Malik Oussekine et Abdel Benyahia : deux hommes d’origine algérienne tués par la police le même soir de décembre 1986. Le film Nos Frangins, de Rachid Bouchareb (connu pour son film Indigènes) retrace l’histoire des ces deux hommes.

Présenté dans la sélection « Cannes Premières » du festival de Cannes 2022, ce film a été projeté en avant-première à la 11e édition du festival du cinéma franco-arabe de Noisy-le-Sec. Une édition spéciale puisque le festival, en hommage aux 60 ans de l’indépendance du pays, a mis à l’affiche des chefs-d’œuvre du cinéma algérien.

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« Un événement qui a électrisé la France »

Avec Nos Frangins, le réalisateur Rachid Bouchareb nous replonge dans une affaire qui a marqué les années 80. Ponctué d’images d’archives, ce film exhume des extraits de journaux télévisés de l’époque, des images des manifestations contre la loi Devaquet.

Les images des marches en soutien à Malik Oussekine et Abdel Benyahia s’imbriquent facilement dans l’intrigue. « La mort de ces deux jeunes hommes a électrisé la France. Rachid Bouchareb l’a vécu très fortement et a voulu raconter cette histoire », indique Anne Thomas, directrice du cinéma Le Trianon.

Avec Nos Frangins, c’est une partie de la France qui s’est sentie appartenir à la famille des victimes 

Les histoires de Malik Oussekine et Abdel Benyahia sont mises en écho. Bouchareb nous embarque dans le quotidien de ces deux familles endeuillées. « De part mes origines algériennes, j’ai suivi ces deux affaires. À cette époque, mon fils avait seulement deux ans. Mais s’il avait eu leur âge, j’aurais eu tellement peur pour lui », souffle Louisa, une mère de famille originaire de Romainville, venue assister à la projection.

« Avec Nos Frangins, c’est une partie de la France qui s’est sentie appartenir à la famille des victimes », analyse pour sa part la directrice du Trianon.

Au cinéma le Trianon de Romainville, le film a conquis les spectateurs. Le casting est d’ailleurs à la hauteur : Reda Kateb dans le rôle de Mohammed, le frère de Malik Oussekine ; Lyna Khoudri dans le rôle de Sarah, la soeur ; et Samir Guesmi dans le rôle du père d’Abdel.

« Quand on voit que 26 ans après, rien n’a changé… C’est vraiment désolant »

 « Ce genre de drame arrive souvent aux personnes racisées. Je pense que ce film va permettre de sensibiliser les personnes sur les affaires de violences policières », espère Nadjette, une jeune fille originaire de Créteil.

Assises non loin, Josiane, Michelle et Eliane, trois amies de longues dates, ont apprécié le film pour sa portée politique. En 1986, les trois retraitées avaient suivi l’affaire Malik Oussekine.

« On était dans l’éducation nationale, on avait manifester contre cette loi à l’époque », se rappelle Éliane, emmitouflée dans ses vêtements d’hiver. « Quand on voit que 26 ans après rien a changé… C’est vraiment désolant. Un coup on progresse, un coup on recule… », souffle Josiane.

La famille d’Abdel Benyahia proteste contre ce film

Précisons que la famille d’Abdel Benyahia a protesté à la vue du film de Rachid Bouchareb. Elle reproche au réalisateur de ne pas les avoir consultés en amont.

Dans une vidéo relayée par la journaliste Sihame Assbague, la famille évoque également « une distorsion des faits ». À leurs yeux, leur engagement dans cette quête de justice apparaît ici minimisé voire effacé. Pourtant, leur mobilisation a conduit à la condamnation du policier incriminé. Une première en France.

Le film Nos Frangins sortira au cinéma le 7 décembre. 

Émeline Odi

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