Mayotte est en grève générale depuis deux semaines. La revendication est simple : une égalité réelle en droits avec la France.

En août 2014, François Hollande s’est rendu pour la première fois de son quinquennat à Mayotte. Le 22 août, il a prononcé un discours où il a fait la liste des mesures qui seraient entrées en vigueur dans ce département. Vérification en chiffres et radioscopie du 101e département de France.

1) François Hollande : « Le SMIC sera au 1er janvier de l’année prochaine, à Mayotte, au même niveau que partout en France, parce que c’est un droit fondamental ».

Depuis le 1er janvier 2016, le smic à Mayotte s’élève à 1141,30 euros mensuels net. En France, il est quasiment du même montant : 1 141, 61 euros. Sauf que, sauf que… En France, le smic est calculé sur la base de 35 heures par semaine. Or, à Mayotte, le smic est calculé sur la base de 39 heures hebdomadaires. Et cela change tout ! À Mayotte, le smic brut horaire revient donc à 7,30 euros contre 9,67 euros en France métropolitaine. Car à Mayotte, la durée légale du travail est de 39 heures contre 35 heures ici. On est donc encore loin d’une situation à égalité entre la France, DOM TOM compris, et Mayotte.

2) François Hollande : « Nous avons également, et j’y ai veillé personnellement avec la ministre de l’Outre-mer, revalorisé le RSA de 50%. Non pas parce que nous voudrions simplement offrir une prestation aux Mahorais, mais parce que c’était le droit qui devait leur être reconnu, dès lors qu’ils étaient dans cette situation. »

Explications. Le RSA a été mis en place à Mayotte le 1er janvier 2012 avec une base de 119 euros pour une personne seule sans enfant. Le 1er janvier 2013, le RSA est revalorisé de 52,2 %. Il atteint alors les 181, 22 euros pour une personne seule sans enfant. Mais depuis, le RSA n’a toujours pas rattrapé les montants du RSA versés en métropole et dans les DOM TOM. De sorte qu’aujourd’hui, le RSA a certes bien été revalorisé le 1er septembre 2015 de 2% partout en France, Mayotte compris, mais le montant de l’allocation s’élève à 524,68 euros en métropole et dans les DOM TOM pour une personne seule sans enfant, contre 268,08 euros à Mayotte. 

À savoir : depuis la mise en place du RSA à Mayotte, les bénéficiaires du RSA du département bénéficient chaque fin d’année, comme partout en France, du versement d’une aide exceptionnelle, dite prime de Noël. Depuis 2012, son montant est inchangé : 38,11 euros pour une personne seule sans enfant, majorée pour les familles. Même pour cette aide, il y a inégalité : en France, DOM-TOM compris, le montant de cette aide est de 152,45 euros pour une personne seule sans enfant, soit 4 fois plus que le montant versé aux Mahorais.

3 )François Hollande : « J’ai voulu aussi que pour l’allocation au logement, pour l’allocation de rentrée scolaire, ce soit les mêmes niveaux de prestation à Mayotte que dans le reste du territoire ».

*Allocation de rentrée scolaire : Pour la rentrée scolaire 2015/2016, l’ARS s’élevait à Mayotte à

364,45 euros pour les élèves mahorais du primaire

– 384,56 euros pour les élèves mahorais du collège

– 397, 88 euros pour les élèves mahorais du lycée

Cette somme est quasiment équivalente à celle versée en métropole.

*Allocation logement

La circulaire du 1er mars 2013 indique que « les allocations de logement à Mayotte suivent les règles applicables en outre mer ». Ainsi, « l’allocation de logement sociale est instituée à Mayotte et les règles régissant le droit de l’allocation de logement familiale à Mayotte sont révisées selon un principe d’alignement sur les règles applicables dans les départements d’outre-mer ». Alignement selon les règles valables dans les DOM-TOM et non selon les règles valables en France comme le laisse pourtant entendre François Hollande.

