Comment se déroule ce début de mandat ?

C’est pire que dans mes pires cauchemars. Je suis très fier d’avoir gagné Aulnay parce que c’est une grande ville de Seine-Saint-Denis, c’est une pépite géographique : une population importante (83 000 habitants, 10 000 enfants), un malheur qui doit devenir pour nous un atout, c’est le terrain de PSA où il y a des perspectives d’évolution qui peuvent être formidables. Mais en même temps, je suis effrayé par l’ampleur de la charge et par les difficultés. Je viens d’apprendre que Manuel Valls va nous enlever 5 millions de dotations. Je dois trouver 15 millions d’euros l’année prochaine, ce qui m’oblige à faire un choix : soit augmenter les impôts de 30%, soit diminuer les dépenses de 10%. J’ai choisi, je vais diminuer les dépenses parce qu’il est impossible de rendre le territoire attractif si l’on fait fuir la classe moyenne et les habitants aisés d’Aulnay.

On vous appelle « Monsieur Sécurité » à l’UMP. Une fois arrivé à Aulnay, vos premières mesures portaient justement sur la sécurité. C’était une urgence ou une manière d’annoncer la couleur ?

J’ai eu une tâche considérable dès mon arrivée aux affaires, insurmontable pour certains : démanteler les campements Roms (le campement de la A3, celui du Vélodrome et celui près du centre commercial O’Parinor). Ces camps menaçaient des emplois. Des entreprises étaient visitées, ça ne donnait pas envie aux investisseurs de venir s’installer dans la ville. Il y avait aussi des tensions entre les Aulnaysiens et les habitants de ces campements, avec parfois des risques de règlements de compte. En six mois, j’ai donc réussi l’évacuation de ces trois camps, ce qui représentait quasiment 2 000 personnes. Il s’agissait d’attentes prégnantes de la population. En plus des évacuations, j’ai pris un arrêté anti-mendicité, que je viens d’ailleurs de reconduire pour les six prochains mois. J’ai également nommé un nouveau directeur à la tête de la Police municipale et remis en place la police de nuit, qui avait été retirée par l’ancien maire Gérard Ségura (PS). Notre police tourne donc 24 heures sur 24. Je vais augmenter le nombre de vidéos protection dans la ville, notamment là où il y a de la délinquance. La sécurité fait partie de mon cœur de métier, de mon expérience personnelle.

Sur le plan économique, que proposez-vous pour faire venir les entreprises à Aulnay, notamment sur l’ancien site de PSA ?

Sur un terrain aussi important, 180 hectares, il faut de tout, une hybridation. Le site en lui-même a des potentiels, il faut le valoriser. Pour le rendre attractif, je veux qu’il y ait une pépinière d’entreprises, un campus des métiers, le site de remisage, le centre de formation que PSA va finalement laisser et peut-être aussi la présence de Siemens. On va avoir de nouveaux métiers sur ce bassin d’emplois, c’est pourquoi je demande la création de ce campus de métiers avec tout type de filières, de l’apprentissage à l’école de l’excellence avec pourquoi pas une école de la deuxième chance. Je vais être très humble : ce n’est pas Beschizza qui fait qu’il y a Roissy et Le Bourget. En tant que maire, je fais mon boulot de VRP : je parle de ma ville partout où je passe. Je veux attirer les entreprises pour donner du travail aux jeunes, attirer les promoteurs pour leur permettre de trouver un logement.

Que proposez-vous aux 30% de jeunes Aulnaysiens au chômage ?

Déjà un discours de vérité. La mairie n’a pas d’argent. Je leur dis « Faut pas rêver, je ne vous donnerais pas de stage à la mairie pour devenir fonctionnaire ». Je parle vrai, c’est l’un de mes atouts. J’ai toujours tenu ce discours, même pendant la campagne. Je mets tout en œuvre pour faire revenir de l’activité, de la richesse et de l’investissement. Je veux faire venir des entreprises, des métiers avant tout.

