[#PRESIDENTIELLE2017] À trois jours du premier tour de l’élection présidentielle, les onze candidats étaient invités, ce jeudi soir, sur France 2 dans l’émission « 15 minutes pour convaincre ». Au même moment, une attaque mortelle visait un policier en exercice en plein coeur de Paris. En à peine une heure et quelques minutes, tout a basculé, tout s’est mélangé entre polémiques naissantes et récupérations politiques prévisibles. Edito.

Jeudi 20 avril 2017. Les onze candidats à l’élection présidentielle présentent successivement sur France 2 leur programme pour gouverner le pays et améliorer la vie des Français. L’heure est à la confrontation d’idées et aux différentes visions de société vers lesquelles chacun des candidats aimeraient voir la France se tourner. 15 minutes par candidat, sans affrontement direct. À 21h30, des alertes sur mon téléphone annoncent l’horreur, une nouvelle fois : « Fusillade sur les Champs-Elysées : un policier tué et un autre blessé ». Sur les réseaux sociaux, les rumeurs d’un braquage à main armée ou d’une nouvelle attaque terroriste sont très vite évoquées. Mais au final, peu importe la raison. L’essentiel est qu’hier soir, un gardien de la paix a perdu la vie dans l’exercice de ses fonctions, que d’autres ont été grièvement blessés en raison des uniformes qu’ils portent, de ce qu’ils représentent et de leur mission : nous protéger.

L’annonce est tombée en pleine émission, en direct et alors que trois candidats étaient déjà passés devant les caméras. Pour autant, la chaîne n’en a pas tout de suite fait mention à l’antenne. Cette attaque terroriste, revendiquée par le groupe État islamique plus tard dans la soirée, risque de disséminer la terreur dans l’esprit de nombreux citoyens français. Et à trois jours de l’élection présidentielle, les conséquences peuvent être dramatiques. Le terreau est planté, la tentation de faire des amalgames trop grande et les prêcheurs de haine n’ont pas perdu de temps pour distiller leurs propos abjectes et racistes, mettant leur décence de côté à coups de tweets sponsorisés. Ce matin, une chaîne d’info en continu a même fait un parallèle dangereux entre l’attentat et « La question des banlieues dans la campagne ». Rappelons qu’à ce stade, nous ne savons que peu de choses sur le ou les auteurs de l’attaque. Pourquoi un tel raccourci grossier ? Pourquoi un tel amalgame ? Sans parler d’un des candidats hier soir, François Fillon, qui en plein entretien a évoqué « d’autres attaques qui ont lieu ailleurs dans Paris ». Il n’en était rien mais un candidat à l’élection présidentielle, ancien Premier ministre a donc répandu des rumeurs, alimantant la psychose, sur une chaîne de service public à trois jours de l’élection.

Il est également à craindre que le reste de la campagne ainsi que les deux tours de l’élection ne tournent qu’autour de la question sécuritaire, mettant de côté tous les autres sujets tout aussi importants pour l’avenir de notre pays. Les terroristes, tout comme ceux qui instrumentalisent ces événements horribles roulent pour la même chose : la peur et la division.

Oui, nous vivons des temps difficiles, oui la France est la cible d’attaques terroristes, oui nous vivons dans une société où chacun se replie sur soi, où la peur l’emporte parfois sur la fraternité et où chaque nouvelle attaque creuse encore plus profonde la blessure que nous avons en nous. Dimanche, nous aurons le choix au moment de glisser notre bulletin dans l’urne pour montrer quelle vision pour notre pays nous voulons pour les cinq prochaines années. Face à cette dure épreuve, nous devons nous montrer solides et mettre en avant le vivre-ensemble. Ce vivre-ensemble que nous sommes nombreux à vivre tous les jours sans en faire un slogan de campagne creux. Mais nous devons aussi nous montrer lucides et raisonnables à la hauteur de l’enjeu qui est devant nous. Tous autant que nous sommes. Candidats à l’élection présidentielle compris.

Kozi PASTAKIA

Articles liés