Quelques lycéens de Forbach en Moselle (57), sont montés au front et ont investi les rues à grand renfort d’affiches et de sittings. Ces moins de 25 ans, qui se sentent européens avant tout, ne veulent pas que Forbach se transforme en « enclave ».

Les jeunes de Forbach ne sont pas contents. Ceux rencontrés sur la place du marché tout du moins. Une bonne cinquantaine étaient assis là par terre tendant des banderoles et exprimant ouvertement leur rejet des idées véhiculées par le Front national. La majorité des jeunes gens présents à ce sitting sont des élèves du lycée Jean Moulin, dans le Sud de la ville.

« Nous sommes venus montrer qu’on est des personnes tolérantes. Qu’on est pas tous acquis aux idées du Front national ici à Forbach » clame Clarence, 16 ans, élève de première « S », aime-t-elle à préciser comme tous ceux qui ont un jour intégrés la filière reine. [ndr : j’étais en 1eS1]. Elle affirme que les bons résultats du Front national tiennent aussi au fait que la population de la ville a  vieilli : « ici, il n’y a pas de travail. Les jeunes s’en vont. Ils sont moins réceptifs aux idées du FN. J’ai assisté mardi au débat du candidat Front national qui reprochait au maire actuel ses bonnes relations avec les mairies voisines, malgré leur différence politique. Florian Philippot veut faire de Forbach une enclave ! ».

Anne, 17 ans, avoue avoir ressenti de la peur au premier tour, quand le candidat FN est arrivé en tête du scrutin: « Ce parti n’est pas républicain. La campagne locale du Front national a été basée sur la calomnie et le mensonge ». Je me dirige vers ces jeunes qui comparent les affiches du parti de Marine Le Pen à celles qui ont fait les plus sombres heures de l’histoire européenne. Est ce que ce n’est pas un poil exagéré depuis que le parti fait tout pour se dédiaboliser ? « Non » répond Anne, « C’est maintenant qu’il passe pour un parti normal qu’il est le plus dangereux ».

Nassim, 16 ans, élève de première également, peste contre son jeune âge, comme les autres d’ailleurs. Il ne connaît pas sa chance, il a la vie devant soi, et peut manger tout ce qu’il veut sans grossir : « ce n’est pas ça. Mais je n’aurai le droit de vote que dans 2 ans, et il sera alors trop tard pour agir ».

C’est un des rares garçons à avoir fait le déplacement. « Question de maturité » disent les filles. « Un des seuls Arabes » disent ses copains, même si beaucoup revendiquent un grand père sarde, polonais ou algérien, les pays qui ont fourni une partie des contingents de mineurs à la région, au temps du charbon.

Certains de ces jeunes gens m’ont raconté leur projet professionnel, beaucoup sont tournés vers l’Europe et l’Allemagne, car il ne faut pas oublier que nous sommes ici à la frontière et que la région s’est proclamée cœur de l’Europe. « Mais dans 6 ans, certains d’entre nous serons sur le marché du travail, quelles seront nos relations avec le monde extérieur à ce moment-là si le FN est au pouvoir dans la ville ? » s’interroge une adolescente.

Être jeune à Forbach ? « C’est la diversité. Il y a de tout. Je connais même des lycéens sensibles aux idées du Front national. Mais avec les commerces qui ferment, la ville devient un peu morose. Dernièrement, ils ont fermé la librairie. Le seul endroit un peu utile pour nous », soupire Clarence.

Un soupir de tristesse qui ne dure pas longtemps car bientôt elle se met, comme ses camarades, à entamer joyeusement un chant à la gloire de Forbach dans lequel le Front national est copieusement conspué.

Idir Hocini

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