[PRIMAIRE DE LA GAUCHE] Dans un dernier sprint avant le premier tour de la primaire de gauche, Manuel Valls a donné vendredi soir un meeting devant ses sympathisants au Trianon dans le 18ème arrondissement de Paris. L’ancien Premier ministre s’est présenté en héritier d’une gauche réformiste, lors d’un discours interrompu à plusieurs reprises. Reportage.

C’est devant le Trianon, mythique salle de spectacle du boulevard Rochechouart, dans le 18ème arrondissement de Paris,  que les supporters de Manuel Valls se sont réunis. Parmi eux, des élus et certains ténors socialistes de Seine-Saint-Denis comme le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone ou la députée Elisabeh Guigou, sont déjà installés au premier rang. Dans la foule des militants, Jeanne, une habitante du quartier confie qu’elle hésite encore entre Hamon et Valls. « Il y a deux stratégies, Valls me semble avoir plus de carrure face à Fillon et Le Pen, alors que Hamon me paraît être extrêmement prometteur surtout après avoir vu le dernier débat », explique la jeune femme.

La musique de la sono atténue le brouhaha de la salle parisienne qui se remplit rapidement. C’est sous une ovation que la ministre du Travail, Myriam El Khomri, fait son apparition. Une pluie de flashs l’accompagne. Elle s’installe aux côtés de Fleur Pellerin, ancienne ministre de la Culture. Aux alentours de 20 heures, la soirée commence dans un Trianon plein. Plus de 1 200 supporters ont fait le déplacement.  Les discours s’enchaînent avant l’arrivée de Manuel Valls : Christophe Caresche, député de Paris 18ème, Pierre Aidenbaum, maire du 3ème arrondissement de Paris, Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes et un Malek Boutih, député l’Essonne, très ému. « Je suis né dans un bidonville et aujourd’hui je suis élu parlementaire », chauffe, l’ancien président de SOS Racisme. Avant d’avoir un mot sur cette campagne : « Cette primaire est difficile. C’est un combat ! (…) Il se passe quelque chose ! »

« 49.3, on n’oublie pas ! »

Manuel Valls fait enfin son entrée, devant un millier de personnes. Tout le monde se lève, l’applaudit, l’encourage. L’ambiance est survoltée. A peine le candidat commence son discours qu’il est interrompu une première fois par un homme qui crie : « 49-3, on n’oublie pas ! » suivi de huées. On ne pouvait pas faire plus théâtral au Trianon. « On veut me faire mettre à genou dans cette campagne. Je suis debout ! Me mettre un genou à terre, c’est mettre la gauche à terre ! » lance l’ancien pensionnaire de Matignon, avant de revenir sur « l’ADN de son militantisme » marqué par Badinter, Jospin mais surtout Blum et Rocard. Des influences fièrement revendiquées dans un story-telling millimétré. « Être de gauche, c’est rester révolté », souligne Valls. Il n’oublie pas son ancien fief, la ville dont il a été maire : « Je pense à Evry ». Acclamations dans le public.

Mais le chahut s’invite une nouvelle fois lorsque des Gabonais interpellent le candidat sur l’attitude de la France envers le régime d’Ali Bongo. « Moi, je ne dirai jamais à un Gabonais de retourner dans son pays, sa place est ici », a-t-il commenté, en allusion à ce qu’avait pu dire Nicolas Sarkozy il y a quelques mois dans des circonstances semblables. Et encore une fois, les huées accompagnent les cris des opposants puis sont couverts par des « Manuel président ! Manuel président ! » Les services de sécurité restent sur le qui-vive, les fantômes de Lamballe s’invitent, l’atmosphère se tend encore un peu plus.

« La gauche, elle gagne quand elle est crédible avec des propositions qui le sont tout autant »

« La France m’a ouvert les bras ». Le candidat à la primaire revient, une nouvelle fois, sur son passé, raconte son histoire, sa famille, sa naturalisation et donne sa vision du monde, à quelques heures de l’investiture de Donald Trump à la Maison Blanche. « Un nouveau monde plus chaotique est apparu », explique Manuel Valls qui appelle les militants à ne pas prendre à la légère les propos du nouveau président américain.

Il égratigne son concurrent à la primaire, Benoît Hamon et son revenu universel, sans prononcer son nom. « Je ne suis pas là pour faire de fausses promesses », affirme-t-il avant d’ajouter : « Je ne veux pas de ces mirages qui s’évaporent en un instant et qui sèment la désillusion, la rancune, les procès en trahison. (…) Je ne suis pas là pour je ne sais quelle surenchère pour qui serait plus à gauche, plus social, plus généreux, plus moderne. (…) La gauche, elle gagne quand elle est crédible, avec des propositions qui le sont tout autant. »

Puis, l’ancien Premier ministre évoque son sujet de prédilection : le terrorisme. « Je demande aux Français de bien mesurer le nouveau monde dans lequel nous sommes », plaide-t-il en rappelant les attentats de ces derniers mois. Il met en garde contre les dangers du djihadisme, de l’extrémisme, de l’islamophobie et de l’antisémitisme. C’est un Manuel Valls qui s’assume et qui assume son bilan et ses réformes comme la loi El Khomri. « Abroger la loi Travail, c’est abolir la démocratie sociale. J’ai assumé les évolutions nécessaires de cette loi. Je suis un réformiste ! », a-t-il clamé.

Dernier tour de Valls ?

Une Marseillaise termine en apothéose un discours qui n’avait pas besoin de convaincre David, éditeur parisien venu avec son fils. « Il y a des gauches comme celles de Hamon et de Montebourg qui sont incompatibles avec celle de Valls« , justifie-t-il avant de souligner « l’intransigeance laïque » du candidat qui « s’est montré crédible pendant l’affaire Dieudonné ». Nathalie estime que l’ancien premier ministre est l’héritier naturel de François Hollande : « Je suis de gauche, syndicaliste CFDT, je suis handicapée, j’ai 3 enfants qui n’ont pas de boulot, et pour moi Valls est le seul qui peut faire gagner la gauche, s’il ne porte pas la voix de la gauche qui la portera ? J’ai écouté les autres candidats et je ne suis pas du tout convaincue ». La salle se vide mais Florian, étudiant de 25 ans et militant au PS depuis plus d’un an, n’est toujours pas parti. « La gauche part divisée mais il faut y croire. Il y a des valeurs progressistes à défendre, il ne faut pas baisser les bras, notamment face à l’offre politique qui se trouve en face avec François Fillon et Marine Le Pen », s’inquiète-t-il.

Dernier instant de campagne. Derniers moments de ferveur pour un courant politique qui se veut être le phare des progressistes des gauches. Dernières émotions et peut-être dernier discours de campagne de Manuel Valls. Le candidat saura dimanche soir si le Trianon était sa dernière Valls.

Saïd HARBAOUI

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