C’est injuste, parfois, les lapsus. Les mots qui s’invitent, sans prévenir. Et qui, en une fraction à peine, font rougir comme jamais. La blonde, un peu plus de la vingtaine, lâche : « Je soutiens François Hollande ». Là, elle se met à bouillir, explose dans un rire gêné. Elle gomme : « Jean François Copé ». Parce que le duel au fleuret, du côté droit, oppose deux ténors du combat : Fillon et Copé.

Le Touquet-Paris-Plage, Pas-de-Calais. Le ciel est allumé, mille bleus. Des enceintes crachent la musique du générique des « Anges de la téléréalité ». C’est un peu comme une série B. Avec ses coups bas et ses amourettes. Avec ses personnages plastifiés et son décor en plastique. Un hall du complexe tennistique du Touquet aménagé : des sièges, une scène, un drapeau. Assez vétuste. « Ca fait vide » constate un militant, visiblement déçu.

Guaino, coqueluche d’à peu-près personne, dit la grande messe. Les militants l’écoutent, silencieusement, en mâchant des chewing-gums. Pour faire vibrer la foule, Guaino cite du Baudelaire : « Ma jeunesse ne fut qu’on ténébreux orage, traversé ça et là par de brillants soleils. » Personne ne vibre. Puis tout s’enchaine, tout s’oublie. Comme une nouvelle page.

Un brouhaha, des gros bras qui tordent des mains, François Fillon entre dans l’arène en béquilles (il s’est fracturé la cheville). Il dit : « Aïe ». Il répète : « Aïe… Bonjour… Aïe. « C’est la première fois que je pose le pied par terre depuis… ». Fillon, les pieds sur terre.

Les applaudissements sont polis. Et beaucoup, pendant qu’il parle, préfèrent se remplir le bide. Il y a du chorizo, du taboulé, des carottes, du pâté. « Mon candidat c’est Fillon, parce qu’il a une longue expérience » clame un monsieur, pas tout jeune. Quand un autre supporte Copé, les dents serrées : « Avec lui, on est sûr que ça claquera. Faut faire trembler la gauche, faut reconquérir le pouvoir ». C’est la guerre des tyrans. Une touche pour Fillon quand il dit : « En politique, il y a ceux qui parlent fort et ceux qui font. Moi je suis de ceux qui font ».

L’ambiance se découd d’un fil à l’heure du gouter. Sur la pelouse royale, les départements combattent, balle aux pieds. « Mon jeu, c’est l’agressivité de Copé » blague un footballeur amateur, tout suant. Sur le bord du terrain, les filles font les pom-pom girls. « Personnellement, physiquement, j’aurais voté Wauquiez, mais il est pas candidat » piaffe la deuxième. La première chamboule : « Même Fillon est pas mal ». Le match, sur le terrain, se termine. Un mec crie le score. Le Pas-de-Calais ratatine la Seine-et-Marne, la terre de Copé, par 4 à 0.

Le tour du propriétaire se fait si vite. Dans la salle, l’ennui plombe toujours le militant, collé à sa femme. Une dame tape du pied, en rythme avec un son électro pourrave. « Ce soir, pour la soirée, on a prévu des sons commerciaux comme David Guetta. Un son jeune à l’image de notre public » prévoit le DJ bénévole. Ainsi se terminera la journée. Une nuit, tous transpirants dans une boite du Touquet. Danser. Finir la nuit dans un hôtel. Et le lendemain, tout reprend comme hier.

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah

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