Quand le journaliste est venu dans notre lycée d’Aulnay-sous-Bois et nous a orientés sur le thème de la politique, nous sommes rapidement venus à parler du Front-National. L’un de mes camarades a dit dans la conversation que les « frontistes » de banlieues ne se montraient pas au grand jour de peur d’être insultés, voire violentés. Un peu surprise, je lance dans la conversation : « Je frappe à cinq maisons de mon quartier et je t’en trouve des frontistes ». Cette phrase jetée « comme ça » a certainement plu au journaliste, puisqu’il m’a dit : « Eh bien… fais-le! ». Prise au dépourvue, mais ravie d’avoir un sujet pour le « Bondy Blog », j’accepte.

Après cette discussion, quelques jours passent et je me demande pourquoi j’ai accepté. Je suis persuadée que sonner chez les gens et dire : « Bonjour, vous votez FN ? » est au-dessus de mes capacités. Je vous l’accorde, c’était un peu exagéré, mais j’étais pétrifiée à l’idée de me retrouver seule face à ces gens pour les questionner sur leurs convictions politiques. Je fais donc part de mes craintes au journaliste, qui m’encourage à poursuivre et me propose l’aide d’une élève de Sciences-Po. J’accepte immédiatement.

Un peu plus tard, je reçois un coup de téléphone de Marie Drollon, étudiante de Sciences-Po. Nous fixons un rendez-vous et nous rencontrons dès la fin de la semaine.

 

Marie et moi commençons notre petite enquête dans mon quartier. J’avais quelques doutes sur certaines personnes de mon voisinage, alors, nous commençons par ceux-là. A croire qu’ils le font exprès, personne ! Nous choisissons une première maison avec de la lumière, mais le vieux monsieur qui l’occupe ne semble pas pouvoir nous recevoir : « Pas le temps ». Ce motif se répètera de nombreuses fois.

Nous voyons ensuite une femme qui rentre chez elle et qui accepte de répondre. Je commence, avec je l’avoue une sacrée frousse. Je lui pose la question tant redoutée, « Pour quel parti politique votez-vous en règle générale ? ». Elle nous répond « de gauche », nous aurions eu trop de chance si la première personne interrogée répondait à nos attentes. Pour ne pas rester sur cette simple réponse je l’interroge de nouveau : « Pensez vous que des personnes de votre voisinage sont susceptible de voter FN ? ». Elle affirme que tous ceux qui habitent le voisinage sont de possibles « frontistes ».

Nous continuons, puis nous discutons avec Didier, un machiniste de la RATP de 36 ans, en train de balayer la dalle devant son pavillon. Je pose ma question, et le monsieur nous répond qu’il vote à droite, mais pas la droite classique, précise-t-il à notre demande. Didier vote en règle générale pour le FN. Je rentre dans le vif du sujet et lui demande s’il a peur d’affirmer ses convictions politiques. Il répond en aucun cas, il assume pleinement ses choix. Puis cet homme charmant avec nous, dit que s’il a fait ce choix, depuis toujours d’ailleurs, c’est parce qu’il veut garder son quartier calme et protéger ses enfants. Les cités ne lui plaisent pas du tout, il dit même que les personnes qui les habitent sont « différentes ». Différentes ? Qui désigne-t-il ? Les étrangers ? « Bah évidemment », répond-il . Non, Didier n’a pas d’à priori dit-il, mais les étrangers n’ont pas la même mentalité, c’est leur culture. Ce ne sont pas les adultes « qui posent problème », ce sont leurs enfants. Puis il enchaîne sur le fait que les parents, tout de même, ne sont pas impliqués dans l’éducation de leurs enfants. Ils n’ont pas la volonté de s’intégrer, puis il donne l’exemple de voisins algériens qui, eux, ont voulu s’intégrer. Je donne une petite précision: Didier est Polonais. Après ce témoignage que j’ai trouvé plus qu’intéressant, dans la mesure où je me faisais une certaine image du « frontiste » de base. Ce jour, j’ai rencontré un homme charmant qui, malgré des opinions politiques que je désapprouve, a été l’une des rares personne à bien vouloir nous accorder cinq minutes de son temps. Sur ce, nous continuons.

Marie et moi marchons encore un certain temps, et enchaînons refus sur refus, mais motivées nous continuons. Nous rencontrons deux femmes qui nous disent qu’elles ne votent pas du tout, l’une car « ils ne valent pas mieux les uns que les autres », et une autre qui n’a jamais pris sa carte d’électeur. Ensuite nous avons trouvé des gens de tous bords, et parmi eux, Roger, un retraité qui vote à droite, la droite classique, mais qui en 2002 a voulu signifier son « ras-le-bol » en votant Front National, comme 4 804 712 autres Français.

Durant ce petit périple, les habitants du quartier ne nous ont bien souvent, pas laissé le temps de finir de nous présenter. J’ai alors constaté que la plupart des Aulnaysiens étaient débordés, et que les gens sont barricadés chez eux. Ont-ils peur qu’un état de siège soit proclamé ? Là je vous assure, ils seraient bien protégés avec des murs aussi grands que des maisons, des portails sans poignés et automatisés, pas de sonnettes (pour ne pas être dérangés), de petites caméras.

Nous avons terminé notre petit sondage, et mes appréhensions se sont envolées. Nous avons donc rencontré durant cet après-midi, un « frontiste », quatre personnes de droite, trois de gauche, et une votant à droite, mais qui en 2002 a voté extrême-droite. J’ai constaté que les habitants d’un quartier aisé avaient peur des autres, et que peu de gens avaient accepté de nous parler. Malgré cela, je montre ici que les « frontistes » ne se cachent pas tous.

 

Marion Steiner (Lycée Jean-Zay)

Marion Steiner

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