1. Ne pas avoir peur des policiers
Les policiers et les journalistes sont de grands amis aux Etats-Unis. Les uns ont besoin des autres pour se faire bien voir de leurs patrons respectifs. Ce dimanche 15 mai, un groupe de photographes, de cameramen et de reporters attend la sortie de DSK du blockhaus de la Special Victims Unit dans l’Est d’Harlem. Le petit groupe se demande si la police va « faire marcher » l’ancien ministre : c’est le désormais célèbre « Perp Walk » (la marche des malfaiteurs).

Sitôt la nouvelle confirmée, l’un d’eux dit au porte-parole de la police qui se présente de temps à autre devant la presse : « La seule chose qu’on demande, c’est de le sortir quand il fait jour. » Finalement, DSK émergera la nuit, encadré de policiers. Ils ont revêtu leur insigne. Ils savent qu’ils feront la une des journaux du lendemain. Peu de temps avant, un officier de police avait garé la voiture qui allait embarquer DSK devant le groupe de journaleux. Il la garera de nouveau plus près du groupe par la suite. « Tu seras l’employé du mois », lui lance un photographe pour le remercier.

Par contre, les policiers ne poussent pas la politesse jusqu’à proposer aux journalistes d’utiliser leurs toilettes pour parer à quelques envies pressantes. Tant pis s’ils attendent depuis longtemps (et sous la pluie!). Heureusement, un photographe trouve la parade. Il a repère des toilettes dans le parking voisin. Tout le monde est soulagé (et se soulage).

2. Harlem-Est, c’est pas Times Square
Attendre, c’est plus facile avec le ventre plein. Les photographes les plus prévoyants, pressentant une attente longue, se sont munis de barres de céréales. Pour les autres, c’est le McDo du coin ou les « delis », sorte d’épiceries new-yorkaises où l’on peut trouver des sandwichs pas chers. Egalement au menu : Dunkin Donuts, une chaîne de fast-food qui sert des donuts et cafés dégueu. Bien sûr, on ne peut pas prendre son temps pour aller chercher la victuaille : DSK peut sortir à n’importe quel moment ! Là encore, un photographe trouve la parade : se faire livrer des pizzas.

3. Etre patient
Couvrir l’affaire DSK, c’est passer beaucoup de temps à attendre pour pas grand-chose. Attendre sous des trombes d’eau sa sortie du bâtiment de la Special Victims Unit à Harlem. Guetter encore une apparition au sortir de sa prison dorée de Franklin Street dans le sud de Manhattan. Patienter enfin dans la file des journalistes qui se forme devant les salles d’audience où DSK comparaît. D’après un calcul rapide, j’ai attendu au moins 27 heures pour apercevoir Dominique Strauss-Kahn dans des lieux divers (seize heures devant le commissariat craignos d’Harlem le 15 mai ; quatre le lendemain pour sa première comparution devant la cour criminelle de Manhattan ; trois pour sa seconde comparution devant la cour suprême de New York le 20 mai ; trois aussi pour la lecture des chefs d’inculpation de lundi et une heure devant sa « townhouse »). Au total, je ne l’ai vu qu’un peu moins d’une heure depuis le début de l’affaire, le 14 mai.

4. Faire de la lèche au porte-parole des cours de Manhattan
David Bookstaver a un rôle essentiel : il décide de quel média peut assister aux comparutions de DSK dans une affaire qui suscite, selon lui, une présence médiatique comparable à celle du procès de l’assassin de John Lennon en 1980. Bookstaver est un fonceur. Ce Monsieur 100 000 volts des relations-presse était photographe de faits divers. « C’était un des meilleurs, commente un collègue. Il se branchait sur la radio des flics pour être sur place avant tout le monde. »

Aujourd’hui, l’homme de petit gabarit, un sens de la repartie à toute épreuve, regard revolver, est la personne à courtiser. Lors de la première comparution de DSK, il aurait refusé, selon un confrère, de faire entrer un correspondant du Monde car il ne connaissait pas le journal. En revanche, il aurait laissé passer un journaliste de Paris Match avec lequel il avait discuté avant. Les journalistes ont compris qu’il fallait lui lancer des fleurs, le tapisser de « mercis » quand il assure qu’il va « tout faire pour faire entrer tout le monde » dans une salle d’audience de toute façon trop petite. Vu le nombre grandissant de journalistes présents aux audiences, il va falloir fayoter dur !

5. Pas touche à Anne Sinclair
Un confrère a eu le malheur de souffler quelques mots à Anne Sinclair lors d’une audience. Une policière a aussitôt pris la mouche : « Prenez vos affaires car vous ne reviendrez pas », lui a-t-elle lancé devant le reste de la salle.

6. Twitter, la salle d’audience comme si on n’y était
Pour les journalistes qui ne parviennent pas à assister aux audiences, il y a une solution : Twitter. Ceux d’entre eux qui se font recaler par David « videur » Bookstaver ont pu suivre les « tweets » plus ou moins exacts de leurs confrères plus chanceux. Un journaliste affirme même avoir entendu des confrères indiquer à leur rédaction qu’ils étaient à l’intérieur de la salle alors qu’en réalité, ils n’en voyaient que les portes.

7. Ne pas penser que DSK intéresse tout le monde
A force de manger, boire et respirer DSK, on en oublierait presque que l’ancien directeur général du Fonds monétaire international n’est pas le centre du monde. Pour beaucoup d’Américains peu familiers de la haute finance internationale, DSK était et reste un parfait inconnu. Ne parlons même pas du FMI ! Un sondage pas du tout scientifique réalisé aux abords du tribunal, en montrant simplement une photo de DSK aux passants, a révélé que le visage de l’ancien ministre restait une énigme pour beaucoup. A l’indice « si, si, vous savez, c’est le Français accusé de tentative de viol sur une femme de chambre », la plupart répondent par : « Ah non désolé. Je ne le connais pas. Bon courage pour votre reportage. » Prends ça !

Une chose est sûre, les New Yorkais se passionnent davantage pour les déboires actuels d’Anthony Weiner. L’élu démocrate du Queens est accusé d’avoir envoyé des photos suggestives à plusieurs supportrices via Twitter. On l’a tantôt vu en slip, tantôt en serviette de bain. Après Dominique « Le Perv’ » Strauss-Kahn, les tabloïds n’en demandaient pas mieux.

Alexis Buisson (New York)

Paru le 22 juin

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