La sénatrice écologiste du Val-de-Marne a convié la presse pour présenter son projet de loi visant à instaurer un recours collectif en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités. Une saisine des tribunaux calquée sur le modèle judiciaire américain.

« La discrimination est une humiliation au quotidien et inacceptable dans un pays comme le nôtre qui se bat pour des valeurs et qui se dit champion des droits de l’homme » affirme d’entrée de jeu Esther Benbassa ce jeudi 11 septembre. Différents intervenants, dont avocats et associatifs, ont répondu présent : Félix de Belloy et Charles Bernier, avocats, et Louis-Georges Tin, fondateur de République et Diversité.

Pour Esther Benbassa, « cette proposition de loi est une étape pour tous ceux qui se taisent et qui n’ont pas les moyens de prendre la parole. Cette procédure s’adresse aussi aux personnes qui n’ont pas de moyens financiers suffisants pour se lancer dans un procès lorsqu’ils sont victimes de discrimination ». Ce projet de loi permettra à plusieurs personnes qui sont victimes de discrimination d’entamer un recours collectif auprès d’un tribunal dans le cadre d’un groupement solidaire (associations ou syndicats). C’est aux États-Unis, en 1938, que cette action collective, du nom de « class action » a vu le jour.

Esther Benbassa précise que « cette action collective en justice a pour but de réparer une agrégation de préjudices individuels. Ce groupe de personnes qui a subi un même préjudice aura la possibilité de poursuivre en justice une autre personne souvent en entreprise afin d’ obtenir en contrepartie un dédommagement moral ou financier ».

Les avantages de ce recours collectif : un gain de temps pour les tribunaux, puisque les différents dossiers d’une même affaire seront regroupés, la régularité des décisions, qui a fortiori iront dans le même sens. Ce projet de loi permettra aussi un meilleur accès à la justice pour les victimes, car certaines n’osent pas s’engager dans des poursuites à cause de la complexité de l’action judiciaire. Le coût de la procédure sera moindre, car les frais seront partagés par tout le groupe.

Outre la discrimination existant encore dans certaines entreprises et portant sur la différence de salaire entre les hommes et les femmes (à compétences égales) et celles liées à l’origine ethnique, la discrimination liée au handicap interpelle Louis-Georges Tin : « Une personne handicapée qui est refusée à l’entrée d’un avion, ça existe. Et face aux difficultés, en étant seul pour entamer une action en justice, elle risque fort de baisse les bras. Mais si ce type de recours existe, elle peut décider de se lancer à la recherche d’autres personnes qui ont vécu cette même injustice afin de les rencontrer et ensemble, pourront porter plainte ». Tout l’enjeu de ce projet de loi est de dissuader les entreprises de pratiquer des actes de discrimination, car le risque qu’elles encourent est de devoir reverser d’importants dommages et intérêts aux victimes.

L’une des singularités de cette action de groupe est que les victimes qui portent cette affaire en justice ne seront pas uniquement les seules à être indemnisées. « Une fois que le jugement a été prononcé, même celles qui n’étaient pas partie civile au procès pourront en bénéficier si elles se font connaître dans un certain délai » ajoute Esther Benbassa.

L’avocat Félix de Belloy revient sur une affaire de contrôle d’identité aux faciès qu’il a défendu en juillet dernier. Il est convaincu de l’intérêt de cette action de groupe. Cet avocat a rencontré des difficultés pour monter la procédure. « Nous avons fait connaître cette attention de demander une nouvelle procédure qui n’a jamais été faite en France pour lutter contre le phénomène de contrôle aux faciès. Il y a eu énormément de témoignages intéressants. On a sélectionné les cas. Cela a permis de réunir 15 cas au total qui ont été portés par 15 procédures différentes. On aurait pu venir avec 100 cas. Mais déjà avec 15 cas, ça a été très compliqué parce que vous avez 15 clients, 15 dossiers, 15 nouvelles procédures. Mon associé avait 15 assignations différentes, l’huissier vous prend à chaque fois 150 euros…» Sans compter d’autres dépenses qui deviennent rapidement importantes : « Nous avons eu de la chance de tomber sur des magistrats extrêmement compréhensifs qui ont accepté de dire qu’il fallait que ces 15 dossiers soient audiencés le même jour et à la même heure. » À titre d’exemple au sujet des dommages et intérêts, la défense a demandé 10 000 euros multipliés par 15.

De son côté, l’avocat Charles Bernier, qui défend notamment l’association Le Refuge, est également sensible au recours collectif. Mais, il attend quelques garanties dans la procédure pour les victimes qui engagent une action en justice. « La procédure doit permettre de faire le tri entre les vrais griefs décidés par le client et justifiant le regroupement des individus. Et des prétextes que des individus prendraient pour eux et qui leurs permettraient d’agir politiquement ou syndicalement ou faire pression je ne sais sur quel mauvais prétexte. » C’est pourquoi Charles Bernier espère que la procédure ainsi que le jugement de recevabilité soient bien explicites dans le projet de loi. Depuis un an, Esther Benbassa et son équipe travaillent sur ce projet. Il doit être rendu au plus tard fin janvier 2014.

 

Hana Ferroudj

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