C’est autour d’un petit déjeuner aux « Délices de bagatelle », son QG neuilléen du matin, que Jean Sarkozy, jeune homme de 21 ans, se confie longuement sur son engagement politique, les élections cantonales, sa ville où il a grandi. Et sur la Corse, l’île de sa mère.
Quand et comment vous est venue l’idée de vous lancer en politique ?
Je n’ai pas le sentiment de me lancer en politique, j’ai plutôt le sentiment de m’engager pour un territoire donné, en l’occurrence pour une ville. Ça m’est venu progressivement, parce que je suis né à Neuilly, parce que j’y ai grandi, parce que j’en connais les gens. Au fur et à mesure que j’ai réfléchi au sens à donner à ma vie, il m’est apparu que j’avais envie de m’engager pour les autres, et pas n’importe quels autres, ceux que j’ai appris à connaître, ceux que j’ai envie de servir.
Quels sens entendez-vous donner à cette action politique ? En quoi pouvez-vous être utile si vous êtes élu ?
Vous me renvoyez à la question : « Quelle est la mission du conseiller général ? » Pour bien comprendre les choses, il faut parler du budget du conseil général : 1,6 milliard d’euros. Un potentiel économique majeur. La mission du conseiller général, c’est un mandat de représentation où vous devez vous battre pour décrocher une subvention pour en faire bénéficier votre ville et notamment votre canton. C’est la raison pour laquelle il faut avoir beaucoup d’énergie, être dynamique, et je pense avoir des choses à prouver. Je propose aux gens de leur rendre service. Je n’ai pas d’équipe de campagne, on travaille à deux, on va a la rencontre des gens, on discute, on échange.
Pensez-vous faire de la politique votre métier ?
En faire un métier ? Non. Je poursuis ma formation de juriste, mon métier serait plutôt dans ce domaine-là. Mais exercer un mandat, être au service des autres, oui, ça me passionne. Maintenant, définitivement emprunter cette route, vous dire que c’est irréversible, je ne peux pas l’affirmer. Mais est-ce que je suis passionné par ce que je fais aujourd’hui ? Est-ce que je suis prêt à le faire pour ces six prochaines années? Je vous le dis, oui.
Vous en êtes où dans vos études ?
Je suis en deuxième année de droit. C’est plutôt du droit public, donc c’est totalement convergent avec le mandat que j’aimerais bien exercer.
Votre activité politique vous laisse-t-elle le temps d’étudier ? De faire vos devoirs ?
Par chance, on m’a appris à faire deux choses en même temps, j’aime beaucoup bosser. On peut me reprocher pleins de choses, mais j’ai un tempérament passionné. Dans ma formation de juriste ou dans le débat public, je mets le même investissement, ça ne me dérange pas de travailler la nuit. Quand on est jeune, on a beaucoup d’énergie à revendre et on n’a pas à compter son temps.
Neuilly, c’est l’univers de votre enfance, de votre adolescence. Elle est uniquement ici, votre vie ?
Non, elle n’est pas uniquement ici. Même si j’ai fait presque toute ma scolarité dans cette ville. J’ai aussi fait du sport à Neuilly, gardien de but au club de l’Oympique de Neuilly. Mais aujourd’hui, j’étudie à la Sorbonne et j’ai beaucoup voyagé durant mes études. Reste que j’ai des attaches affectives très fortes avec Neuilly, j’ai déjà une histoire avec cette ville. Je ne me serais pas lancé en politique ailleurs, ça n’aurait pas été honnête. Dans cette ville, j’ai mes amis, les commerçants chez lesquels je vais, je les connais, je connais leurs problèmes, c’est la conséquence directe de mon engagement.
Tous les clichés qui circulent sur Neuilly : ville de nantis, refermée sur elle-même, ghetto de riches. Vous pensez qu’il y a un fond de vérité ou que c’est totalement médisant ?
Dans la présentation des choses, bien sûr ça, confine à la caricature. Quand on dit ghetto de riches, c’est complètement disproportionné dans le choix des termes. Vous dites « riches », mais à Neuilly, il y a sans doute des gens qui ont un parcours professionnel exemplaire et qui ont une certaine réussite, mais ils ne l’ont pas volé ! Ce sont des gens qui ont des valeurs, au premier rang desquels le travail qu’ils sont prêts à fournir.
Mais n’y a-t-il pas beaucoup d’héritiers, qui n’ont pas forcément démérité et fournissent un travail conséquent, mais qui au départ, et plus qu’ailleurs en France, bénéficient de très gros avantages du fait de leur filiation ?
Si vous parlez d’héritier, et que vous avez l’impression d’en avoir un en face de vous, je vous le dis tout de suite, je ne suis ni un héritier, ni un clone. Qu’est-ce que ça veut dire être un héritier, en l’occurrence en politique ? Plutôt que de faire jouer des relations, je dis aux gens que je connais ou que je ne connais pas: « Etes vous prêt à me faire confiance ? » Après, ce sont eux qui tranchent. En quoi est-cet un héritage ? La presse se fait souvent le relais de cette critique sur une prétendue monarchie élective. Quand on s’inscrit dans le débat démocratique, par nature on n’est pas du tout dans une démarche d’héritage. On prend le risque d’aller devant les gens et de dire avec tous les clichés qu’ils peuvent avoir sur vous : « Faites-moi confiance. » J’ai l’impression que c’est courageux.
