Lutte contre les discriminations, les violences policières, augmentation du SMIC, réduction du temps de travail, création d’un revenu de base, légalisation du cannabis… Tout au long d’une campagne plutôt maîtrisée, l’Eurodéputé crédit à 6% d’intentions de vote a tenté de construire un programme qui satisfasse son camp en proposant une palette de propositions sociales visant à trancher avec l’image « capitalisme vert » que certains lui reprochent.

La promesse de l’augmentation du budget de la politique de la ville à 3 % du budget de l’État

Bien que s’étant peu exprimé dans les médias sur la question des quartiers populaires, Yannick Jadot écrit dans son programme Faire Face : « Une politique d’égalité des droits est nécessaire pour sortir des débats identitaires qui polarisent la société française. L’Etat doit rétablir une égalité entre les territoires et garantir une juste affectation de ses ressources entre chacun ». Le candidat EELV promet l’augmentation du budget de la politique de la ville à 3 % du budget de l’État et la réduction des inégalités territoriales grâce à la création de la cour d’équité territoriale recommandée dans le rapport « Borloo ». Une instance qui sera chargée de vérifier la mise en œuvre des moyens de rééquilibrage des politiques publiques sur les territoires carencés.

Si Yannick Jadot est élu, il promet également de faire de la lutte contre le racisme et les discriminations la grande cause nationale. « Nous l’inscrirons dans les priorités du gouvernement. Il constituera une politique publique globale, à l’instar de la lutte contre les violences faites aux femmes, et sortira du giron de la politique de la ville ». Remise d’un récépissé lors de tout contrôle d’identité pour lutter contre les contrôles au faciès, caméra portative dans chaque patrouille pour garantir les bonnes conditions des interventions et rétablissement du droit à la diffusion d’images des forces de l’ordre pour lutter contre les violences policières.

Il y a des actes racistes commis par les policiers, mais la police n’est pas raciste. 

Des mesures plutôt innatendues de la part de celui qui créait la polémique au printemps dernier en prenant part à une manifestation des forces de l’ordre devant l’Assemblée Nationale. Manifestation à laquelle avaient également participé Eric Zemmour, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, le vice-président du Rassemblement national (RN) Jordan Bardella mais aussi le candidat communiste Fabien Roussel. Pour Yannick Jadot, pas question d’admettre un problème systémique dans l’institution policière. Sa ligne est claire : « Il y a des actes racistes commis par les policiers, mais la police n’est pas raciste ».

Dans le programme du candidat, on peut lire : « Les policiers sont à bout. Partout, celles et ceux qui devraient avoir les moyens de prendre soin et de protéger subissent la pression de la technocratie, la rigueur budgétaire et le déclassement. À force d’être maltraités et méprisés, ils ont perdu le sens de la mission pour laquelle ils s’engagent avec tant de conviction. » Mais à l’approche des élections, il défend l’idée de « créer les conditions d’un débat démocratique autour de la problématique du maintien de l’ordre dans les quartiers populaires et des personnes victimes de racisme, par la mise place d’une conférence citoyenne de consensus. » 

10 milliards d’euros investis pour la rénovation des logements

Pour améliorer les conditions de vie des classes populaires, le candidat propose de ne plus transiger entre le bien vivre chez soi et le climat. Il promet de construire 700 000 nouveaux logements sociaux avant la fin du mandat, dont la moitié « très sociaux », destinés aux familles les plus en difficulté. Selon son programme,  10 milliards d’euros seront investis pour la rénovation des logements. « Quand je vais dans les quartiers populaires, les familles ne disent pas être écologistes. Elles disent avoir trop chaud ou trop froid dans leur logement, qui sont mal isolés », avait-il déclaré en février. Son objectif affiché depuis : que les ménages français réalisent une économie de 600 à 700 euros par an sur leur facture d’énergie.

Selon l’écologiste, d’ici 2032, les 5 millions de passoires thermiques seront rénovées et ces travaux seront entièrement pris en charge pour les ménages les plus modestes. Une proposition taclée sur Public Sénat par le candidat communiste Fabien Roussel : « Tintin ! Ceux qui ont isolé leur maison comme moi je l’ai fait, je ne paye pas moins cher d’électricité parce que si ma maison est isolée, l’électricité a augmenté de 50% parce qu’aujourd’hui, le cours de l’électricité est indexé sur le prix du gaz », a-t-il déploré sur la chaîne parlementaire.

