#PRESIDENTIELLE2017 Benoît Hamon, le candidat du Parti socialiste, a été accueilli par le collectif « Pas sans Nous » à l’Île-Saint-Denis, ce mercredi 12 avril. Un échange d’environ une heure, où plusieurs propositions défendues par la Coordination nationale des quartiers populaires, fondée par Mohamed Mechmache, ont été discutées. Reportage.

« Je suis preneur de solutions, même après l’élection« , clame un Benoît Hamon souriant et chaleureux, à son arrivée auprès de la Coordination nationale « Pas sans Nous ». Le candidat du Parti socialiste pour l’élection présidentielle a accordé une petite heure à ce collectif, dans ses locaux situés à l’Île-Saint-Denis. Objectif : échanger autour des 10 propositions de la coordination faites à tous les candidats, inquiète de voir la question des quartiers populaires totalement absente du débat politique.

Parmi les propositions : la garantie d’un droit à la réussite scolaire même dans les quartiers populaires, l’orientation du développement économique au service des territoires populaires, la mise en oeuvre d’un véritable droit au logement et d’un droit à la santé, faire de la lutte contre toutes les discriminations un objectif politique prioritaire et transversal, la création d’un fond pour la démocratie d’initiative citoyenne. Cette proposition avait déjà été faite en 2013 lors de la remise au gouvernement d’un rapport mais est restée lettre morte. « Il faut pointer une par une les inégalités dans les quartiers et voir si les candidats ont des solutions pour y remédier et même éventuellement, s’ils n’en ont pas, leur en proposer », avance Mohammed Mechmache.

Loi anti-concentration des médias, 20 élèves par classe maximum en éducation prioritaire

Dans une atmosphère studieuse, la quinzaine de membres de « Pas sans Nous » et du collectif ACLEFEU, venus de Clichy-sous-Bois, mais aussi plus loin de Marseille, de Toulon, de Lyon, de Roubaix, d’Orléans ou encore d’Amiens ont pu entendre Benoît Hamon sur certaines de leurs propositions. En particulier celle sur les médias, qui a occupé plusieurs minutes, tellement les reproches des habitants des quartiers envers les journalistes sont nombreux, des journalistes qui véhiculent une mauvaise image des banlieues à leurs yeux. « Et pourquoi pas ne pas rendre obligatoires des nouvelles positives sur les banlieues à la télé et à la radio comme la réussite scolaire de jeunes des quartiers par exemple ? » lance un membre de la coordination, une mesure comparable, selon lui, à la politique de quotas de chansons françaises à la radio. Benoît Hamon se montre sceptique sur la possibilité de mettre en place une telle proposition au nom de la liberté de la presse, la seule obligation des médias audiovisuels étant l’égalité du temps de parole sur les quinze derniers jours avant l’élection présidentielle. Le candidat sorti vainqueur de la primaire de la gauche avance ses propositions sur les médias : une loi anti-concentration pour éviter la mainmise de grands groupes et la création d’une société de médias à but non-lucratif afin d’affirmer la pluralité des médias en France.

D’autres membres de « Pas sans Nous » l’attendaient au tournant sur la question de l’école, en particulier sur les ZEP, où certains relèvent un plus fort absentéisme que dans la moyenne nationale, ainsi que la question des effectifs surchargés dans les classes. L’ancien ministre de l’Éducation nationale met en avant une des propositions : la limitation à 20 élèves par classe maximum. « Si jamais, dans un établissement où 80 élèves sont répartis en quatre classes et qu’un élève supplémentaire arrive, il faudra quatre classes de 16 et une classe de 17 élèves« , précise-t-il. De même qu’il propose le maintien de l’investissement fait dans le primaire, notamment pour les maths et le français qui peinent à recruter des enseignants. « Les carrières sont moins attractives qu’avant« , reconnait le candidat socialiste. Dans le secondaire, il souhaite rebâtir une carte scolaire de manière à favoriser la mixité sociale et scolaire, considérant, à rebours des idées reçues sur le sujet, que le niveau général des élèves peut monter avec des classes très mixtes.

« 150 000 nouveaux logements par an, inspecteurs contre les discriminations et récépissé »

Benoît Hamon, entouré des membres de la coordination nationale de « Pas sans Nous », à L’Île-Saint-Denis.

Parmi les thématiques mises en avant par la coordination figure le logement. Benoît Hamon affirme souhaiter « mobiliser des moyens supplémentaires pour aller vers la construction de 150 000 nouveaux logements par an« . En matière de lutte contre les discriminations, il propose la création d’inspecteurs contre les discriminations, à l’instar des inspecteurs de la répression des fraudes ou des inspecteurs du travail ; de même qu’il souhaite importer le principe américain du « name and shame », à savoir la dénonciation des noms d’entreprises qui discriminent.

Sur les rapports entre les citoyens des quartiers populaires et la police, il relance l’idée communément admise d’un retour de la police de proximité, abandonnée en 2003 sous Nicolas Sarkozy. Il promet également de mettre en oeuvre le récépissé, adopté par d’autres pays européens où ces relations se sont apaisées. Cette mesure aurait dû être décidée par la mandature actuelle mais refusée par Manuel Valls alors ministre de l’Intérieur. Benoît Hamon tient d’abord à passer par une expérimentation, vu l’opposition des syndicats de police à ce sujet.

« On attend de voir maintenant« 

Autre sujet : comment améliorer le système démocratique ? Benoît Hamon affiche un grand intérêt pour la proposition de la coordination d’un fonds pour la démocratie d’initiative citoyenne qui fonctionnerait avec 5% du budget public consacré à la démocratie participative. Il l’associe d’ailleurs à sa proposition d’un « 49.3 citoyen« , afin qu’un citoyen ait les instruments « pour avoir son mot à dire dans le processus démocratique« .

En dépit des propositions faites par Hamon, la frustration règne du côté de Mohammed Mechmache, en raison du temps trop court passé avec le candidat. « Il prêche des convaincus« , analyse le fondateur du collectif auprès du Bondy Blog avant d’ajouter : « ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est que dans le débat politique et public, il puisse mettre l’accent sur ces questions-là. À lui, à tous les candidats de les mettre en avant. On attend de voir maintenant. » La méfiance est de rigueur désormais pour ces militants associatifs qui ont rappelé à Benoît Hamon combien les habitants des quartiers populaires sont déçus du mandat qui s’achève alors qu’ils se sont mobilisés lors de l’élection de François Hollande en 2012. Prochaine rencontre prévue : Jean-Luc Mélenchon en début de semaine prochaine.

Shaïnez CHIKHAOUI et Jonathan BAUDOIN

Crédit photo : Felipe PAIVA

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