Entrave à la distribution de nourriture, traque permanente, pas d’accès à l’eau, conditions de vie inhumaines, risque de viol sur les femmes… Dans un communiqué de presse, le Défenseur des Droits, Jacques Toubon, s’alarme des conditions de vie des exilés à Calais et d’une attitude maltraitante des pouvoirs publics dans leur volonté de ne plus voir de migrants à Calais.

Maltraiter les migrants pour dissuader les autres de venir. C’est la stratégie que semble avoir adoptée les pouvoirs publics à Calais. C’est ce que dénonce en tout cas le Défenseur des Droits, Jacques Toubon, dans un communiqué au vitriol publié ce mercredi 14 juin. Point de blocage des candidats à l’immigration au Royaume-Unis la ville avait vu naître le plus grand bidonville de France, appelée « jungle de Calais ». Mais depuis son démantèlement en octobre 2016, entre 500 et 600 migrants sont revenus. Dans son texte, le défenseur des Droits dénonce « des atteintes aux droits fondamentaux d’une exceptionnelle et inédite gravité », guidées par « la volonté de ne plus voir migrants à Calais ».

Depuis plusieurs jours, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les traitements particulièrement durs subis par les candidats à la traversée du « Channel  » à Calais. Jacques Toubon, défenseur des Droits depuis 2014, a donc envoyé une équipe sur place pour constater. Ses agents se sont entretenus avec de nombreux migrants et des associations leur venant en aide. Ils dressent un portrait alarmant de la situation.

« Traque« , impossibilité de dormir, points d’eau supprimés, entraves à le distribution de nourriture

Victimes d’une « traque » permanente, mot utilisé par le Défenseur des Droits lui-même, de jour comme de nuit, les exilés « ne peuvent plus dormir, ni même se poser ou se reposer et restent constamment sur le qui-vive ». Le communiqué décrit des personnes en état « d’épuisement physique et psychologique« . Difficile également d’avoir accès à l’eau pour les migrants, ne serait-ce que pour se laver ou simplement pour boire. Tous les points d’eau accessibles au public ont été supprimés. Quand à la distribution de repas, elle est entravée « par les forces de l’ordre, au motif de ‘consignes préfectorales’ quel que soit le public concerné (familles, jeunes enfants) », dénonce le Défenseur dans son communiqué. Le « tribunal administratif de Lille a considéré, le 22 mars 2017, que l’interdiction de distribution de repas par les associations était constitutive d’un traitement inhumain ou dégradant », rappelle-t-il pourtant.

Les mères et les enfants ne sont pas épargnés par l’inhumanité du traitement qui leur est imposé. « Aucun dispositif d’accueil ou d’hébergement ne leur semble accessible », note le Défenseurnotamment depuis le démantèlement du centre Jules Ferry. Plusieurs femmes enceintes ou ayant des nourrissons se trouvent à vivre dehors, dans ces conditions. « Elles sont d’ailleurs susceptibles de faire l’objet de viol et d’exploitation sexuelle« , s’alarme le Défenseur des Droits. Quant aux enfants seuls, sans parents, « la prise en charge par l’aide sociale à l’enfance implique, le soir et la nuit, un passage par le commissariat, ce qui rend particulièrement dissuasive la démarche ». Pourtant, « la protection maternelle et infantile impose [que les femmes et les enfants soient] pris en charge », souligne le texte.

La France doit mettre fin à ce « déni d’existence des exilés »

De leurs côtés, les associations qui viennent en aide à ce public seraient mises « sous pression » par les forces de l’ordre. Selon le communiqué, la police se montrerait particulièrement zélée, voire menaçante à leur endroit : « Verbalisation des véhicules garés devant les locaux associatifs, injonction de mettre aux normes la cuisine d’une association présente de très longue date à Calais, menaces de poursuites pour aide au séjour irrégulier ». 

Le Défenseur des Droits rappelle un extrait de son rapport d’octobre 2015 : « Depuis les années 2000, c’est la crainte du risque « d’appel d’air » que pourrait provoquer un traitement digne et respectueux des droits des migrants qui est à l’œuvre dans la gestion de la situation du Calais ». Le texte conclut quelques lignes plus loin : « Le Défenseur des Droits regrette que les faits lui aient à ce point donné raison. Il exhorte les pouvoirs publics à ne pas s’obstiner à ce qui s’apparente à un déni d’existence des exilés qui (…) doivent être traités dignement, conformément au droit et aux engagements internationaux qui lient la France ».

Alban ELKAÏM

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