Manuel Valls et dix sept autres ministres se sont déplacés aux Mureaux, dans les Yvelines (78) afin de rappeler les engagements du gouvernement en faveur de la mixité sociale dans les quartiers populaires. Un reconquête des banlieues ou une énième mascarade médiatique de la gauche ? Quel est l’objectif de ce déplacement en terre inconnue pour le Premier Ministre ? 

La Courneuve aurait dû être un terrain déjà conquis pour le Président à la vue des résultats dithyrambiques obtenus par le PS lors de la dernière échéance présidentielle. Mardi 20 octobre, lors de son déplacement dans cette ville du 93, François Hollande a dû ressentir le sentiment de trois quart de la population française vis-à-vis de sa politique actuelle : la désillusion. On le conspue, on le raille, parfois même on l’insulte sous les cris revendicatifs : « le changement, c’est pour quand ? ». Quelque jours plus tard rebelote, c’est au tour de Manuel Valls et de 17 autres ministres – dont Patrick Kanner, Myriam El Khomri, et Najat Vallaud-Belkacem de se présenter aux Mureaux, dans le cadre d’un comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté ; comme pour dire aux quartiers populaires « nous sommes là, Nous ne vous avons pas oubliés ». Un rappel des plus sélectifs, sachant que nous sommes à quelques semaines des élections régionales.

À la question d’une éventuelle reconquête des quartiers populaires, le Premier Ministre s’agace en rétorquant : « Moi je ne suis pas à la reconquête des banlieues… Je suis là pour faire le point sur la mise en œuvre des choix que nous avons annoncés au début de l’année après les événements tragiques que notre pays a connus (…) pour lutter contre la ségrégation que j’évoquais, c’est-à-dire cet apartheid territorial, social, ethnique qui touche une grande partie de notre pays ». En mars de cette année, Manuel Valls annonce un certain nombre de mesures pour ce qui à l’époque avait crée la polémique, c’est-à-dire le mot « apartheid social ». Sur le papier, c’est bien ce qu’il y a écrit, mais dans les faits, la banlieue n’a plus le cœur à gauche, la cote de popularité du gouvernement est en chute libre ces trois dernières années.

Le contrôle au faciès 

Mesure phare du gouvernement : le contrôle au faciès devait être endigué par la délivrance de récépissés après un contrôle de police, dans l’objectif d’éradiquer la systémique de ce phénomène. Un système ayant déjà fait ses preuves en Belgique malgré la paperasse qui en découle. L’abandon du projet a suscité la colère, surtout du côté d’associations comme http://stoplecontroleaufacies.fr/slcaf/, luttant contre les dérives des bavures policières en matière de contrôle d’identité. Le Premier ministre justifie ce délaissement par la mise en place de dispositifs plus globaux, dont l’ajout récent des  » caméras-piétons  » afin de lutter plus efficacement contre les contrôles abusifs.

Le droit de vote des étrangers

« Le droit de vote des étrangers aurait été une belle manière de rendre à nos parents une certaine fierté » me confie un jeune de Montfermeil. « Personnellement, je n’ai pas confiance François hollande, on a besoin d’emploi, il nous parle de mariage pour tous ». Depuis la déclaration de Manuel Valls en septembre 2012 sur la moindre importance de cette réforme, François Hollande n’a cessé de la repousser à plus tard. Sa dernière prise de parole sur le sujet remonte à juillet 2014, lors de son élocution télévisée promettant de mettre sur table le droit de vote des étrangers dans les grandes réformes constitutionnelles et institutionnelles de 2016. Ce qui met en doute sa capacité à mettre en place cette réforme sachant qu’une majorité des Français sont défavorables à ce dispositif.

Discrimination à l’embauche

Une campagne de testing sur les discriminations à l’embauche va être mise en place fin 2015, sur un échantillon d’entreprises de plus de 1000 salariés. Une publication des résultats paraîtra mi-2016, afin que les entreprises et le gouvernement puissent trouver des solutions durables. Campagne assez tardive sachant que le phénomène de discrimination en France est décrié depuis plusieurs années. Le très bon livre de Saïd Hammouche et Vincent Edin, Chronique de la discrimination ordinaire, évoque le sujet et met l’accent sur le principal facteur discrimination à l’embauche : le manque de réseau. Ne pas être recommandé par untel peut vous classer dans la catégorie secondaire des chercheurs d’emplois.

Politique du logement

« Le problème dans les banlieues ne datent pas de François Hollande ou de Sarkozy, il faut revenir dans les années 60-70, lorsque nos parents sont venus s’installer en France, le gouvernement à cette époque ont mal géré la chose en nous entassant dans les mêmes quartiers, en nous livrant à nous-même c’est de là que vient le problème de colère sociale  » me raconte un commerçant drancéen. Les loyers constituent eux aussi un facteur d’inégalité, les HLM n’étant pas pour la plupart situés dans des zones favorisées. En réponse, le gouvernement lance des objectifs aux bailleurs sociaux. Fixer de très bas loyers en leur donnant la possibilité de déroger aux plafonds de loyer dans d’autres types de logements afin de ne pas déstabiliser l’équilibre financier dans leur parcs sociaux respectifs. La création de logements sociaux et la politique de rénovation urbaine n’a pas su résoudre le problème majeur qui gangrène en banlieue : l’emploi.

Si ces raisons ont défait la confiance accordée par les quartiers populaires à François Hollande, elles ont aussi résolubles. Des acteurs sociaux tels que Mozaïk RH sont des pépinières à idées, sachant qu’à l’inverse de nos représentants politiques, ces associations sont continuellement au corps à corps avec les défis liés aux banlieues.

Jimmy Saint-Louis

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