Banlieusard, le titre de Kery James, entendu aux Jeux de la Francophonie, a passablement énervé le maire de Nice ainsi qu’Eric Ciotti, député et président du conseil général des Alpes-Maritimes. Et pourtant, Hadjila l’a écouté attentivement.

« Cette chanson qui appelle à la révolution dans les banlieues n’avait pas sa place ce soir. Au-delà de tout, quelle image donne-t-elle au monde francophone de notre pays ? ». Ces propos lâchés le 7 septembre dernier par Christian Estrosi (maire UMP de Nice) et Éric Ciotti (député UMP et président du Conseil Général des Alpes-Maritimes), font écho à la prestation donné par le rappeur Kery James à l’issue de l’ouverture de la septième édition des Jeux de la Francophonie, à Nice, au cours de laquelle il a interprété son désormais classique, « Banlieusard ».

En effet, les Godefroy de Montmirail et Jacquouille la Fripouille de l’UMP n’ont pas vraiment approuvé le choix de la programmation et du titre « imposé », selon eux par la gauche, Eric Ciotti fustigeant Hollande et Benguigui, qui ont fait le choix de, je cite « imposer une chanson scandaleuse et inappropriée sur la révolution des banlieues aux Jeux de la Francophonie ». Ça aurait pu coller pourtant. Vous auriez pu, monsieur le Ministre, faire un effort de concentration tant les paroles semblent s’adresser à vous.

Eh ben si. En ayant abandonné le lycée au cours de votre terminale, vous n’avez même pas pris la peine de passer votre bac au profit d’une (courte) carrière de motard, ce qui vous a valu le surnom de « motodidacte » (on peut aussi faire « mythodidacte »), et, accessoirement, de faire parti de « ceux qui ne font pas toujours ce que l’on attend d’eux », comme le chante Kery.

Vous n’avez pas été très fair-play, reconnaissons le, car si pour Kery, « Depuis la ligne de départ, ils ont piégé ma course », vous vous êtes chargé de le faire tout seul, en décidant de  » bricoler  »  un peu trop  le moteur, ce qui a entraîné votre déclassement suite à votre victoire. Monsieur le Ministre, ça commence bien.

En parlant concours, Monsieur le maire déclarait, en 1989, n’avoir « […] jamais connu [la] moindre mise en examen ». Cette phrase n’a pas été tirée d’un mea-culpa impulsif, mais de sa réaction face à sa mise en cause, ainsi que celle de son épouse, au sujet d’un détournement de subvention (d’une coquette somme) du conseil général des Alpes-Maritimes, destiné à l’association « Le Golf de Nice » (en plein dans le mille mon coco) et dont l’ancien ministre était, en outre, vice président. La plainte a fait l’objet d’un non-lieu, confirmé par la Cour d’appel.

Vingt-quatre ans plus tard, Kery James scandait que « le système ne [m]’a rien donné, j’ai dû le braver » et peut-être faisait il écho, sans le savoir, a quelqu’un qui estimait que, même si le système lui avait tout donné, il dû le braquer. Allez savoir, ma foi.

Ah, mais tient, ça me revient monsieur le Ministre! (j’ai la mémoire courte, parfois).

N’était-ce pas vous qui appeliez « à la révolte » des mairies face aux gens du voyage, ou Roms (je vous laisse faire l’amalgame, vous avez l’habitude), que vous considériez comme « délinquants » et que vous aviez promis de « mater » ? Parce que, même pas peur, vous en avez « maté d’autre », M. Estrosi, n’avez-vous pas cancané fièrement au micro d’Europe 1, « fournir un mode d’emploi » pour les faire abdiquer. (À titre préventif, je vous conseille de ne pas écouter Seth Gueko rappeur et manouche, vous risqueriez de partir en guerre sainte).

Quant à Éric Ciotti (alias Dolby digital), il « comprenait » vos propos et affirmait avoir « livré le même combat très difficile », donc, si vous voulez partir en croisade contre l’islam (jugé  » totalement incompatible  » avec la démocratie), les Roms et leurs caravanes « pour lesquelles il faudrait parfois au Français toute une vie pour pouvoir se payer les mêmes », en brandissant votre « mode d’emploi », tel un glaive, point levé, en hurlant : « A l’attaque ! ». Ce rap est définitivement votre hymne :

« On n’est pas condamnes à l’échec, voilà l’chant des combattants […] j’ai écris l’hymne des battants ». Toutefois, si Jay-Z « got’s 99 problems but Bitc**s ain’t one », pour vous, M.Estrosi : « Affirmer qu’il y a deux France, alors que la France est l’hôte de 55 nations et devait montrer son unité, est une faute morale ». Bon.

Pourtant, votre ouvrage, sobrement intitulé:  Insecurité : Sauver la République (en terme de mégalo, sur une échelle de 1 à 10…) mettait en évidence les termes « délinquance de rue », « violences urbaines », « sauvageons », « menace de paix civile » et fustigeait une sorte de seconde France, celle qui ne correspond apparemment pas à l’image que vous vous en faites. Chose que Kery James, de son point de vue (que l’on respecte, lorsqu’on est bien élevé) ne fait pas non plus.

« Parce qu’à ce jour, y’a deux France, qui peut le nier ?

Et moi je serai de la deuxième France, celle de l’insécurité

Des terroristes potentiels, des assistés

C’est c’qu’ils attendent de nous, mais j’ai d’autres projets […]

Je ne suis pas une victime, mais un soldat »

Alors, à défaut de sauver la République, je vous conseille d’écouter et de lire « Lettre à la Republique », de Kery James toujours, où vous trouverez toutes les réponses à vos questions et autant d’éléments nécessaires pour de jeter l’opprobre sur sa personne, une prochaine fois.

Et ce jour-là, veillez à faire en sorte que vos discours et vos références soient aussi béton que la résine qui ornent les faux ongles nacrés des cagoles niçoises, cher M. le Ministre.

Hadjila Moualek

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