Nous publions le témoignage de Saumya, étudiante indienne de 25 ans, venue en France en septembre 2016 pour une formation en photographie. Dimanche 9 avril, elle se trouvait au meeting de François Fillon Porte de Versailles à Paris et a été malmenée par un des vigiles. Récit.  

C’était un jour parfaitement normal. Il était environ 15 heures ce dimanche 9 avril lorsque je suis arrivée Porte de Versailles pour couvrir le meeting de François Fillon. J’avais en main mon matériel de photo et mon sac sur le dos. Une fois entrée dans le hall, j’ai commencé à photographier le meeting. Arrivée au milieu du hall, des jeunes volontaires de l’équipe de François Fillon m’ont indiqué d’avancer vers l’avant, ce que j’ai fait. À 100 mètres de la scène, là, un homme, un vigile, m’a demandé ma pièce d’identité. Il portait une veste et un pantalon noirs, une chemise blanche et une cravate et avait une sorte de micro-casque sur l’une de ses oreilles. Il était bien plus grand que moi. Autour, il y avait du monde, des spectateurs, des militants, debout, venus écouter François Fillon. Je n’étais donc pas seule à être de ce côté-ci mais la seule à qui cet homme de la sécurité a demandé une pièce d’identité. Je me suis mise à la chercher partout dans mes affaires. J’étais très inquiète à l’idée de ne pas l’avoir sur moi et d’avoir des soucis. En m’agitant puis en regardant autour de moi, je me suis rendue compte que j’étais la seule personne de couleur, que j’étais la seule personne différente.

L’homme continuait à exiger ma carte d’identité en me criant dessus comme une moins que rien. Je lui ai dit que j’étais étudiante, j’ai dit « étudiant » en français pour qu’il comprenne. J’ai finalement fini par retrouver ma carte d’étudiante et la lui ai montrée. Pourquoi ne m’a-t-il pas juste dit que je ne pouvais pas aller au-delà de cette zone plutôt que de me faire subir cette humiliation ? Je ne comprenais pas ce qu’il se passait. J’ai protesté en lui disant : « Vous me traitez comme si j’étais un animal tout ça parce que je suis étrangère. Vous ne pouvez pas vous comporter comme ça ! »

En réponse, il m’a attrapée avec force par les épaules et m’a traînée jusqu’à l’arrière de la foule. Personne ne m’a aidée, personne n’est venu à ma rencontre pour lui demander de cesser ce qu’il me faisait ou de chercher à comprendre ce qu’il se passait. Pire, une dame m’a même demandé de me taire car elle n’entendait pas ce que François Fillon disait à ce moment-là. C’était un moment horrible. J’ai été discriminée par ma couleur de peau. J’ai senti que je n’étais pas la bienvenue dans ce meeting.

Je me suis mise à fixer le vigile depuis là où je me suis retrouvée. Ses yeux bleus, son crâne rasé, sa grande taille me hantent encore. Je ne me suis jamais sentie autant discriminée et humiliée de toute ma vie. Je suis encore choquée. Je ne souhaite à personne de vivre ce qui m’ait arrivé. J’ai quitté les lieux avant que François Fillon ait fini sont discours. Je ne voulais plus rester dans un lieu où je n’étais pas la bienvenue.

Saumya, étudiante indienne en photographie, 25 ans, Paris.

Crédit photo : Saumya

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