Onze heures, cagnard. Le marché bat son plein. Des forains descendus de l’Oise voisine ou du 93, comme Monsieur Renard, ont déchargé depuis longtemps maintenant les vêtements, les légumes cachés dans les camions blancs. On fait son tour, on flâne, mais qu’on le veuille ou non, tous les chemins suivis semblent mener inévitablement à l’étal de baguettes de pain, pris en passant pour parfaire la table du déjeuner. Bref, la ballade dominicale, à Beauval, c’est d’la balle. C’est également ce que sont dit les sympathisants UMP. Repérables de loin, avec leurs tracts verts, ils appâtent le chaland. La mission du jour : tenter d’approcher ceux qui font vivre la campagne.

Le maître-mot : proximité. Le marché, c’est bien connu, c’est l’endroit idéal pour tout candidat pour se montrer local, dérouler son programme en croquant un peu de melon, bref, ça fait « gens ». Comme Valéry Giscard d’Estaing en son temps, Jean-François Copé s’est récemment invité dans des foyers meldois. Mais le travail au corps qui fait fureur à droite comme à gauche, c’est le porte-à-porte. Montebourg y a succombé et Copé envoie ses militants. Pour sauver le vote UMP, aller sur le terrain semble une nécessité. « Il y a eu un fort vote FN, au premier et second tour des présidentielles, notamment dans le quartier COn tente de comprendre directement ce qui se passe. » expliquent Brice, 25 ans, fonctionnaire et Virginie, 42 ans, responsable commerciale, arrivés depuis environ un an à Meaux. On les retrouve à la Verrière, avec son centre commercial ouvert le dimanche et ses terrasses. Le travail est au cœur des propositions du candidat, affichées sur les tracts.  « Obliger tous les bénéficiaires du RSA qui peuvent exercer une activité à travailler sept heures par semaine payées au SMIC » est l’une des mesures qui nous interpelle particulièrement. Notamment au niveau de sa réalisation. Les bénévoles tentent de démontrer que c’est possible. «  Ils pourront occuper des postes au niveau de la mairie, de la vie associative, d’intérêt général. » La « bonne idée » est un peu floue. « Le cadre reste à définir par le candidat, je ne suis qu’un militant.  C’est de bon ton de travailler un peu quand on reçoit des prestations sociales.»

Les derniers des Mohicans. En vertu de l’accord PS-EELV, ce n’est pas le duo Gherpagnon- , figures historiques de la gauche meldoise, mais Caroline Pinet (EELV) et Saïd Rezeg (PS) qui joueront un va-tout pour l’Assemblée nationale. Peu sont les électeurs socialistes rencontrés à le savoir. Mais ça ne les empêche pas de  tenir ferme à leur vote PS. Question de sensibilité. Comme madame Marques, 51 ans, tout à choisir des vêtements. Ou un forain, qui préfère rester anonyme. Jeune entrepreneur de 30 ans, plutôt volubile et dispersé, il se défend de témoigner, et tient un discours fleurant la paranoïa. Une fois la méfiance passée, sa langue se délie. Il attaque fort. « Je vais voter la gauche. Ils représentent les étrangers». Né ici, il ne se sent pas français. « Pour ça, il ne faudrait pas de caméra, l’œuvre de Copé, qui m ‘épie quand je rentre et sors de chez moi. » Une passante, intéressée par la conversation, justifie la vidéosurveillance, «  plus pour limiter la délinquance que pour fliquer ». Lui martèle que ça amplifie la peur de l’autre. À son avis, tous les Meldois ne sont pas logés à la même enseigne. On met une caméra là où on supprime un bac à sable, en bas de l’immeuble.  L’échange se poursuit, du prix de la taxe d’habitation, selon la jeune femme, plus haute près des commerces, à la perte de lien social. Des détails désagrègent la vie du quartier, « un peu moins de poubelles, moins de bancs pour se retrouver ». Phénomène qu’observe le trentenaire, lui aussi, avec l’œil d’un homme de terrain.

Meaux et tous les autres villages. Le député de la sixième circonscription ne représentera pas que Meaux, s’il remporte le scrutin. Lizy-sur Ourcq, Chauconin-Neufmontiers, évoqué par Brice, le militant UMP,  pour le projet de zone commerciale à proximité de la prison… . Marie, 59 ans, fonctionnaire, réside à Voulangis, « un bled ». « L’UMP plaît au monde agricole. On ne connaît d’ailleurs que le candidat de ce parti ». Situation monopolistique et comme elle le souligne, proche des préoccupations des gens. Au programme, transport, travail, et valeurs.

Si, pour Brice et Virginie, le vote FN est une anomalie, pour Marie, ceux qui votent pour ce parti, « c’est une manière de conserver leur identité, leurs valeurs de Français. » Toujours l’idée que des ennemis de l’extérieur mineraient l’intérieur. « On respecte les valeurs des autres, mais l’islam n’est pas une valeur française. » Si elle a en partage la volonté de « garder son identité française » avec ce monde agricole, elle se défend de voter pour ce parti. « Pour moi, le FN, c’est début 36. Hitler . ». Marc*, 34 ans, ouvrier, en père de famille attentif,  reste à l’ombre avec ses enfants. Première fois au marché, il apprécie l’ambiance. Bientôt midi, le soleil est au zénith. « C’est choquant de voter FN de nos jours. À Lizy, il n’y a pas beaucoup d’étrangers, et  dans les campagnes, ce sont souvent les personnes âgées qui votent. Elles sont restées bloquées dans les années 1970» dit celui qui n’apprécie pas spécialement la politique. On ne saura pas pourquoi il y avait péril en la demeure dans ces années-là.

Dolores Bakéla

*Prénoms modifiés

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