Bastion communiste depuis 95 ans, la préfecture de Seine-Saint-Denis est passée aux mains de l’Udi. La maire sortante, Catherine Peyge a obtenu 46% des voix, contre 53,99% pour le candidat Udi Stéphane De Paoli. Récit de la soirée.

Cette journée restera historique et aura marqué tous les balbyniens mais surtout le Parti communiste. Dimanche 30 mars, deuxième tour des élections municipales rien ne laissait présager un tel changement. À midi, la ville de Bobigny commençait vraiment à se diriger vers les urnes. PC ? UDI ? Impossible de deviner qui serait élu ce soir-là. Mais dans l’après-midi, quelques incidents ont encore plus fait monter les tensions entre les deux partis. Un homme engagé aux côtés de Stéphane De Paoli a été agressé par plusieurs jeunes aux abords d’un bureau de vote de la ville. Un peu plus loin, ce sont des jeunes qui scandaient « votez Catherine Peyge » devant le bureau de la cité Karl Marx. Et dans le quartier Chemin-Vert, certains empêchaient carrément les citoyens d’aller voter, au point que la police ait dû intervenir. Sans compter les insultes, huées et autres remarques désobligeantes.

Le groupe du candidat UDI, très optimiste depuis le 1er tour où il arrivait en tête des scrutins, perdait confiance. L’abstention du 1er tour avait considérablement diminué, et même les jeunes des cités autour de la mairie se mobilisaient pour le parti communiste conduit par Catherine Peyge. Une première dans la ville, dont la maire sortante se réjouissait en fin d’après-midi, disant « avoir confiance en ce second tour ».

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20 heures, fermeture des bureaux de vote. Dans le bureau 1 situé dans le hall du conseil municipal de la mairie, on ouvre l’urne. Après que les bulletins soient divisés en tas et déposés sur les tables des dépouilleurs, la tension monte considérablement. La majorité des gens présents autour du dépouillement sont communistes et très engagés. Mais au fur et à mesure que les enveloppes s’ouvrent, les visages s’affaissent. La pile violette (couleur UDI), est plus haute que la rose (PC). Certains très souriants au départ commencent à perdre espoir : « je ne vais pas vous mentir, j’ai peur… Je ne vois pas assez de rose sur les tables. J’espère que dans les autres bureaux ce sera plus pour nous parce que là pour le coup c’est perdu ici », exprime une femme.

21 heures, direction le QG UDI. Sur place, Stéphane De Paoli est assis à son bureau, l’air soucieux. Autour de lui, ses colistiers sont tout aussi stressés. Dès que quelqu’un entre dans la permanence, on le fixe, espérant que la liste qu’il ramène du bureau de vote où il dépouillait est positive. Certains débarquent en souriant jusqu’aux oreilles et d’autres ne laissent rien paraitre. Peu de temps avant l’annonce officielle, les retours sont bons. Mr De Paoli reçoit un appel qui lui indique qu’il est visiblement en tête de 900 voix sur 7000 bulletins dépouillés. Ce qui ne tarde pas à le faire craquer d’émotion : « les résultats sont bons. On a peut-être réussi, vous n’imaginez même pas ce que cela représente pour mon équipe et moi après tant de combats. Je suis tête de liste, certes, mais sans mes colistiers et tout le soutien des Balbyniens, je ne serai pas là. C’est avant tout leur victoire ». Il finira par boire un coup et se rassoir.

22 heures passées, la porte du fond où toutes les personnes détenant les résultats s’ouvre. Le silence règne, quand d’un coup ils se mettent à hurler : « on a gagné ! ». La foule qui s’était amassée dans la petite pièce se met à pleurer de joie et crier victoire. Côté Udi règne une ambiance aussi folle que le soir de la Coupe du Monde 1998.

Et même si dehors, des jeunes du quartier situé juste derrière n’ont pas apprécié la présence de certaines caméras, au point de jeter œufs et pommes de terre, rien ne pouvait tuer la fête. Bien qu’un attroupement se soit formé au milieu de la route, avec des jeunes des différentes cités et que le ton soit monté, le dialogue entre eux a calmé les choses. La police arrivée rapidement n’aura même pas eu besoin d’intervenir. Elle restera là tout de même en cas de dérapage.

Les larmes coulèrent pendant plusieurs heures, tant cela paraissait impossible aux militants Udi. À présent « tout reste à faire » et « récupérer une mairie dans cet état n’est pas un cadeau » indique une Balbynienne qui les soutenait depuis le début de la campagne. Après 95 ans, la ville rouge devient violette. Une page se tourne.

Inès El Laboudy

 

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