Une drôle d’odeur. De papier brulé. Les narines s’écartent. Les nez reniflent dans tous les sens. L’odeur de cramé persiste. Elle s’infiltre dans les recoins. L’odorat aux aguets. « Non, c’est bon, c’est une poubelle qui brule devant » tente de rassurer une voix non identifiée. François Hollande débarque au Bondy Blog. Tout est presque prêt.

Le Murat a été pris d’assaut par un commando télévisuel. Même rituel à chaque émission. Des caméras plantées, des blogueurs légèrement teintés et la frénésie de l’attente. « Bon, il vient quand? » questionne sans cesse une blogueuse.

La sécurité masquée visite les lieux. Inspecte les issues. Des journalistes s’accumulent devant le Murat. Parce que l’hôte du jour, c’est François Hollande. Souvenir : ni Christine Boutin, ni De Villepin n’avaient déclenché cette euphorie. « Ils attendent quoi, tous, là? » demande une  dame, un paquet de pain de mie à la main. Retour à l’envoyeur d’un homme impatient : « On attend François Hollande ».

Troupeau médiatique. Le candidat sort à peine son crâne de la voiture que la masse s’entasse. « Regarde, dit une dame à son fils, c’est le prochain président ». Des enfants, armés de cartables, se faufilent. « Les enfants, mettez vous à côté de lui pour la photo » ordonne un photographe. Le candidat joue au candidat. Il serre, salue, sourit à la volée. « Obligé, je vais voter pour lui » s’oblige une fille, qui votera pour la première fois.

A l’intérieur du café, les privilégiés se contentent de regarder le spectacle extérieur. Comme si la vitre était un écran télé. Mais Hollande s’introduit. Le tournage peut commencer. « Je me souviens, la dernière fois que je suis venu, il y avait des banquettes, ce n’était pas la même disposition » pioche-t-il dans sa mémoire.

Première séquence : les blogueurs donnent leurs avis sur le socialiste. Il regarde. « Quand il est face à Apathie, à 7h50, il me réveille pas » coupe l’un. « S’il gagne, j’irai pas à la Bastille » tranche l’autre. « Il est mou » mitraille un dernier. François Hollande comprend. Il a plus d’une heure, face à blogueurs, cinq caméras, pour convaincre.

Il passera d’une confession : »J’ai fait mon chemin moi-même. Et le social s’est imposé quand j’ai vu le désordre » à une mesure « Dans tous les lycées de France, une part des élèves de terminale devront aller dans les classes préparatoires aux grandes écoles sans qu’il y ait de système particulier. Ça peut être 5 à 6 % des élèves, en passant par une déclaration « La première réforme que j’engagerai ? La réforme fiscale », un constat « les quartiers populaires ont beaucoup souffert » et une douce attaque  « Il faut des relations claires avec le Qatar. Même s’ils nous donnent une leçon ».

 

Mais aux questions insistantes de Kahina et Imane, qui lui demandent du « concret », le candidat reste flou. Sur l’amour impossible entres jeunes et police, avec des contrôles d’identité répétitifs, il dégaine l’arme de la police de proximité, « parce qu’avec elle on garantira le dialogue ». Imane fait la gueule : « Moi, j’en ai marre de voir comment on pointe la communauté musulmane, comment on la traite en bouc émissaire. » François Hollande y convient et répond que c’est « l’égalité qui doit primer ».

Dernière séquence. François Hollande signe sur la pancarte « Bondy Blog Café » et lit les signatures de ceux passés. Il donne rendez-vous en mai prochain. Le candidat qui s’espère vainqueur s’éclipse. A l’extérieur, re-bousculade médiatique, re-serrage de mains amoureuses, re-photos. Re-spectacle d’un candidat en campagne. Une dame crie, à la force de sa voix : « On veut l’augmentation des paies ». Les gens simples se contentent de choses simples.

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah.

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