Dans une des structures qui s’occupe de l’emploi des Aulnaysiens, la MEIFE (Maison de l’emploi, de l’insertion, de la formation et de l’entreprise), une cadre est menacée de licenciement pour avoir, semble-t-il, détenu de façon irrégulière les clés d’un local de vidéosurveillance. Ces faits ont été évoqués dans un article du Parisien (paru le 21 octobre 2014). Étiez-vous au courant de cette affaire ?

On m’a parlé d’une directrice qui a fait un branchement de vidéo-protection qui arrive dans son bureau, c’est complètement illégal.

Étiez-vous au fait de la situation ?

Je ne peux pas dire si j’étais au courant. Aujourd’hui je suis aux affaires, mon travail c’est l’application de l’article 40 du Code de procédure pénale. Quand en tant que maire il m’arrive une information, je dois la faire traiter. On ne peut plus laisser passer des choses comme cela. Tous les « on-dit » qu’il y a à Aulnay, il y a plein de cas que l’on doit clarifier. Comme ces entreprises qui ne payent pas de loyer depuis un an.

Même question sur l’affaire de détournement de fonds qui concerne toujours la MEIFE. Selon ce même article du Parisien, une partie des subventions publiques aurait été détournée. On parle même de détournement organisé.

On est dans le pénal, il s’agit en l’occurrence d’une affaire judiciaire en cours. Je ne peux pas répondre, je n’ai pas les éléments. Je ne me défile pas, je suis juste au courant qu’il y a une affaire en cours.

J’aimerai vous parler d’un quartier dans votre ville : le Gros Saule. Les habitants de ce quartier estiment être abandonnés, certains ne se considèrent même plus Aulnaysiens. Trouvez-vous normal qu’ils se sentent plus proches de Sevran que d’Aulnay ?

C’est l’un des quartiers les plus enclavés de la ville. À la demande du maire précédent, Manuel Valls, alors Ministre de l’Intérieur, a mis ce quartier dans la même zone prioritaire que Sevran. C’était une erreur parce que ça a été très mal vécu par les habitants. C’est pourquoi j’ai demandé le divorce à l’amiable avec le maire de Sevran, Stéphane Gatignon. Le Gros Saule, ce n’est pas Sevran et vice-versa.

Autre sujet : l’éducation. Comment gérez-vous le dossier des rythmes scolaires ?

Ce dossier était perdant-perdant pour un maire de droite nouvellement élu. J’ai toujours été opposé à cette réforme, dans l’idée et dans l’application telle que décidée par Vincent Peillon. Ce dernier l’avait appliqué dans certaines villes l’année d’avant, on a bien vu que ça ne marchait pas, que les résultats étaient décevants. Pendant la campagne, j’ai clairement dit que j’étais défavorable à cette réforme. Je me suis engagé dans un bras de fer avec l’État. On était même plusieurs maires UMP. Le premier courrier que j’ai envoyé quand je suis arrivé à la mairie était à l’adresse du Ministre de l’Education, Benoît Hamon, pour qu’il nous laisse un laps de temps supplémentaire de préparation. Je n’ai jamais eu de réponse. Dans la réforme des rythmes scolaires, en tant que maire, vous ne décidez de rien, vous payez tout et vous êtes fautifs de tout. Je n’ai pas décidé le samedi, on me l’a imposé. Tous les parents d’élèves m’en veulent sachant que ce n’est pas moi qui ai pris la décision. Ils sont mécontents, ils viennent manifester. Je ne suis pas l’ennemi des parents, je les comprends.

Vous êtes un proche de Nicolas Sarkozy, vous l’avez d’ailleurs invité à Aulnay pour un meeting le 15 novembre prochain. Que pensez-vous de toutes les affaires qui le concernent, de Bygmalion à l’affaire Karachi en passant par la Libye ?

Je vais taper sur la droite, sur ma famille politique. Il y a chez les élus de droite plein de petits apprentis procureurs et magistrats. Je dénonce tous ces apprentis qui parlent sur tout et n’importe quoi. J’attends que l’affaire pénale soit terminée pour juger, ils devraient en faire de même.

Propos recueillis par Leïla Khouiel

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