viens, explique Moussa Sissoko. Dès que je peux, je rentre à Aulnay-sous-Bois voir ma famille et mes amis ». Pour étayer l’idée, il glisse à Amadou : « Je suis comme toi, je dors comme toi, je mange comme toi… » Le jeune homme lui répond, du tac-au-tac : « Non, je ne crois pas que tu manges comme moi !« , provoquant un éclat de rire général.

« Vous aussi, vous devez devenir des modèles pour les plus jeunes »

Elunda Mayabouti, jeune entrepreneure originaire de Stains.

Pendant un peu plus d’une heure, les questions fusent. Moussa Sissoko est entouré d’Hamid Regragui, représentant d’EuropaCity, le projet de centre de loisirs et de commerces à Gonesse, nouveau partenaire des Déterminés et dont Moussa Sissoko est l’ambassadeur, et d’Hervé Hélias, le PDG de Mazars, qui accueille la rencontre. Les uns l’interrogent sur les valeurs qui l’ont porté jusque-là, les autres le questionnent sur sa vision de l’après-football ou sur sa perception de l’échec… Parfois, Moussa Camara intervient, comme lorsqu’il s’adresse à « ses » Déterminés : « Demain, vous devez incarner, comme Moussa Sissoko, cette réussite. Vous aussi, vous devez devenir des modèles pour les plus jeunes, mais dans le domaine de l’entrepreneuriat.« 

S’il se déride au fil de la rencontre, Moussa Sissoko n’est pas de ceux qui aiment se raconter, par peur de donner l’impression de se la raconter. Quand on lui demande de citer ce qui est, à ses yeux, sa principale qualité, il hésite longtemps avant d’esquiver la question. Mais l’ancien gamin d’Aulnay-sous-Bois a pris le temps de revenir sur les étapes de son parcours. On l’entend ainsi narrer ses débuts à l’Espérance aulnaysienne, ce jour où il est repéré par le FC Toulouse, son départ du cocon familial à 13 ans… A chaque fois, le vocabulaire tourne autour de quelques notions-clés : le respect, le travail, les sacrifices ou encore la persévérance.

C’est ce que retient Moussa Camara, à qui on demande de débriefer après-coup l’échange entre Moussa Sissoko et les jeunes entrepreneurs. « C’est son humilité qui nous a frappés, dit-il. Il a beaucoup parlé de valeurs. Il est parti de rien mais, par le travail, il est arrivé où il est. C’était important pour nous que nos entrepreneurs entendent ce message : pour réussir, il faut être prêt à certains sacrifices ». À quelques mètres de là, Elunda Mayabouti a l’air d’avoir bien assimilé la morale du jour. « C’était une belle rencontre, une belle surprise, glisse la jeune femme de 29 ans, originaire de Stains. Cette formation nous a permis de rencontrer des personnes qui avaient réussi, de voir qu’elles étaient comme nous, souvent très ouvertes. Ça renforce encore plus notre envie de réussir ».

Kozi PASTAKIA et Ilyes RAMDANI

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