Article publié le 11 octobre 2018, rediffusé le 4 janvier 2019 dans le cadre du « best of 2018 ».

Le Bondy Blog : Booster a vu le jour en 2012, deux ans après la loi créant le service civique. Avec ce programme, Unis-Cité crée une passerelle entre les jeunes en décrochage scolaire et l’éducation nationale. Comment est née cette collaboration?

Stéphane Libois : Un cahier des charges « décrochage scolaire et service civique » a été rédigé et lancé par l’Agence du service civique et le ministère de l’Education nationale. Unis-Cité, fort de son expérience de mobilisation de jeunes et de profils variés sur des missions citoyennes, a décidé de démarrer un programme en ce sens avec le ministère de l’Education nationale et l’Agence du service civique.

Le Bondy Blog : Pouvez-vous nous expliquer le problème que vous essayez de résoudre avec Booster ?

Stéphane Libois :  On s’attaque au décrochage des mineurs avec comme objectif de les diriger vers un emploi ou une formation à la fin de leur service civique. Il faut savoir qu’il y a 98 000 jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme chaque année et que 38% ont moins de 18 ans. L’idée est de remobiliser les jeunes en alternance avec de la remise à niveau scolaire, parce qu’il faut aussi redonner le goût d’apprendre, pour repartir ensuite vers une formation.

Le Bondy Blog : Concrètement, en quoi consiste le programme Booster ? Quelle est la semaine type ?

Stéphane Libois :  Une semaine se partage en trois jours de service civique et deux jours de remise à niveau scolaire en lycée. C’est une proposition pédagogique accompagnée par la MLDS (Mission Lutte contre le Décrochage Scolaire), où on aborde les matières fondamentales (français, mathématiques, SVT, histoire-géo, sport…etc). Il y a aussi des ateliers d’expression théâtrale et de recherche de stages. Sur les trois jours de service civique, les jeunes oeuvrent sur différentes missions de solidarité. Ils sont mis à disposition d’associations, par exemple, comme les Restos du Cœur. Pour eux, c’est du concret. Cela leur est accessible et leur donne un sentiment d’utilité directe : ils ont un lien avec les bénéficiaires. On remobilise ces jeunes à travers les temps d’accompagnement aux projets d’avenir et les temps de formation civique et citoyenne.

En se rendant utile, en gagnant confiance en eux, en ayant envie de se lever le matin et d’avancer dans la vie, un déclic se fait

Le Bondy Blog : Le service civique est étroitement lié à l’engagement d’Unis-Cité. Pouvez-vous nous expliquer l’intérêt de son intégration au sein d’un programme éducatif ?

Stéphane Libois : Il s’agit d’une remobilisation des jeunes au travers de missions d’intérêt général. C’est un public qui n’avait plus goût à grand-chose. En se rendant utile, en gagnant confiance en eux, en ayant envie de se lever le matin et d’avancer dans la vie, un déclic se fait. Par la suite, pour réduire les risques dans leur parcours, il est important d’aller vers une qualification et un diplôme. Cela passe par le fait de renouer avec les apprentissages scolaires et de se soumettre à des règles de vie.

Le Bondy Blog : Combien d’élèves sont admis chaque année dans le programme Booster ?

Stéphane Libois : Chaque année, cela fluctue en fonction du nombre de territoires – qui correspondent à une ou plusieurs villes qui accueillent le programme. Cette rentrée, on compte 20 territoires, alors que l’an dernier nous en étions à 18. Une promotion Booster est composée de 10 jeunes mineurs décrocheurs et de 10 majeurs (ceux-là ne passent pas par la remise à niveau scolaire). Ce sont les mineurs qui font le service civique alterné. Pendant ce temps, les majeurs, eux, sont sur d’autres missions de service civique ; ils ont plutôt un rôle de grand frère, ils montrent la voie à adopter. Pour 2018-19, nous aurons 400 jeunes dans le programme.dont 200 mineurs. Concernant les établissements sur les territoires, cela peut varier car l’organisation de l’éducation nationale y est différente. Parfois, les jeunes mineurs sont dans une classe spécifique Booster, alors que certains sont séparés et affectés avec d’autres élèves décrocheurs dépendant d’autres dispositifs dans différents établissements. Cela évite que certains fassent trop de transports. C’est l’éducation nationale qui s’occupe des attributions.

Le Bondy Blog : Comment se passe le processus d’admission au programme? 

Stéphane Libois : Nous recrutons toute l’année en partenariat avec la MLDS. Nous nous focalisons sur des profils en décrochage scolaire. Nous évaluons la prise de conscience et le degré de motivation à reprendre les apprentissagesMême si certains manquent le coche, il y a toujours possibilité de trouver une solution. Les élèves doivent se rendre sur la plateforme d’Unis-Cité et se déplacer au premier entretien, la séance d’information. Ensuite, le processus d’inscription peut commencer. Cela permet d’évaluer si le programme convient à l’élève ou pas. C’est ouvert aux mineurs (dans le cadre scolaire) et aux majeurs (seulement pour le service civique). La rentrée des mineurs pour la Seine-Saint-Denis se fait début janvier cette année.

