Au loin, les cloches résonnent. Les fidèles s’enfilent dans les églises. Les dames accourent dans les allées du marché. On se bouscule pour les tomates génétiquement modifiées. On se bat pour un lot de couteaux. Au parc de la Courneuve, à l’heure de la messe, le dimanche, les effluves de rhum font tourner les têtes. La communauté caribéenne a pris d’assaut un bout de gazon. Quelques tentes blanches sont plantées dans la pelouse verte. Le soleil fait rougir les tronches.

Aux aurores, en ce dimanche, la fête des Caraïbes aux Océanies s’installe. Les derniers mets gras flottent dans l’huile. Les élus municipaux et départementaux se grillent des verres de planteur antillais. Mais la rock-star dominicale est sans conteste Martine Aubry, candidate déclarée aux primaires socialistes et fidèle au département. « Cela fait trois fois en six mois qu’elle vient à La Courneuve », prévient le député socialiste du coin, Daniel Goldberg. Et d’ajouter : « Je veux d’ailleurs que la question des quartiers populaires soit au cœur du programme. »

Les bouchées antillaises s’empiffrent. Le piment fait cracher du feu à ceux qui ne sont pas habitués. Claude Bartolone virevolte dans un costard beige. Il enchaîne : « Martine Aubry porte génétiquement les questions urbaines ». Le soutien est dévoilé, déclaré et avoué. « D’ailleurs, c’est celle qui connait le mieux ce milieu, elle a cette pratique dans sa ville, à Lille ». Au numéro un du département de conclure : « Je lui proposerai d’installer le ministère de l’éducation nationale dans 93. Parce que tout passe par l’éducation. »  Et Bartolone d’aller bourdonner à ailleurs.

Les guêpes font s’agiter les mains qui balayent le vent. James, jeune militant socialiste, est cintré dans une chemise rouge. Chaque bouton est précisément fermé. Les pompes cirées. « J’attends de la voir, l’approcher, lui faire la bise, une photo et hop, sur Facebook. » Les douze coups sont passés. Une petite marrée d’objectifs se chamaillent la première image. Aubry débarque en terrain conquis. Les marcheurs du dimanche dégainent leurs appareils pour la saisir.

Comme une bonne candidate, elle serre les pinces. Sourit. Pose. Embrasse. Sourit. Blague. Mains. Pose. Et répond : « La banlieue, c’est essentiel. Il y a deux ans, un jeune m’a dit que quand on aura réglé les problèmes des banlieues, on aura réglé les problèmes de la France. » Les marcheurs sont charmés. « Elle est naturelle. » Une dame l’arrête : « Félicitations pour votre discours de Dakar, ça change… » Les remerciements fusent. Un militant se cache pour avouer : « Y’a beaucoup de pro-Aubry. Moi, j’étais pour DSK, mais je voterai Hollande. La France n’est pas prête à avoir une femme… »

Aubry visite des jardins que des gamins labourent. Se plante devant « l’hôtel des insectes » où on apprend la distinction entre guêpe et abeille. « Tu sais, Martine, les parcs, c’est important. Ceux qui ne partent pas en vacances viennent là », lui glisse Claude Bartolone. Elle approuve. Et s’attable pour déguster des spécialités exotiques. « C’est qui le monsieur ? », se demande un gamin en vélo. Et d’autres enfants de lui siffler un bisou. Juste le temps de serrer quelques mains à des pique-niqueurs du dimanche. « C’est un bon endroit pour commencer la campagne ,»remarque une dame. Dimanche, Martine Aubry a lancé sa campagne en banlieue.

Mehdi Meklat et Badroudine Said Abdallah

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