Les différents candidats l’ont pourtant répété tout au long des débats : la sécurité ne fait pas partie des compétences des conseillers régionaux et départementaux, mais pour autant cela n’a pas empêché la thématique régalienne d’occuper une place centrale dans les débats politiques. Elle est même considérée comme une priorité par de nombreux candidats, rien qu’en regardant les programmes. Le parti d’extrême-droite, le Rassemblement national, va même jusqu’à miser entièrement dessus. Mais de quelle sécurité parle-t-on ?

Si on jette un œil au tableau des compétences des collectivités locales, l’État et son représentant sur le territoire, le Préfet, possède la majorité des pouvoirs coercitifs : autorité de la police générale, sa direction, le contrôle et la coordination des services de police nationale et de gendarmerie, la tranquillité publique, etc. Le maire assure, entre autres, l’exercice de la police municipale et la prévention de la délinquance. Quant aux départements, ils sont chargés de la police de la circulation et des services destinés aux secours et aux incendies.

La sécurité représentait 34 millions d’euros des 5 milliards d’euros du budget total de la région Île de France en 2021, soit à peine 0.7 %.

En comparaison, la région a des capacités d’action quasi-nulles, concernant le domaine de la sécurité, puisqu’aucun service des forces de l’ordre n’est, de près ou de loin, sous sa responsabilité. Et s’il faut un chiffre pour s’en convaincre, la sécurité représentait 34 millions d’euros des 5 milliards d’euros du budget total de la région Île de France en 2021, soit à peine 0.7 %.

Surveillance toute 

Et pourtant même David Pujadas, animateur de La grande confrontation sur la chaîne LCI, a failli s’emmêler les pinceaux. Lors du débat du 14 juin dernier, regroupant les principales têtes de listes de l’Île-de-France, le journaliste annonce au bout de deux heures d’échanges : « Alors on dit un mot de la sécurité, parce qu’ on se dirige tout doucement vers le fond… », avant de rectifier, « … vers la fin de ce débat ». Pendant , une trentaine de minutes, les candidats avancent alors leurs propositions.

Plan anti-harcèlement dans les transports, sécurité aux abords des lycées grâce à la création de « brigades » chez les verts, d’une « police régionale » du côté de La République en Marche ou bien en multipliant « la présence humaine », du côté de la France Insoumise. Autre mesure mise en avant : les caméras de surveillance. Le tout combiné à un nuage de chiffres, lancé lors d’une joute verbale entre le candidat écologiste et la présidente sortante. « Il y a mille agents qui manquent dans les lycées », accuse Julien Bayou (EELV). « Nous avons augmenté de 200 agents », lui rétorque Valérie Pécresse, présidente sortante de la région (DVD, UDI, LR).


Le débat du premier tour a donné lieu à une avalanche de chiffres sur la sécurité, malgré le manque de compétences. 

Si les lycées et les transports sont au centre de ces projets sécuritaires, c’est parce que leur fonctionnement fait bien partie des compétences de la région. Une tactique de communication plus ou moins habile, pour lier la sécurité aux prérogatives de la région. Les candidats invoquent alors des « compétences transversales » pour convaincre les électeurs sur leur marge de manœuvre.

Pourtant, gare aux ambitions irréalisables. En 2017, le préfet de Provence-Alpes-Côte d’Azur, avait obligé le président du conseil régional de l’époque, Christian Estrosi à renoncer en partie à son « plan sécurité » considérant que celui-ci ne respectait pas son domaine de compétences.

La gauche au défi face à un discours répressif

Si les forces de droite sont traditionnellement plus virulentes sur cette thématique, la gauche, face aux préoccupations des citoyens, ne veut pas pour autant donner l’impression de négliger ce sujet. « Cela ne doit pas être un tabou ou un sujet de droite », estime Nabila Djebbari, candidate aux élections départementales, sur la liste Rassemblement citoyen d’Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis.

Son mouvement propose d’ailleurs « le déploiement d’une brigade d’intervention pour agir contre les violences et les rixes » et  « la création d’un service de médiateurs devant chaque collège pour lutter contre le harcèlement », face notamment à la recrudescence des violences entre jeunes, souvent mineurs, en Île-de-France . « Il y a beaucoup de parents qui sont préoccupés sur la sécurisation des collèges et le département peut agir sur ce volet là mais on prend le temps d’expliquer que ce n’est pas la police nationale ni la police municipale », explique Nabila Djebbari avant d’ajouter que la sécurité est loin d’être le coeur du programme.

La responsabilité des candidats de gauche c’est quand même de ne jamais séparer la question sécuritaire des dynamiques sociales.

Pour Ulysse Rabaté, ancien élu de gauche et auteur du livre Politique beurk beurk, « la responsabilité des candidats de gauche c’est quand même de ne jamais séparer la question sécuritaire des dynamiques sociales/économiques qui sont à l’origine de l’insécurité ». Le militant s’étonne d’ailleurs que cette problématique prenne une place importante dans le débat dans ce contexte d’après pandémie alors que celle des inégalités sociales a ressurgi de plein fouet pendant les confinements successifs. « La vraie question n’est pas celle d’une sécurité bête et méchante. Il faut se rapprocher des gens qui sont sur le terrain, qui sont mobilisés pour la sécurité sanitaire, pour leurs voisins… c’est une forme de sécurité mais une sécurité sociale », met en avant Ulysse Rabaté.

Déjà que ces élections n’intéressent pas grand monde, grossir l’enjeu sécuritaire des scrutins trompe aussi l’électorat sur les questions de fonds, qui passent encore trop inaperçues :  la formation professionnelle, la solidarité et l’action sociale avec la distribution du RSA, la gestion de l’aménagement du territoire… Autant de sujets qui peuvent aussi apporter des solutions indirectes pour la sécurité des habitants.

Louise Aurat

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