918 euros mensuels versés à chaque citoyen

Sur la question des revenus, à l’image de Benoît Hamon, qu’il avait finalement soutenu en 2017, le candidat des Verts propose une sorte de revenu universel : 918 euros mensuels versé à chaque citoyen automatiquement à partir de 18 ans. « Je veux à travers cette mesure, offrir à toutes et à tous, les moyens d’une vie digne, les moyens de choisir sa vie », a déclaré le candidat Yannick Jadot. Un coût additionnel qui serait de 15 à 20 milliards d’euros par an. Yannick Jadot promet également d’augmenter le SMIC de 10% et de rendre l’impôt sur le revenu sera rendu « plus juste et progressif, en taxant moins les ménages les plus modestes et davantage les plus riches », sans toutefois que son programme ne précise le nombre de tranches.

L’Eurodéputé souhaite également réduire le temps de travail tout au long de la vie : « travailler moins pour vivre mieux » et ainsi lutter contre le travail précaire et le chômage de longue durée. Il promet : « À rebours de la libéralisation du marché du travail, nous ferons du CDI la norme en sanctionnant les contrats courts ». Pas question non plus de repousser l’âge légal de départ à la retraite comme le proposent Emmanuel Macron ou Valérie Pécresse. Mais Yannick Jadot ne propose pas non plus de le baisser à 60 ans comme le candidat de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon

Légalisation du cannabis

Autre cheval de bataille du candidat : la légalisation du cannabis. Selon un sondage Ifop de juin 2021, 47% des Français interrogés sont favorables à cette légalisation. Comme dans de nombreux pays précurseurs, Yannick Jadot propose que l’Etat encadre la production et la vente du cannabis en s’appuyant sur des producteurs et des distributeurs strictement encadrés. Les taxes perçues sur les ventes devraient permettre de financer les politiques de santé et de prévention des drogues. La légalisation permettra selon lui « une diminution de la criminalité et les forces de police et la Justice pourront se concentrer sur des missions prioritaires. »

Mais cet ensemble de promesses résolument sociales sont-elles suffisantes pour contrebalancer son image de libéral ? Yannick Jadot ne s’en cache pas, il prône une « écologie de gouvernement » qui se veut, selon ses termes, « plus pragmatique » que la vision que proposait sa concurrente à la primaire de l’écologie Sandrine Rousseau, qu’il avait battu avec 51,03 % des suffrages au deuxième tour. L’ancienne secrétaire nationale adjointe d’EELV considère, elle, que « l’écologie politique radicale et sociale n’est pas compatible avec l’économie de marché et le libéralisme ».

Écologie de gouvernement ou capitalisme vert ?

La position plus centriste de Yannick Jadot a engendré des tensions au sein de son parti et lui a valu les foudres de la gauche radicale, qualifiant sa politique de « capitalisme vert ». En février dernier, dans la matinale de Sud Radio, le journaliste et écrivain Aymeric Caron – fervent défenseur de la cause animale qui s’est engagé dans la campagne des Insoumis – dénonçait le manque de radicalité du candidat des Verts : « Chez Yannick Jadot, on a l’incarnation d’une écologie molle, une écologie du système, qui accepte le système et qui propose juste de l’amender aux marges. Une écologie mathématique, de quotas, comme le quota de CO2. »

La transition écologique ne se fera pas contre mais avec les entreprises, sinon elle ne se
fera pas.

Ce positionnement ne date pas d’hier. En août 2020, alors que la campagne présidentielle n’avait pas commencé, l’Eurodéputé s’était rendu à un débat organisé par le MEDEF pour s’exprimer devant les patrons. Il faisait alors savoir à ces derniers, son refus d’opposer « les écolos, hippies et rêveurs » et « les patrons, exploiteurs et prédateurs, qui vont chasser à coups de gros cigares le courlis cendré ».  Avant d’ajouter : « La transition écologique ne se fera pas contre mais avec les entreprises, sinon elle ne se fera pas. Si on considère que l’écologie c’est une contrainte, des normes et des taxes, cela génère toutes les stratégies d’évitement ». Une sortie qui lui avait valu, dans les lignes de la Croix d’être décrit comme « vert nuancé, qui a livré devant le Medef sa vision d’une écologie ni décroissante ni anticapitaliste ».

Nevil Gagnepain

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