Texto de Mourad à midi : « Ministre de la Justice et candidat aux législatives dans 15 minutes au Clos ». Mourad est LE militant socialiste du quartier. Certains l’appellent même François Hollande depuis la victoire de ce dernier. Par rendez-vous au Clos, je devine un rassemblement sur la place du marché. Bingo : j’aperçois au loin une caravane de campagne portant le nom du candidat : Fabrice Dalongeville. Dalongeville, Dalongeville ? Pourquoi ce nom ne me paraît pas étranger ? Surtout que je n’ai pas encore ouvert l’enveloppe contenant les précieuses professions de foi. Un petit tour sur Wikipedia (vive les smartphones) pour découvrir que je confonds avec Gérard Dalongeville, ancien maire socialiste de Hénin-Beaumont et auteur de Rose Mafia. Ce livre publié pendant la campagne présidentielle de 2012, dénonce le « système PS » du Pas de Calais : corruptions, emplois fictifs et tout ce qui s’en suit. Pas terrible comme homonyme pour un candidat investi par le PS. Mais revenons à notre Dalongeville.

Petite foule sur la place : je reconnais Christiane Taubira entourée du candidat Fabrice Dalongeville (heureusement qu’il y a sa photo sur la caravane) et Laurence Rossignol, longtemps élue municipale de l’opposition et maintenant sénatrice de l’Oise. Quelques « Messieurs Sécurité » veillent à ce qu’on n’écrase pas la petite Christiane : une trentaine de personnes est postée devant le mini- pupitre placé près de la caravane. Petit à petit la foule grossit. Une voisine s’exclame : « Je ne savais même pas qu’elle était là ». La place du marché au Clos des Roses, c’est le cœur du quartier, marché le mercredi, la boulangerie, le salon de thé, le kebab ou encore « le turc », notre épicier. Alors forcément, beaucoup passent par hasard et s’arrêtent, ou pas…

Fabrice Dalongeville : je ne connais pas. Auger-Saint-Vincent, le village dont il est maire. Christiane Taubira : je la connais. Une ministre issue d’une « minorité visible » pointant le bout de son nez dans le quartier : je ne dois pas être la seule à venir par curiosité.

Membre du Parti Radical de Gauche (PRG), Fabrice Dalongeville a été investi dans cette circonscription par la majorité présidentielle. Heureux doit être le Fabrice de bénéficier du soutien  de Christiane, figure de proue du PRG. Et pas seulement : pas moins de cinq logos figurent sur sa profession de foi : Parti Socialiste, PRG, Europe Écologie, MUC (Mouvement Unitaire Progressiste, fondé par Robert Hue) ou encore le MRC (Mouvement républicain et citoyen dont Jean-Pierre Chevènement est le président d’honneur).

Courte introduction de la ministre par le candidat : « Vous le voulez le changement de parlementaire ? Alors dimanche votez Da-lon-ge-ville ! ». Et c’est pour encourager les électeurs que la ministre « lui a fait l’amitié de venir ici ». Accueil chaleureux pour Christiane Taubira qui remercie tous les élus présents, amis ou compagnons de longue date, radicaux, verts, socialistes, conseillers généraux, maires, sénatrice. Puis appelle les électeurs à emmener Fabrice Dalongeville à l’Assemblée nationale, pour qu’il y rapporte les besoins de la population. Elle ne manque pas de souligner qu’il faut apporter une majorité à l’assemblée nationale au Président de la République « pour ne pas réduire la voilure de l’action gouvernementale ».

Une demie-heure durant, Christiane enrôle la foule. Du terrible bilan dans les territoires ruraux et les banlieues, au travail considérable à mener sur l’égalité entre les citoyens, en passant par le combat pour le service publique. Tout le monde applaudit quand elle oppose les économies faites sur l’école et le paquet fiscal.

Les cris « Fabrice ! Fabrice ! Fabrice » mettent fin à l’énergique intervention de la garde des Sceaux. Le candidat clôture alors en rappelant qu’il est passé par le même lycée que les habitants du Clos des Roses : « Si vous m’élisez, c’est le lycée Mireille Grenet qui sera représenté par le premier parlementaire ».

Alors que Christiane Taubira, Fabrice Dalongeville et leurs sympathisants s’engouffrent dans le salon de thé de Chaban, un autre groupe se forme. Autour d’un autre candidat de la 5e circonscription. Benjamin Belaïdi, 27 ans, brigue le même mandat de député. Et contrairement à l’inconditionnel soutien de la majorité présidentielle, c’est seul et sans étiquette qu’il bat campagne. Ce jeune homme bénéficie d’une grande notoriété dans le quartier. Avec son équipe, ils ont attendu respectueusement que le discours se termine. Ils installent alors une chaîne-hifi d’où s’écoule un faible rap sensé attirer « le Jeune ». Quelques mots seulement pour rappeler ses engagements puis se distinguer : « On a respecté le candidat venu faire cette petite allocution mais nous on a fait tous les quartiers de la ville. On les connaît ces quartiers, on ne vient sur une place sans savoir ce qu’elle représente. Rendez-vous demain pour mettre le bon bulletin dans l’urne ».

Fin du petit battle électoral sur la place. Ce 10 juin, c’est aussi la fin de l’aventure législative pour Benjamin, qui a recueilli  0.90% des voix. Dernier épisode le 17 juin avec un second tour entre Fabrice Dalongeville qui a convaincu plus de 22% des votants et Lucien Degauchy (UMP) avec 39% des voix. L’actuel député de 74 ans est candidat pour un cinquième mandat.

NB : Non investi par son parti, le candidat socialiste dissident, Bertrand Brassens, a réuni 11.44% des votes.

Rouguyata Sall

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