« La haine de Macron est tellement importante désormais dans la population. Ça fait peur. Les gens qui votent à gauche peuvent voter Le Pen, par haine de Macron. On ne s’en rend pas compte », estime Sherazade, militante France Insoumise, présente dans le cortège. Une marche pour faire face à l’extrême-droite et éviter les confusions, sans pour autant avoir le plaisir de donner blanc seing au Président sortant : c’est l’objectif de cette marche des solidarités à Paris samedi 17 avril.

Je ne sais pas si cette manifestation va servir à quelque chose, mais qu’on soit ensemble aujourd’hui, c’est super important.

Soutenu par 410 organisations, le collectif de la marche des solidarités a également appelé à des manifestations partout en France. Une marche pour affirmer que beaucoup ne se retrouvent pas dans cette nouvelle répétition d’un second tour qui oppose Marine Le Pen du Rassemblement National, à un Emmanuel Macron accusé de l’avoir propulsée.

« Le Pen on en veut pas ». Le message est clair, de la part du collectif issu des quartiers populaires ‘On s’en mêle’ qui avait fait appel à voter Mélenchon.

Selon le ministère de l’intérieur, environ 23 000 personnes ont participé aux manifestations organisées contre l’extrême droite partout en France. Ils auraient été 9 200 à Paris, et 13 600 dans plus de 50 rassemblements en région. Les organisateurs ont revendiqué quant à eux près de 40 000 participants à Paris et 150 000 personnes sur tout le territoire.

L’assistance patiente pendant au moins une trentaine de minutes, Place de la Nation. Dans une ambiance très joyeuse et festive, les gens chantent et rient. Des cris assourdissants retentissent. Bientôt l’endroit est bondé. Les participants bloquent la route qui mène au Boulevard Voltaire. Sur le trottoir, des dizaines de policiers en faction surveillent la scène.

Des électeurs résignés

Malgré l’ambiance, Sherazade confie ses craintes à l’idée d’une potentielle arrivée de Marine Le Pen à l’Élysée : « Demain, tous les racistes vont trouver la légitimité de s’exprimer ouvertement. Les gens comme moi, on ne pourrait même pas militer. Il faut qu’on rase les murs, quoi ». 

Macron a tout fait pour mettre le pied à l’étrier pour Marine Le Pen.

Un de ses collègues insoumis la presse de le suivre, car le cortège a commencé la traversée du boulevard Voltaire. Sur la route, un camion muni d’un haut-parleur précède la marche. Des militants du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) se trouvent derrière, et tiennent une grande banderole rouge sur laquelle on peut lire : ‘Contre l’autoritarisme et l’extrême droite, riposte sociale et antifasciste !’

Pendant que nous suivons les manifestants, nous apercevons deux gilets jaunes. L’une d’elles s’appelle Colline : « C’est dommage. C’est triste.On aimerait envoyer un autre message. Je ne comprend pas qu’on puisse avoir la haine de l’étranger. On est tous frères. » Elle avance que le président sortant est responsable de la montée en puissance de l’extrême droite : « Macron a tout fait pour mettre le pied à l’étrier pour Marine Le Pen. Il lui a fait un piédestal avec toutes ses actions. »

Le NPA de Philippe Poutou était lui aussi présent à la marche parisienne.

Chez beaucoup de manifestants, la loi de sécurité globale ainsi que la loi dite contre le séparatisme reviennent dans les argumentaires sur le parallélisme entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Le 16 avril, de nombreux artistes et écrivains ont appelé à faire barrage à l’extrême droite à travers une tribune, en votant Macron. Un choix difficile pour beaucoup, souvent insupportable pour d’autres. Notamment ceux qui voyaient en Jean-Luc Mélenchon une alternative crédible. Un candidat qui finalement n’accédera pas au second tour, à environ 400 000 voix près.

Des trompettes et des tambours se font entendre, sous les cris de la foule: « Nous sommes tous des enfants d’immigrés ! », « De l’air, ouvrez les frontières ! ». La marche continue lentement sa traversée du Boulevard Voltaire dans une atmosphère toujours bon enfant. Sur le trottoir, à notre gauche, nous rencontrons trois jeunes femmes. Eliane, 31 ans, Charlotte du même âge et Nacira, âgée de 29 ans.

« Encore un barrage ? On est pas des castors ! », rappelle Nacira avec sa pancarte.

Eliane exprime sa résignation devant l’entre-deux-tours : « Il faut montrer que les propositions d’aujourd’hui ne nous plaisent pas, et que les deux candidats ne nous conviennent pas. On va quand même devoir voter, car il ne faut pas que le pire passe. »

Nacira fait un constat similaire : « Je ne sais pas si cette manifestation va servir à quelque chose, mais qu’on soit ensemble aujourd’hui, c’est super important, note-t-elle. Personnellement, je suis très en colère après le premier tour. Et du coup, ça permet d’évacuer cette colère et de sentir qu’il y a un mouvement. »

Eliane se montre toutefois optimiste : « la révolte ne se fera que collectivement, et donc aujourd’hui c’est bien de voir qu’il y a différents partis, différentes organisations qui se sont réunies pour exprimer leur mécontentement ».

Macron a mené une politique qui fragilise les plus précaires, on a l’impression qu’on est au toujours au point de départ.

Charlotte considère que rien n’a changé depuis 5 ans. « Macron a mené une politique qui fragilise les plus précaires, on a l’impression qu’on est au toujours au point de départ. Nos voix ne sont pas vraiment entendues. » regrette-t-elle.

Pour gagner l’élection, le Chef de l’Etat s’efforce désormais de séduire l’électorat de gauche en multipliant les appels du pied maladroits. Souplesse d’apparat sur la retraite à 64 ans et pas 65 ans, un premier ministre chargé de la planification écologiste. Cependant, les trois jeunes femmes assurent que cette stratégie n’aura aucun effet sur elles

Hervé Hinopay

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