Avec quelle casquette venez-vous ici, à Bondy ? Avec celle de président d’une formation politique, le Nouveau Centre. Où en sont vos relations avec François Bayrou ? C’est une histoire finie. Elle s’est terminée entre les deux tours de l’élection présidentielle parce qu’il a décidé de fracasser notre famille politique sur une ambition personnelle. A chacun son destin.

Vous êtes passé aujourd’hui (hier) à Radio Soleil, vous venez ce soir (hier soir) au Bondy Blog, vous serez plus tard dans la soirée l’invité de Cauet sur TF1. Quelle cible visez-vous ?

Je n’ai pas de cibles. Cauet, pour être sincère, j’y vais parce que le producteur de l’émission est un ami, cela fait longtemps qu’il me tanne. C’est bien de s’adresser à un public qui n’écoute pas forcément les émissions politiques.

Irez-vous voir « Hors la loi », le denier film de Rachid Bouchareb ?

J’ai demandé à récupérer le film.

Comment sortir du blocage des mémoires françaises et algériennes ?

C’est un conflit permanent. Il faut chercher les voies de l’apaisement. Cette histoire a existé. Pour le réalisateur, il s’agit d’une fiction. Si j’ai bien compris, c’est une histoire romanesque sur un fond historique. Il y a un certains nombre d’incohérences historiques apparemment, mais ce n’est pas le sujet. Tout le monde sait ce qu’il s’est passé à Sétif en 1945, c’est dans les livres d’histoire et laissons les historiens faire leur travail.

Peut-on imaginer voir un jour des soldats algériens défiler sur les Champs-Elysées le 14 juillet , comme l’avaient fait des soldats allemands de l’Eurocorps, en 1994, dans la cadre de la réconciliation entre la France et l’Allemagne ?

Ce sont des réflexions qui se prennent dans le cadre d’une démarche conjointe entre les Etats.

Se dirige-t-on vers cette réflexion ?

Aujourd’hui je n’ai pas d’éléments qui me permettent de le penser.

Quelle est votre position sur la loi visant à interdire la burqa ?

Me concernant, cela a été une grande question. On est dans une société où trop souvent sont opposés les Français aux autres. Je pense que dans une société fragmentée, une société qui doute, il faut chercher les voies de la cohésion et je constate que sur tous les sujets on recherche des boucs émissaires. Par ailleurs, je fais partie de ceux qui sont très attentifs à la protection des libertés, dont celle d’aller et venir dans un code vestimentaire quel qu’il soit. Mais en même temps la burqa m’est totalement insupportable. Une personne, c’est un visage. C’est pour moi une vraie agression de voir quelqu’un en burqa.

Je me suis alors demandé quel était le meilleur moyen de lutter contre la burqa sans remettre en cause mes principes. J’ai longtemps pensé que la meilleure méthode consistait à interdire la burqa dans les services publics. A partir du moment où le débat était lancé il fallait aller jusqu’au bout, la République ne pouvait pas rester au milieu du gué. Je n’avais pas voté la loi contre les signes religieux ostentatoires, je ne la pensais pas nécessaire. Je me suis trompé. Donc nous allons voter la loi et on va voir ce que cela donne.

Existe-t-il des gradés issus de l’immigration dans l’armée ?

L’armée française est probablement la seule institution de la République a toujours avoir porté l’égalité des chances. Celui qui veut réussir peut réussir. L’armée est à l’image de la diversité française. La Seine-Saint-Denis est un département dans lequel le recrutement de l’armée est important. La diversité est présente chez les militaires du rang, les sous-officiers, mais pas pour les officiers.

Il faut avoir en tête que 50% des officiers sont issus du monde des sous-officiers. Et 50% des sous-officiers sont issus des militaires du rang. La promotion sociale dans l’armée est une réalité. Mais les grandes écoles de la défense sont des écoles où la diversité reste extrêmement marginale. C’est pourquoi j’ai mis en place un plan d’égalité des chances en septembre 2007. Près de 450 jeunes issus de milieux modestes, qu’ils s’appellent Dupont ou Belarbi, sont scolarisés dans des lycées militaires. Après leurs bacs ils peuvent intégrer, comme les autres, les grandes écoles militaires.

Est-ce qu’au sein de votre cabinet vous avez des membres issus de l’immigration ?

(Il réfléchit.) Ma secrétaire particulière est berbère.

Et parmi les conseillers techniques ?

(Il réfléchit.) Honnêtement, pour moi, ce n’est même pas un sujet. (Il réfléchit à nouveau.) Non, je ne crois pas. Non. C’est toujours la même chose, les conseillers techniques pour la plupart sortent de l’ENA… On reproduit l’état de la société.

Comment l’armée traite-t-elle les questions de la diversité dans la pratique : la nourriture, le culte… ?

Il n’y a aucun souci. Un militaire du rang peut manger halal, il y a des aumôniers musulmans. Celui qui pratique sa religion peut le faire sans problèmes.

En 2005, vous parliez de ghettoïsation croissante de la société. Quelle est l’origine de ce ghetto ?

Je l’ai dit bien avant les émeutes de banlieues. Une société qui n’est pas capable d’offrir un horizon à une partie de la société française, est une société qui court de graves dangers. Il y a un énorme effort à faire, et cet effort ne concerne pas seulement les banlieues, mais aussi les espaces qui se sentent délaissés, comme les zones rurales. Nous avions proposé à l’époque, avec François Bayrou, que dans chaque lycée le meilleur élément puisse intégrer une école prépa. C’est une idée qu’il faut reprendre.

L’armée est-elle une école de la seconde chance ?

Oui, c’est une vraie école de la seconde chance.

Propos recueillis par Adrien Chauvin et Juliette Joachim




« Ma secrétaire particulière est berbère



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Vidéo : Ines El laboudy, Idir Hocini

Adrien Chauvin

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