« Ce n’est pas un parti des quartiers populaires, mais de l’Ile-de-France », précise Almamy Kanouté, figure de proue de la liste Emergence, qui regroupe un réseau d’« acteurs associatifs ». Originaire de la ville de Fresnes (94), cet éducateur de profession a déjà présenté une liste « indépendante » dans sa ville aux dernières municipales, qui a récolté 11% des votes. C’est donc en terrain connu qu’il se lance avec cette nouvelle aventure.

« Quartiers populaires », aux oreilles de certains, ça rime avec « misère », déplore le candidat, qui préfère donc cadrer les choses. « On ne s’intéresse qu’aux partis traditionnels, on ne cesse de nous renvoyer les valeurs de la démocratie, or que voit-on ? Notre liste n’est pas invitée dans les débats à la radio ou à la télévision. Nous nous sommes manifestés auprès du CSA pour lui signifier que notre temps de parole était inexistant. »

Emergence est née à la suite de plusieurs expériences démocratiques de même type lors des municipales de 2008. « Des listes à Fresnes (11%), Grigny (26 %) et Massy (12%) ont fait de bons scores, poursuit Almamy Kanouté, et de là des gens se sont dit que c’était possible de le faire à une plus grande échelle. »

Si vous croyez savoir à quel bord appartient cette liste, la première intuition n’est pas forcément la bonne : « En 2008, nos modèles ont été les différents mouvements des années 80, comme la marche pour l’égalité et contre le racisme. Mais en même temps, nous n’avons pas voulu reproduire les erreurs de l’époque. Les partis traditionnels, de droite comme de gauche, ont fait croire à ces militants qu’ils allaient porter leurs revendications. Mais ce fut de la récupération », analyse Almamy Kanouté.  « Le disque de la démocratie est rayé et ils font du break dessus », lance Ajer, une des militantes de la liste.

Mannone, autre candidat d’Emergence, intervient dans la discussion : « Des gens vivent toujours aussi mal, sont mal logés, des lycées sont délabrés depuis des années, l’insécurité est là. Faut-il attendre encore un coup de poignard dans un lycée ou que des familles meurent pour faire quelque chose ? C’est ce que nous nous sommes demandé. »

Alamamy Kanouté reprend : « Les politique pratiquent un clientélisme qui provoque d’énormes dégâts. Aces politiques, nous leur disons : vous avez creusé un énorme fossé, vous n’êtes plus en phase avec la réalité. Comment se fait il qu’on se retrouve avec autant de SDF ? Comment peut-on détruire certains logements, ce qui est certes une bonne chose, mais pour construire plus cher et plus petit ? Face à cette situation, nous proposons de geler la destruction de certains logements tant que le problème général des sans logis n’est pas réglé. »

Emergence veut couper une partie des subventions aux communes qui ne respectent pas les 20% de logements sociaux et réorienter ces subsides « là où les besoins se font sentir ». Emergence en a après « ces maires qu’on qualifie de gestionnaires mais qui investissent dans des domaines hors-sujets ». Emergence milite dans son programme pour une politique plus ambitieuse en matière de formation professionnelle, de logement, de vie associative et de transports.

L’une de leurs idées-forces est la suivante : « Aux entreprises qui s’installent dans des communes situées en zones sensibles, il faut imposer des quotas d’employés résidents dans ces communes, plutôt que de les subventionner pour les remercier de leur venue. Et si elles n’embauchent pas, elles doivent au moins former des gens habitant ces communes. Jean-Paul Huchon (le président sortant de la région Ile-de-France, ndlr) a promis des emplois stables… Où sont-ils ? Pourquoi promettre des emplois stables si on n’est pas ferme avec des entreprises à qui on verse des subventions ? »

Pour la culture, l’équipe d’Emergence, qui comprend des amateurs de la culture hip hop, veut mettre en place des « centres de formation » des différentes cultures urbaines, pour permettre leur développement et leur reconnaissance à plus large échelle. Par « centres de formation », Emergence entend « revalorisation » d’expressions artistiques considérées parfois comme de la sous-culture. Leur ouvrir davantage les portes, telle est la volonté de cette liste.

Les affiches d’Emergence placardées sur les panneaux de la campagne, ravira certains ou feront flipper d’autres. On a là le « spectacle de la diversité. Au premier plan, un « Afro-Français », Almamy Kanouté en personne, qui plus est barbu, et au second plan des citoyens divers et variés : bouclettes, tresses, dread locks, Arabes, Portugais, Corse (on parle ici des origines). En gros, une représentation de la France des grandes agglomérations urbaines.

« Dans les listes des autres partis, on voit des Noirs, des Arabes, mais est-ce qu’on les prend parce qu’on estime qu’ils apporteront des voix de Noirs et d’Arabes, ou parce qu’on pense avec eux, on pourra vraiment changer vraiment les choses ? demande Ajer, qui a la réponse. La stratégie de ces partis est surtout de ne pas perdre des voix. » « Nous, on existait avant les élections. Les personnes de la liste Emergence y figure naturellement. Pour nous, la diversité n’a pas de couleur, elle est dans l’action et dans la tête », renchérit Almamy Kanouté.

Les membres d’Emergence voient dans cette élection une forme d’« introduction », une première phase qui, pensent-ils, leur permettra d’exister dans la région. « Les gens vont nous découvrir maintenant, affirme la tête de liste, mais le combat continuera après. »

Aladine Zaiane

Aladine Zaiane

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