4) François Hollande : « J’ai voulu que les règles pour l’indemnisation du chômage soient les mêmes que partout en France »

* Indemnisation chômage

Voici ce qu’indique l’Unedic sur son site consacré à Mayotte : 

« La convention du 24 mars 2016 entre en vigueur à compter du 1er mai 2016 pour une durée de 3 ans. Elle poursuit l’adaptation des règles d’indemnisation spécifiques à Mayotte afin de les rapprocher du régime général applicable dans les autres départements ». C’est donc un accord spécifique qui régit l’indemnisation chômage à Mayotte, et non l’accord interprofessionnel du 22 mars 2014 introduisant une nouvelle convention UNEDIC en France.

Dans les faits à Mayotte, pour être admis à l’Aide au retour à l’emploi (ARE-Mayotte), le demandeur d’emploi doit justifier d’une durée minimale d’affiliation de 6 mois au cours des 24 derniers mois pour une durée d’indemnisation maximum de 12 mois pour les moins de 50 ans avec le versement d’une allocation dégressive : 70% du salaire journalier de référence les 3 premiers mois, 50 % les 9 mois suivants.

Or, en France, pour être admis à l’Aide au retour à l’Emploi, il faut avoir travaillé au minimum 4 mois au cours des 28 derniers mois pour une durée d’indemnisation maximum de 24 mois pour les moins de 50 ans avec le versement d’une allocation journalière située entre 57 et 75 % de l’ancien salaire.

Les règles d’indemnisation chômage à Mayotte sont donc loin d’être les mêmes que celles valables en France.

*Allocation personnalisée d’autonomie

François Hollande : « J’ai voulu aussi que l’allocation personnalisée d’autonomie, la prestation compensatrice de handicap puissent être versées ici à Mayotte, comme dans toutes les communes de France et dans tous les départements de France ». 

C’est un décret du 13 octobre 2015 qui acte l’extension à Mayotte de l’APA et de la prestation compensatrice de handicap. Le texte est entré en vigueur depuis le 1er janvier 2015.

5) François Hollande : « J’ai demandé que les droits à la santé puissent être reconnus, ici à Mayotte, que la carte vitale puisse être lancée ici aussi pour que chacune, chacun, puisse accéder aux soins de la même manière que partout en France. Il y aura un moment où il faudra aussi, que la couverture maladie universelle puisse être étendue, à Mayotte. »

* Carte vitale 

D’après le centre de sécurité sociale de Mayotte, au 31 décembre 2015, 20 000 cartes vitales ont été distribuées à Mayotte pour un département qui compte 226 915 habitants selon l’INSEE en 2015.

*Couverture maladie universelle

C’est simple : la CMU n’existe toujours pas à Mayotte. Quant à la Complémentaire santé gratuite et renouvelable (CMU-C) « c’est en projet » nous répond Jean Veron, directeur de la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte sans pouvoir nous donner d’information supplémentaire sur le calendrier.

Par ailleurs, Mayotte est ce qu’on appelle « un désert médical » : il n’y a seulement 83 médecins pour 100 000 habitants. En comparaison, le département considéré comme le plus important désert médical en France métropolitaine est l’Eure qui recense 167 médecins pour 100 000 habitants soit deux fois plus que Mayotte. En moyenne la France compte 337 médecins pour 100 000 habitants selon les derniers chiffres de l’Insee.

Nous sommes encore bien loin d’un « accès aux soins de la même manière partout en France ».

6) François Hollande  « Nous devons faire en sorte qu’il y ait le plus possible, dans les prochaines années, de construction de classes et d’enseignants au service du savoir et de la connaissance »

S’agissant des effectifs scolaires, voici les chiffres officiels :

En 2013, il y avait 85 444 élèves, primaire et secondaire confondus. À la rentrée 2016, l’académie de Mayotte prévoit 93 571 élèves soit une hausse de la population scolaire en 4 ans de 9,5%.

