Préparateur physique de formation, Benjamin Belaïdi est un acteur incontournable du milieu éducatif à Compiègne, ville moyenne du sud de la Picardie. Certains connaissent « Benji », l’animateur puis directeur de centre de loisirs. D’autres ont côtoyé « Benjamin » le coordinateur pédagogique de toutes les écoles de la Ville classées en Zone d’Éducation Prioritaire. Ou encore le « sensei », ceinture noire de judo sur les tatamis. Si les mineurs pouvaient voter, il écraserait magistralement ses dix adversaires.

A sa première réunion publique, ces jeunes sont venus l’écouter, dans une petite salle de réunion sous la chapelle de Notre Dame de la Source. Une trentaine d’adolescents et de jeunes adultes paraît séduite dès ses premiers mots.

Benjamin se présente sans étiquette, il n’est membre d’aucun parti politique. Il doit donc battre campagne sans l’avantageuse machinerie électorale d’un parti. Mais il est loin d’être seul : Kamel Nourine (suppléant) et sa famille, ses amis rencontrés dans ses expériences associatives, une formidable équipe de campagne le soutient, des réseaux sociaux à la distribution de tracts sur les marchés, en passant par l’incontournable collage d’affiches.

Kamel est cadre commercial. Avec Benjamin, il partage quelques points qui expliquent d’eux-mêmes son ralliement : même âge, enfance dans un quartier populaire, parcours associatif commun. Devant leur public, ils développent immédiatement le choix d’être sans étiquette. « C’est une liberté. Aujourd’hui, on a du mal à se retrouver dans un leader politique ou un parti. On en assez des clivages droite/gauche. On ne veut pas être systématiquement dans l’opposition parce qu’on est d’un certain bord ou accepter une proposition parce que c’est celle de notre parti. Et pourtant, on a été approché. On nous a clairement posé la question : est-ce que vous êtes récupérables ? La réponse est non ».

Ces deux jeunes ont une forte notoriété dans l’ensemble des quartiers de la ville. Ils constituent donc un vivier de bulletins non négligeable. Conscients que les élections législatives servent aussi à renflouer les caisses, ils refusent de financer des partis politiques qui ne croient pas en eux. « On veut aller au bout avec nos propres armes, être jugés sur nos personnalités, nos convictions, nos valeurs et pas par un logo UMP ou PS. On veut changer cette conception qui dit qu’il faut être dans un camp ».

Leurs armes pour détrôner le député UMP sortant (Lucien Degauchy, 74 ans, candidat pour un cinquième mandat) : la sueur de leur front et leur portefeuille. Un réel parcours du combattant : « On est obligés de mettre un capital de départ de notre poche et de solliciter des dons. Un candidat d’un gros parti ne va pas se soucier de rechercher un imprimeur, d’appeler le Conseil Constitutionnel ou la Commission nationale des comptes de campagne. La politique ce n’est pas notre passion, on n’idéalise pas la profession. On a constaté sur le terrain qu’il y avait un manque, des besoins, des attentes. Voilà pourquoi on s’est lancés, au lieu d’attendre qu’on nous prenne en main, on y va ».

A ceux qui l’accuseront de mener une politique uniquement en faveur des jeunes, il rétorque d’avance qu’il faut arrêter de stigmatiser les gens, et pas seulement par leur âge. « De nos jours, on veut mettre les jeunes en jachère. Certes on est jeunes mais on a des amis, des parents, des proches. On veut mener une politique pour tous les Français ».

Le député qu’il sera portera assidûment sa casquette locale. Pas de cumul de mandat pour être député à temps plein et aller chaque jour à la rencontre des habitants. Il ne sera pas maire/député/conseiller général qui tel un militaire part à la conquête des médailles. Il sera un véritable interface entre les hauts représentants de l’État et les élus locaux pour améliorer le quotidien de ses compatriotes. Une de ses mesures phares : travailler sur la réduction du temps scolaire. « Quand ils vont à la cantine et au soutien scolaire, certains enfants sont à l’école de 8h30 à 18h30. On débat encore des 35h pour les travailleurs alors que des enfants de 7 ans en font 40 ». Fort d’une longue expérience dans le périscolaire, Benjamin souligne également l’importance du travail de formation à mener sur les encadrants : « Le personnel est souvent très peu qualifié, le BAFA (brevet d’aptitudes aux fonctions d’animateur) est trop léger, on ne peut pas faire un travail de fond sur l’action sociale avec un BAFA. »

Ils clôturent la réunion par un appel au vote : « 46% des électeurs de la circonscription ne se sont pas déplacés lors des dernières législatives. La carte d’électeur est une arme. Que vous soyez un étudiant de 18 ans ou un Bac +8. N’oubliez pas que vous pouvez changer la donne ».

La jeune assemblée pétille devant ce courageux binôme qui rêve de rajeunir l’Assemblée. Elle  déchante malheureusement dès la prise de parole de « moins jeunes » qui laissent filtrer d’amères propos quelque peu étiquetés. Les yeux s’écarquillent au son d’un « les enfants d’immigrés sont forcément de gauche » hurlé par un syndicaliste d’origine berbère. Ou encore un « la France tu l’aimes ou tu la quittes » de la quadragénaire énervée par l’intervention du « gauchiste ». On en viendrait presque à rêver d’une nouvelle Assemblée nationale, pleine de jeunes esprits plus ouverts, moins rigides, moins radicaux, d’une union nationale qui dégommerait ces a priori !

Une chose est sûre : Benjamin Belaïdi pourrait écrire une nouvelle page de l’histoire de Compiègne.   Son château où Napoléon rencontra Marie-Louise, sa forêt où la France et l’Allemagne signèrent leurs premiers armistices, ses « Conti » qui se sont battus contre la fermeture de leur usine, ou encore son palais de justice d’où s’est évadé Mesrine. En 2012, le plus jeune député non apparenté ? On lui souhaitera alors la carrière d’autres « benjamins » de l’Assemblée nationale. Depuis 1973, cinq d’entre eux sont devenus ministres.

Rouguyata Sall

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