Lundi 18 mai, « La journée de la jupe » était projeté dans un cinéma du 5e arrondissement de Paris à deux classes des collèges Georges Brassens et Georges Rouault, du 19e. A l’initiative d’Olivia Cattan, de l’association Paroles de femmes, et en présence du réalisateur, Jean-Paul Lilienfeld. On comptait quelques invités connus, comme Patrick Lozès, le président du CRAN (Conseil représentatif des associations noires), l’écrivain Marek Halter et Fadila Mehal, candidate du Modem en Ile-de-France. Le film, avec Isabelle Adjani en prof qui disjoncte, fut suivi, bien sûr, d’un débat. C’était là le but. L’adorable Inès El laboudy ayant déjà raconté ce qu’il se passe dans le film dans un précédent article, je n’y reviens pas.

« On a bien ri quand ils s’envoyaient des vannes, un peu comme nous », ont notamment retenu Mehdi et Teishan au terme de la projection. « En tout cas, moi, j’ai bien aimé, mais faut dire que parfois, ça va un peu loin », nuance Mehdi. « Nous, on n’est pas aussi insolents avec les profs, quand même », ajoute William. Les collégiens semblent avoir apprécié ce qu’ils ont vu, ils y ont retrouvé des situations critiques vécues dans leurs classes, même si les méchants, « c’est pas eux, c’est les autres ».

Patrick Lozès a trouvé le film « formidable » : « L’actualité, dit-il, est drôlement rattrapée par ce film, puisqu’on a appris qu’il y a des armes de guerres qui circulent aujourd’hui en banlieue. » Le président du CRAN en vient toutefois très vite à ce qui constitue le cœur de son action publique : « Si on ne fait pas attention à lutter réellement contre les discriminations, malheureusement, ces populations (noires, arabes, ndlr) peuvent être des cibles faciles pour les démagogues. Ce film m’amène à beaucoup réfléchir sur la société dans laquelle nous sommes. Nous devons tous nous mobiliser contre les discriminations, qui sont des offenses à la République. »

Ce film réalisé à partir d’un casting sauvage en banlieue met en scène des jeunes acteurs banlieusards, novices en matière de cinéma, avec une Isabelle Adjani talentueuse comme toujours, mais à qui les premiers n’ont rien à envier dans leur manière de jouer. On s’y croit, tant les scènes se veulent réalistes, comme, à un moment donné, la découverte d’un viol : frissons d’angoisse garantis. On se dit que « ça » pourrait arriver un jour ou l’autre.

Une femme professeur au collège Georges Rouault affirme répéter tous les jours à ses élèves que l’école est un lieu laïc. Elle juge le film très violent : « Je n’ai jamais craqué comme ça devant les élèves. On peut avoir des joies, même dans les quartiers difficiles, et il est bon pour tout enseignant d’aller travailler dans ces quartiers. » Jean-Paul Lilienfeld tient à préciser, ce n’est pas inutile, que ce n’est qu’une fiction, avec un concentré de réalité. « Ça ne prétend pas refléter la journée type d’une classe, dit-il. Le film ne stipule pas que la bonne méthode pour enseigner est de menacer sa classe avec une arme. » Quelqu’un aurait-il eu un doute à ce sujet ?

Le principal-adjoint du collège Georges Rouault, Georges Benguigui estime que « La journée de la jupe » donne à voir un proviseur « un peu caricatural ». « Le devoir de tout proviseur est de soutenir les enseignants, lesquels ne démissionnent pas forcément face à l’adversité d’une classe, comme le film le décrit. Face à des conflits, on nous demande de réagir très vite, le type dans le film qui dit « moi je rentre chez moi », c’est pas ça, dans la réalité. »

Une collégienne demande, un peu énigmatique, à la salle : « Dans ce film-là, qui sont les barbares, selon vous ? » Tout le monde a sa part de responsabilité, dans le film, notamment dans la scène « hard » du viol, quand une fille ne va pas dénoncer son auteur, pense Valérie Offenberg, directrice de l’American Jewish Comitee France, proche du gouvernement Sarkozy (notons qu’un membre du PS, le conseiller de Paris Daniel Markovitch, a décliné l’invitation à voir le film ce jour-là.) L’omerta, donc.

Diagne Chanel, de Paroles de femmes, qui raconte avoir vécu des situations discriminantes tant en raison de son métissage que de sa situation de femme, explique aux élèves que « rien ne justifie la violence verbale ou physique. En même temps, ce n’est parce que vous êtes des victimes que vous n’êtes pas des barbares », « vous » ne s’adressant pas aux collégiens présents, mais à l’homme en général.

Sur le trottoir, Valérie Offenberg explique à un Jean-Paul Lilienfeld stoïc, qu’elle tente de motiver Madame Darcos : « J’ai eu Laure Darcos hier (dimanche) au téléphone, et je lui ai suggéré de diffuser ce film à l’Elysée. Il faut absolument qu’on trouve de solutions autour de ce film. » A l’Elysée ? Il fallait y penser.

Nadia Méhouri


la journée de la jupe
envoyé par Bondy_Blog. – L’info internationale vidéo.

Vidéo réalisée par Nadia Méhouri

A l’écran : à gauche, Georges Benguigui, principal-adjoint du collège Georges Rouault, et, à droite, Jean-Paul Lilienfeld, le réalisateur du film.

Nadia Méhouri

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