S’agissant du personnel enseignant, voici les chiffres officiels des créations de postes à Mayotte depuis 3 ans :

En 2013, il y avait 5229 enseignants temps-plein, primaire et secondaire confondus. À la rentrée 2016, l’académie de Mayotte table sur 5848,5 postes d’enseignants temps-plein, soit une hausse des postes en 4 ans de 11,8 %.

La hausse des effectifs scolaires a bien été suivie par une hausse des postes d’enseignants à Mayotte. Mais le problème réside dans le nombre de contractuels élevé dû à la difficulté d’attirer des titulaires à Mayotte. Selon le Vice-Rectorat, les contractuels représentent 33 % des enseignants dans le second degré. Ils représenteront 40 % des effectifs l’an prochain contre 7,3% en France métropolitaine.

Le défi pour Mayotte, c’est sa démographie. Même si sa croissance démographique ralentit, le département a enregistré en 2015, 9000 naissances. C’est 25 naissances par jour, l’équivalent d’une classe par jour ! D’où l’obligation de construction de nouveaux équipements scolaires pour remplacer les vétustes et accueillir les prochaines générations d’écoliers.

* Constructions de classes :

Voici les informations recueillies auprès du Vice-Rectorat de l’académie de Mayotte et de la préfecture :

À la rentrée 2014, 50 nouvelles classes ont été construites primaire et secondaire confondus. Contrairement aux affirmations de la ministre des Outre-mer, George-Pau Langevin qui déclarait hier que 217 classes ont été construites en 2015, les autorités locales en recensent pour cette année 179 nouvelles (116 en primaire, 63 dans le secondaire), le reste étant de la rénovation de classes et non de la construction. Pour la rentrée 2016, 35 nouvelles classes dans le secondaire sont prévues. Dans le primaire, l’appel à projets vient juste de s’achever.

La départementalisation de Mayotte actée en 2011 a initié un processus de rattrapage avec la France métropolitaine qui mettra du temps à s’achever, tellement les écarts sont importants. L’enquête Insee publiée ce jour sur les prix dans les DOM montre en revanche la vie chère qui se poursuit à Mayotte malgré les différentes mobilisations sociales. Ainsi, les prix des biens et des services sont quasiment 7% plus élevés à Mayotte qu’en métropole, les prix alimentaires plus chers de 19, 2 %, les communications téléphoniques et internet de 26, 7 %.

Quelques chiffres importants sur Mayotte :

Taux de chômage : il s’élève à 23, 6% à Mayotte (même si beaucoup estime qu’il est ici sous-évalué) contre 10 % en France métropolitaine (INSEE) et 28,6 % à la Réunion.

PIB par habitant : 7900 euros à Mayotte, contre 31 500 euros en France métropolitaine et 19 339 euros à la Réunion.

Effort budgétaire de l’État par habitant : 3964 euros par habitant à Mayotte contre 5331 euros par habitant à l’Ile de la Réunion.

Croissance : entre 2005 et 2011, Mayotte a connu une croissance de 8,7% en moyenne (Insee).

Espérance de vie : Sur l’ensemble de la France, l’espérance de vie atteint les 85 ans pour les femmes et 78,9 ans pour les femmes. À Mayotte, l’espérance de vie atteint les 77, 9 ans pour les femmes et 74,7 ans pour les hommes, soit 7 ans d’espérance de vie en moins chez les femmes mahoraises et 4 ans chez les hommes mahorais comparés à la moyenne nationale. (INSEE)

Mortalité infantile : 3,3 décès pour 1000 naissances en France métropolitaine (INSEE 2014) contre 16,1 à Mayotte, soit 5 fois plus élevé.

Taux d’illettrisme des 16 à 64 ans : 41,6% à Mayotte, contre 22,6% à la Réunion et 7% des 18-65 ans en France (Insee).

Naissances : 9000 naissances en 2015 selon le centre hospitalier de Mayotte soit près de 25 naissances par jour. Entre 10 000 et 10 500 naissances sont prévues en 2016.

Six Mahorais sur dix ont moins de 25 ans.

Nassira El Moaddem

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