Le Bondy Blog : Est-ce que vous vous appuyez sur les missions locales pour organiser ce programme ?

Stéphane Libois : Nous travaillons main dans la main avec elles, dans le sens où beaucoup de jeunes sont orientés vers nous par la mission locale. Après, dans le cadre de leur accompagnement et de leur projet d’avenir, nous restons en lien. 

Le Bondy Blog : Comment le programme Booster est-il financé?

Stéphane Libois :  Le programme est financé à la fois par des fonds privés et des fonds publics. Les fonds privés sont cherchés au niveau national par l’association Unis-Cité. Nos partenaires sont, spécifiquement pour ce projet, la fondation Coca-Cola, HSBC ou encore la fondation SUEZ Initiative. Il y a aussi les antennes qui vont déployer le programme sur différents territoires, et qui vont trouver des financements au niveau local auprès des communautés de communes, des agglomérations, des départements et de la région. Cela permet donc de financer l’accompagnement et le suivi de ces jeunes.

Le Bondy Blog : Quelles sont les matières étudiées en classe ?

Stéphane Libois : En terme de propositions pédagogiques, c’est très varié en fonction des territoires. Il y a l’étude des fondamentaux évoqués précédemment, mais aussi des ouvertures vers des stages, des découvertes professionnelles et, dans certains cas, des ateliers d’estime de soi. Il n’existe pas de programme fixe qui serait le même pour tout le monde, partout en France.

Le Bondy Blog : Quels résultats obtenez-vous en fin d’année?

Stéphane Libois : Concernant le taux de réussite, on le mesure 3 mois après la fin de leur service civique, fin septembre-début octobre. On a 63% des mineurs décrocheurs qui rebondissent soit sur un emploi, soit sur une formation.

Le Bondy Blog : Les élèves bénéficient d’une rémunération. Comment est-elle fixée?

Stéphane Libois : C’est une indemnité de service civique de l’ordre de 580 euros par mois, qui est relative à leur investissement en milieu associatif.

Le Bondy Blog : Y a-t-il des élèves difficiles à “raccrocher”, à l’école et dans le cadre du service civique ?

Stéphane Libois : Nous sommes sur des publics fragiles, donc certains sont plus compliqués à accompagner, mais il est important de comprendre toutes les causes qui amènent au décrochage scolaire. Pour les différents profils, cela demande un renforcement de la part de nos coordinateurs d’équipes sur le terrain.

Ils s’engagent dans la société et de ce fait, ils s’aident eux-mêmes

Le Bondy Blog : Avez-vous constaté un impact positif du programme sur la vie des élèves  ?

Stéphane Libois : Selon les échos des coordinateurs, on observe une réelle transformation chez ces jeunes, depuis le début de l’année jusqu’à la fin. Le service civique les fait évoluer considérablement, chacun à son rythme et pas nécessairement au même niveau. L’impact est double : ils s’engagent dans la société et de ce fait, ils s’aident eux-mêmes.

Le Bondy Blog : Gardez-vous un lien avec les anciens élèves ?

Stéphane Libois : Ce n’est pas toujours facile de garder le contact, mais les coordinateurs d’équipes sont souvent amenés à conserver de bonnes relations. Il n’est pas rare, lors de cérémonie de clôture, de trouver certains jeunes de la promotion passée. Certains viennent parler de leur expérience à des réunions d’informations pour donner envie aux nouveaux arrivants de participer au programme.

Le Bondy Blog : Comment communiquez-vous au sujet du programme Booster ?

Stéphane Libois : Justement, nous sommes encore en cours de recrutement. Nous communiquons beaucoup par le biais des missions locales. Le bouche à oreille fonctionne aussi énormément. Souvent, ce sont d’anciens élèves qui relaient l’information. Et enfin, nous travaillons en lien avec la MLDS. Un repérage est effectué de leur côté sous forme d’entretiens de positionnement. Ainsi, différentes solutions sont possibles pour ces jeunes, et notamment le programme Booster.

Le Bondy Blog : A présent, quels territoires espérez-vous toucher ?

Stéphane Libois : Nous devrions atteindre cette année 25 établissements sur les 20 territoires que nous avons touchés. Notre ambition est d’essayer de déployer au minimum un programme Booster dans chaque académie de l’Education nationale. Nous avons déjà une couverture sur les académies de Montpellier, Marseille-Aix, Nice, Lille, Dijon, Strasbourg entre autres. Dès que nous mettons les pieds dans une académie, nous avons accès à plusieurs territoires.

Propos recueillis par Audrey PRONESTI

Plus d’informations et formulaire d’inscription disponibles sur le site internet d’Unis-Cité:  https://uniscite.fr/

Crédit photo : Unis-Cité

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