Monsieur les ministre, j’ai trouvé la solution à votre problème d’immigration : je vous propose d’aider les jeunes à s’en aller et à faire entrer la même quantité d’étrangers, comme ça, la maison ne sera pas trop pleine. Dans mon quartier du 19e, tout le monde veut partir, la majorité de mes connaissances a pour souhait de se casser de la mère patrie ! Pourquoi, vous demandez-vous ? Voici les résultats de ma petite enquête, qui vous éclaireront peut-être.

J’ai commencé par Walid, alias La Brioche – en raison de ses poignées d’amour assez conséquentes –, 25 ans, comptable de vocation mais chômeur de profession. Il me répète a longueur de journée qu’il en marre et qu’il a l’impression de ne pas avancer, que plus le temps passe plus la vie est dure. « Regarde, tu va bosser 10 ans pour un salaire de 1200 euros, tu veux aller où ? C’est tout juste assez pour finir le mois et même à la fin du mois, souvent tu galères et en plus de ça, y a pas de taf, pas d’autre solution que de bouger d’ici. »

Deux semaines après ces paroles pessimistes, prenant son courage à deux mains, il décide d’affronter le monde, avec Barcelone pour première destination. Sac au dos, ses économies dans une poche, ses papiers dans l’autre, le voilà parti. Pas loin. Il prend d’abord le métro. Arrivé gare de Lyon, petit souci de dernière minute : en montant l’escalator, il se retrouve face à face avec des policiers en civil qu’il connaît bien, vu qu’ils sont du 19e et qu’ils le connaissent très bien aussi.

Durant son adolescence, Walid, adepte des 400 coups, s’est fait souvent choper par ces mêmes agents pour des petits vol et bagarres. Crise d’adolescence, vous savez bien. Les policiers le reconnaissent donc et ne le lâchent pas du regard, intrigués de voir Walid sac de randonneur sur lui. Les agents en civil décident de l’interpeller pour un « contrôle de routine », lui disent-il. Le projet d’émancipation de Walid s’est achevé gare de Lyon un mardi après-midi, après une demi-heure de trajet dans les transports en commun parisiens.

Walid : « Ils ont pensé que je venais de voler le sac à dos à un touriste, mais je leur ai dit que j’allais prendre le TGV et que j’allais acheter un billet au guichet. Ils m’ont pas cru, donc j’ai fait quatre heures de vérification au poste, putain la poisse, c’est pas grave, je tenterai ma chance une deuxième fois. »

Certains risquent leur vie pour entrer en France et d’autres se battent pour en sortir, quelle ironie ! Récemment, j’ai croisé Walid aka La Brioche et je pense bien qu’il a lâché son projet de fuite du territoire. Et pour cause : il était avec une très charmante demoiselle main dans la main, et la regardait avec passion. Je crois bien que pour une fois, il va remercier la police.

Idriss K

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Idriss K

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