Depuis quelques années maintenant, les ténors du Front National s’efforcent d’affirmer que le visage du parti ainsi que celui de ses militants a bel et bien changé. Eve Froger en est la preuve : à seulement 19 ans, elle est déjà bien active au sein du Front National.

Eve Froger, juvisienne de confession chrétienne et étudiante en droit dans la prestigieuse faculté de Paris Descartes, s’est depuis l’enfance intéressée à la politique sans pour autant être clairement politisée. Ses parents étaient certes sympathisants du parti, cependant ils n’ont pas grandement influé sur les choix politiques de leur fille. Au cours de l’année 2013, alors qu’elle n’a que dix-sept ans, tout bascule pour Eve : dans le cadre de la « manif pour tous », la jeune femme va s’engager dans la vie politique. Tout d’abord en s’opposant fermement au projet de loi de Christiane Taubira qui permettait entre autre aux personnes de même sexe de devenir parents. La famille étant pour elle quelque chose de fondamental, elle estime avec détermination qu’un enfant a besoin d’un père et d’une mère. Ce positionnement que beaucoup pourraient remettre en cause, est compréhensible pour une jeune femme qui a grandi au sein d’une famille malheureusement séparée par le divorce.

Quelques mois plus tard, elle rencontre au cours d’une soirée dite « patriote » plusieurs militants du Front National de la Jeunesse, le mouvement des jeunes du parti. Ces derniers lui proposent de venir militer avec eux et l’invitent également aux réunions du groupe dans le XIIIe arrondissement de Paris, rue Jeanne D’Arc (tout un symbole !). C’est une aubaine pour Eve, qui a longtemps été en accord avec les idées diffusées par le parti. Son ralliement lui a permis notamment de s’inscrire pour les élections régionales, en 8ème position dans la liste conduite par W. De Saint-Just dans le Val-De-Marne. Elle est consciente que cela ne représente qu’un rang modeste, mais selon elle cela montre bien « qu’il y a une volonté de la part du parti de faire de la place à la jeunesse dans les fonctions électives ».

Autour d’elle, les réactions sont diverses

La réaction de ses proches ont été diverses lorsqu’ils ont appris son choix de devenir militante au FN. Ses parents ont tout d’abord vu d’un bon œil le fait qu’une conscience politique s’éveille en elle malgré son jeune âge, mais se sont montrés toutefois inquiets des conséquences que cela pourrait avoir, d’une part sur sa scolarité, puisqu’ils craignaient que ses activités, bien que honorables, l’empêchent de mener à bien sa première année de droit. Les craintes de ses parents se sont révélées juste, puisqu’elle n’est pas parvenue à valider ses deux semestres. Ensuite, ses parents redoutaient qu’en affichant clairement ses convictions elle soit victime de persécutions, de violences de toutes formes. Là aussi, leurs craintes ont été justifiées. Eve a subi des insultes alors qu’elle menait campagne l’an passé dans un marché, elle a été prise à partie par un militant du front de gauche, qui l’a couverte d’injures. Elle a également été la cible de violences physiques dans les transports en communs et de violence verbales dans son quartier de Juvisy où elle a longtemps vécu. Dans son cercle familial, nombreux ont été déçus de son choix, notamment l’une de ses tantes qui est une militante LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et transgenres).

En revanche la réaction de ses amis différait de celle de sa famille. Eux n’ont pas eu de mal à comprendre son ralliement au FN puisque beaucoup déjà sont encartés dans divers partis politique. Eve a cette chance d’avoir un cercle d’amis assez hétérogène….

Des avis bien tranchés

Malgré son jeune âge beaucoup pourraient penser qu’Eve ne soit qu’un produit formaté par le discours acerbe de Marine Le Pen. Elle estime par exemple que le gouvernement ne fait pas assez pour garantir la sécurité, puisqu’elle constate dans son département beaucoup de « zones de non-droit » où l’État n’a aucune autorité. Elle estime également sur la question de l’islam en France « qu’un laxisme s’est instauré durant ses dernières années ». Notamment pour ce qui concentre l’assimilation de certains musulmans pratiquants (son constat est que « beaucoup considèrent le Coran supérieur à la loi française »). Pour appuyer sa pensée, elle prend pour exemple les femmes qui revêtissent le niqab (le voile intégrale).

Eve a été agréablement surprise des scores de son parti à l’échelle régionale, et nationale. Ces scores démontrent selon elle la volonté des Français d’un changement politique et que le parti auquel elle a adhéré est bien le premier de France, même si d’autres affirmeront que ces scores si élevés ont été obtenus par le biais de l’abstention, notamment chez les jeunes. Elle dénonce avec velléité l’action des ténors du Parti Socialiste et des Républicains qui appelaient dans cet entre-deux tours aux électeurs à faire barrage aux candidats FN, arrivés en tête dimanche dernier afin de les empêcher de gagner. « L’attitude de notre premier ministre M. Valls est scandaleuse », glisse-t-elle. « Cela va à l’encontre du débat démocratique, car il se bat depuis le début de son mandat pour mettre fin au FN avec des déclarations chocs, ou en appelant à voter pour l’opposition lors de ce second tour ».

Sur le plan international, cette pro-Poutine estime que l’intensification des raids aériens menés en Syrie à la suite des attentats de Paris n’était pas la bonne solution à adopter. Elle estime que seule une intervention militaire au sol permettrait de vaincre cet ennemi qui nous a déclaré la guerre. La jeune femme dénonce également le rôle de la Turquie, dont elle est fermement opposée à son entrée au sein de l’UE. D’après elle, cela entrave la lutte contre le terrorisme, en prenant pour exemple la destruction de l’avion de chasse russe non loin des frontières turco-syriennes. Au sujet de la crise des migrants, elle prône une aide prioritaire envers les Français qui souffrent comme les SDF en pensant avec pragmatisme « les nôtres avant les autres ». « Nous ne pouvons pas gérer dans le même temps l’afflux de migrants et l’évolution croissante du nombre de sans-abris : les Français qui souffrent priment » répète-t-elle avec véhémence. Elle s’étonne par ailleurs d’être en accord avec Fillion (ce dernier estimait qu’il fallait construire des centres pour accueillir les migrants à proximité des pays touchés par les conflits). À l’instar des leaders du parti, Eve également eurosceptique, est en faveur de la sortie du pays de l’UE dans le but de retrouver « une certaine souveraineté nationale », c’est-à-dire « un contrôle de nos frontières, une monnaie nationale entre autre, tout en dénonçant que F.Hollande soit devenu « le larbin » selon elle d’A. Merkel ». Et que cette dernière ait été fraichement élue « personnalité de l’année » par le magazine américain Time, pour son implication dans la crise ukrainienne et la crise des migrants, c’est quelque chose qui la dépasse. « Marine Le Pen mérite amplement ce titre », poursuit-elle.

En guise de preuve que le visage des adhérents au Front National change, Eve vente l’hétéroclisme des partisans qui viennent de tous les milieux sociaux : « sont militants du parti toute personne se sentant Français » dit-elle. Elle s’accorde à dire que certains rejoignent le mouvement par déception et lassitude de la similarité des discours de la classe politique. La question est désormais de savoir ce que feront Eve et ses amis partisans si, une fois au pouvoir en 2017, Marine Le Pen ne répondait pas aux attentes de ses électeurs, et en venait même à les décevoir.

Félix Mubenga

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