Pourquoi participez-vous au Maghreb des livres ? Est-ce une manifestation qui vous tient à cœur ? Oui. Son président, Georges Morin, est un ami. Il m’a invité et je ne pouvais refuser. Même si j’avais des obligations, je tenais à participer à ce salon. Il est très important. Et les rencontres sont intéressantes.

Pourquoi ? C’est pour promouvoir votre littérature ?

Au fait, j’y participe pour une seule raison : toute la littérature maghrébine est présente. C’est un concentré. Elle est non seulement écrite par des Maghrébins mais des Français aussi, qui s’intéressent au Maghreb. Sinon, en général, cette littérature est présentée de façon dispersée dans les autres salons.

Vous êtes un Maghrébin qui écrit en français ? Quelle est votre identité ?

Oh, c’est une question très intéressante. Moi, je fais partie de ceux qui ont signé, il ya deux ans, une proclamation dans laquelle on critique cette idée de classer les écrivains par littérature, comme la littérature francophone, la littérature maghrébine, etc. Nous avons la langue française en partage. Nous écrivons en français. C’est absurde d’ajouter le mot francophone. Est-ce qu’il existe un pays qui s’appelle francophonie ? Les Anglais, eux, ne font pas cette différence. En France, on aime bien les catégories, classer par sous-types. Quand on dit « une littérature francophone », j’ai l’impression que c’est une littérature de seconde zone.

Quels sont vos thèmes de prédilection ? La littérature algérienne est une littérature de combat, qui est née pendant la colonisation…

On a dit beaucoup de choses sur la littérature algérienne. Comme quoi c’est une littérature d’urgence…

Vous inscrivez-vous dans ce genre ?

Oui et non. Certains de mes livres s’inscrivent réellement là-dedans. Par exemple, « Le Serment des barbares », c’est un livre de combat. Mon premier roman, j’y suis allé au canon. Et puis on évolue et on se rend compte qu’il faut se battre sur la durée. Je ne suis plus dans l’urgence.

Combien de temps mettez-vous pour écrire vos livres ?

En moyenne deux ans. Pour le « Le Serment des barbares », ça m’a pris quatre ans. Je suis long, je travaille lentement.

Dans votre livre « Le village de l’Allemand ou le journal des frères Schiller », vous parlez de l’islamisme non seulement en Algérie mais aussi dans les banlieues françaises. Vous vivez en Algérie, est-ce que vous faites une analogie entre la guerre civile algérienne des années 90 et tous les problèmes vécus en France, la question soulevée par la burqa, notamment ?

En Algérie, vingt ans avant que ces questions touchent les Français, on a eu ce genre de débat sur le voile et j’ai assisté à la montée de l’islamisme. Bon, la burqua, ce n’est pas le problème, puisqu’elle n’existe pas. Mais vous avez eu en France l’histoire de ce mariage annulé, parce que la fille n’était pas vierge. Ce que les Français ne savent pas, c’est qu’il y a eu en 1992-93 en Algérie, la promulgation d’une loi interdisant les signes ostentatoires dans l’espace public. Tu ne viens pas travailler avec ton foulard, à la poste, avec ton foulard, etc. L’islamisme avance comme un rouleau compresseur. Il sait reculer et contourner quand il le faut. En Algérie, il nous a eus à l’usure. Et comme tout parti fasciste, au moment où il se sent fort, il passe à la violence. On peut prendre le pouvoir par les armes.

Et vous faites un parallèle entre l’Algérie et la France ?

Oui, ce qui s’est passé chez nous en Algérie se passe maintenant dans les banlieues françaises. Des petits islamistes par-ci par-là. Ils s’organisent. Ils commencent à s’en prendre aux filles. Aux non-musulmans. Au début, ils sont dix, puis vingt, puis cent. Ils deviennent les maîtres de la cité. Ils ferment la cité. Ils sont entre eux. Après, c’est les trafics de drogue, d’argent. Puis l’étape suivante, le trafic d’armes. Ils entrent en liaison avec le terrorisme international, Al-Qaida, etc.

Avez-vous été menacé ?

Ha oui. Hou la, la, mon Dieu. Et pas qu’une fois. Et donc j’ai vu l’évolution de l’islamisme. Au début, on l’observait comme on observe une secte. Comme la scientologie. Quelque chose d’à part. Après, quand on analyse le projet des islamistes, leurs discours politiques, on découvre, hou la, que c’est un parti de nature fasciste, comme le parti nazi, comme le parti fasciste italien. Et qu’ils sont dans une démarche de conquête, de prise de pouvoir, de guerre. C’est très frappant.

Pensez-vous que la littérature est un moyen d’éveiller les consciences ?

Oui. Mais ce n’est qu’un élément. Tout ce que je vous dis là, a été dénoncé par des journalistes, des chercheurs, des citoyens, en disant attention, ça va être ça, puis ça.

Le gouvernement écoute, mais il ne sait pas quoi faire. Nous avons mise en garde le pouvoir algérien contre la montée des islamistes, nous l’avons incité à légiférer avant que ça n’explose, mais il répondait : « Qu’est-ce qu’on peut faire ? »

Vous avez des fans au Maghreb des livres, à ce que nous voyons. Est-ce la même chose en Algérie ?

Oui et non. En Algérie, je n’ai pas la même couverture médiatique. C’est simple, personne ne m’invite. Je suis une personne non grata. Aucun salon littéraire. Ni la télé, ni la radio. Les gens ont entendu parler de moi mais ils ne me connaissent pas. Ils ont entendu parler de mes livres mais ils ne les ont pas lus.

C’est une revanche d’être ici ?

Oui, personne n’est prophète en son pays.

Propos recueillis par Faïza Zerouala et Nicolas Fassouli

Nicolas Fassouli

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