EUROPEENNE 2014. Au premier tour des municipales, le Front national réalisait un score de 17,15% à Lille. Deux mois plus tard pour les européennes, le parti obtient 18,85% dans la métropole et 33,61 % des suffrages dans la circonscription Nord Ouest. 

Dans le Nord de la France, le Front national a trois fédérations : La Fédération Nord Flandre, la Fédération Nord-Hainaut et la Fédération Flandre Maritime. À Lille, Eric Dillies, tête de liste du Front national et patron de la fédération FN de la métropole, nous reçoit au 9 rue des Augustins. Ancien enseignant de lycée, il a la carrure imposante, la tête haute, et la poignée de main plus que ferme. Originaire de la région lilloise, féru d’économie, l’homme est un fervent adepte de Jean-Marie Le Pen : subjugué par la prestation du personnage dans l’émission télévisée L’Heure de Vérité en 1984 (dans laquelle Jean-Marie Le Pen, ignorant totalement les questions du journaliste François-Henri de Virieux, s’est levé, demandant une minute de silence à la mémoire des millions d’hommes tombés sous les dictatures communistes en réaction a la minute de silence demandée par Claude Cheysson au Parlement européen pour la mort d’Andropov), Eric Dillies tombera sous le charme de cet « homme chevaleresque » et adhérera alors immédiatement au parti.

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Il n’a que 18 ans. Aujourd’hui, après des années de bataille, il endosse fièrement son brassard frontiste, confiant. Entouré de Françoise Coolzaet et Nathalie Acs, ses deux colistières, il peut également compter sur l’appui d’une trentaine de bénévoles de 16 à 76 ans, pour œuvrer au bon fonctionnement de l’unité. Le tout sous la houlette de Jean-Michel, son directeur de campagne.

« Le score de Lille ? Rien d’étonnant à cela…»

Éric Dillies n’est nullement surpris de la tournure des municipales à Lille : ce record historique, trois fois plus élevé qu’en 2008, est dû à la combinaison de trois facteurs : la montée du FN au niveau national, l’absence d’implantation de l’UMP (« un sabotage, pour que le PS reste en place ») et au « mauvais bilan de la maire, Martine Aubry ». « J’ai mené une bataille de terrain », confie-t-il dans son bureau, assis devant une grande bibliothèque. « Je ne me suis pas basé sur une bataille idéologique, type la sortie ou non de l’Europe, je suis allé au contact des gens, comprendre pourquoi les trottoirs étaient défoncés, pourquoi on vend de la drogue devant la mairie de Wazemmes à longueur de journée, pourquoi les commerçants ont peur à Lille Sud. Pourquoi on ne traque pas les Roms afin de les placer en garde à vue, puisque ce serait pour eux une journée de rendement en moins. Et petit à petit, les gens ont commencé à penser ‘FN’ ». Vote de contestation ou vote d’adhésion, toujours est-il que le FN gagne du terrain…

Des votants excédés

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Parmi les électeurs lillois, il y a les fidèles de toujours, comme Caroline, habitante du quartier de Moulins, qui vote FN depuis sa majorité. « Je ne changerai pas et j’ai hâte qu’ils arrivent au pouvoir ». Pour Éric Richermoz, étudiant en école de commerce et adhérent depuis un an « c’est une question de valeurs, surtout économiques. Ce programme est plus efficace que l’austérité ». Mais une hausse de 11% implique aussi de nouveaux convertis, dont les intentions sont diverses… « Le discours me plaît, au moins il est cohérent », affirme fièrement Marc, un retraité. « Moi, c’est parce que la gauche m’étouffe… Toutes ces taxes, ces lois…» s’étrangle un commerçant. Et bien évidemment les « je ne suis pas FN à la base » reviennent fréquemment.

« Quand on voit comment nos dirigeants, de gauche comme de droite, ferment les yeux… Et sur tout ! Marre ! Dire quelque chose, c’est stigmatiser, c’est passer pour un raciste, ne rien faire c’est se faire écraser » ajoute un homme au bord de l’explosion. Dans un coin, Cédric détaille son entrée dans le parti : « j’étais à l’UMP. Mais le traité de Lisbonne a été pour moi une trahison et puis qui, aujourd’hui, défend la souveraineté ? ». Dans tous les cas de figure, la tension est palpable. « Déception quant aux autres partis », « amour de la France qui se perd », la coupe est pleine, surtout dans les bas quartiers de la ville, qui se sentent délaissés.

Mesures d’urgence

Sur le tableau de bord, les objectifs sont clairs : insécurité, logement et pouvoir d’achat – les trois demandes les plus récurrentes selon Éric Dillies – ont la priorité. Dans l’idéal, une police municipale, équipée de 300 personnes, pour assurer la sécurité des Lillois 24h/24. Avec du matériel, la possibilité d’intervenir et un système de camérasurveillance… « Pour inverser la tendance ». « Que les lascars aillent ailleurs… Moi je suis pour une politique à l’image de celle de Rudolph Giuliani, le maire de New York aux États-Unis, qui a appliqué des principes de ‘zéro tolérance’ », affirme le chef de mission. Ensuite, il faudrait s’attaquer aux logements sociaux, « nombreux dans la métropole, hideux et où l’insécurité est présente ». Seulement pour cela, le budget qui semble manquer. « La dotation de l’état pour le parti s’élève seulement à 5 millions d’euros » explique Éric Dillies, qui assure pour sa part « ne toucher aucun salaire, hormis celui de son poste d’élu », soit environ 2300 euros par mois. Enfin, la question du chômage est évoquée, puisque ce dernier atteint 20% à Lille. Sans oublier les 25% de taux de pauvreté*.

Dimanche 25 mai 2014 : un « 21 avril 2002 en plus puissant »

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Ce soir, dimanche 25 mai 2014 à 20h dans les locaux FN Nord Flandre Lille Métropole, le premier et unique tour des 8èmes élections européennes est placé sous le signe du succès. L’ambiance est festive, on se félicite. Des cris de joie éclatent de partout et les partisans semblent avoir pris leur revanche. « Peut-être que l’on arrêtera de nous étiquetter « fachos »» glisse une dame. « Marine a été parfaite ! » s’écrie un homme devant le poste de télévision qui affichait les résultats. « 30% à Lomme ! » » déclare un partisan en arrivant. Éric Dillies, verre à la main, fête sa victoire aux côtés de son épouse, Sylvie Goddyn, qui a décroché un poste de député européen. « C’est un 21 avril… En tellement plus puissant ». À 23h, les résultats définitifs tombent : le FN conforte sa victoire avec 24,95% des voix . Un chant s’élève alors dans les couloirs : « Aux armes, citoyens…».

Pegah Hosseini

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