Et qu’en est-il de la mixité sociale à Neuilly ?
J’ai été footballeur à l’Olympique de Neuilly et nous étions de tous horizons. La diversité, je l’ai aussi apprise au lycée Pasteur où il y a des gens de toutes les confessions. J’avais des amis musulmans, juifs, catholiques qui allaient à l’aumônerie, et cette diversité-là, on la trouve aussi à Neuilly, aussi surprenant que ça puisse vous paraître.
Neuilly fait figure de monde à part. Y a-t-il un dress code, des codes de conduites, une façon particulière de… draguer, par exemple ?
Vous voyez que je suis habillé de façon plutôt classique. Peut-être qu’à un certain âge, certaines personnes se disent qu’il faut s’habiller de telle façon, mais ça, c’est partout pareil. Après, la suite de la question est bien sympa, mais je ne vois pas bien le rapport avec une élection cantonale. Ce n’est pas trop en rapport avec mon projet pour le canton sud, on va dire.
Vos projets pour le canton sud ?
Première priorité : l’aide à la famille. Pour la petite enfance en particulier, l’offre en matière de crèches n’est pas à la hauteur de ce que les Neuilléens sont en droit d’attendre. Etendre l’accès aux nouvelles technologies pour les collégiens également. Aide aux familles, c’est aussi aide aux personnes âgées. On a beaucoup à faire à Neuilly pour lutter contre leur isolement, et pour leur offrir des loisirs, de la culture. J’ai envie de m’engager pour les gens, tous les gens. On parle de choses qui, sous l’angle médiatique, vous intéressent. Je comprends. Mais la question du handicap, par exemple, est beaucoup plus importante ! Quelle place fait-on aux personnes handicapées ? Comment peut-on intégrer les gens qui se sentent exclus ? Comment on peut vivre mieux ensemble ? Favoriser leur accessibilité à une vie sociale ? Ce sont ces questions-là qui me passionnent.
Pendant les municipales, vous avez voulu créer votre liste…
Je n’ai pas voulu créer ma liste. Je ne veux pas trop revenir sur les municipales parce que j’ai choisi de respecter la position de la neutralité. J’ai souhaité créer les conditions de rassemblement de la majorité présidentielle, de la droite républicaine. Cela n’a pas été possible, j’ai donc préféré me retirer de ce débat. Par contre, vous pouvez voir que sur ma candidature aux cantonales, on est parvenu à créer les conditions de ce rassemblement.
Avez-vous trahi David Martinon ?
Non, je n’ai jamais trahi personne. Je me suis investi avec beaucoup de franchise, j’ai envoyé très souvent des signaux en disant que les choses n’allaient pas, je n’ai peut-être pas été suffisamment entendu. Après, j’en ai tiré les conséquences, j’assume mes choix. J’ai toujours dit ce qui n’allait pas dans les yeux du candidat et de mes interlocuteurs. Je souhaite que la campagne municipale se poursuive de manière sereine. Moi, maintenant, je suis dans un autre débat, celui des cantonales.
Comment vous expliquez les propos qu’a eus le président de la République au salon de l’agriculture ?
Je n’y étais pas, je n’ai pas même vu les images. Et puis je n’ai pas vocation à commenter ce genre d’événement. Ce qui intéresse les Neuilléens, c’est ce que j’ai à dire sur les cantonales.
Si vous êtes élu, vous allez travailler sous les ordres de Patrick Devedjian, président du conseil général des Hauts-de-Seine. Est-ce qu’à terme, vous allez chercher à lui piquer sa place ?
Quelle question ! Patrick Devedjian est un des plus grands personnages du champ politique actuel. J’ai non seulement un profond respect mais de l’admiration pour cet homme. Quand il parle, j’écoute. Je serai très heureux, si les Neuilléens me font confiance, de travailler à ses cotés.
Vous considérez que vous avez beaucoup de choses à apprendre ?
Bien évidement, on a tous beaucoup de choses à apprendre. C’est l’avantage quand on est jeune, on a le temps pour apprendre, le temps de faire des erreurs, et le temps de rebondir.
Votre père, Nicolas Sarkozy, semble avoir beaucoup marqué les esprits des Neuilléens, quand il était maire, plutôt favorablement. Vous pensez que c’est un exemple à suivre ?
Quand un responsable politique occupe un mandat pendant 19 ans et qu’à l’arrivée les gens sont contents, vaut mieux s’en inspirer plutôt que de faire le contraire.
Est-il vrai que vous avez fait un stage de berger en corse ?
Oui, j’avais 14 ans, il fallait effectuer un stage en entreprise. J’ai fait un stage de berger parce que je suis très attaché à la Corse, ma mère est corse, elle vient du petit village de Vico. J’y ai passé de nombreux étés en famille. Je voulais voir ce que c’était l’expérience presque mystique du berger qui se lève à quatre heures du matin et qui va dans les montagnes conduire son troupeau, et je vous avouerai que je n’ai pas été déçu.
Propos recueillis par Idir Hocini