Des gilets jaunes aux activistes des luttes antiracistes, environnementales et féministes, ils sont déjà plus de 73 000 à s’être ralliés à ce mouvement citoyen qui pourrait bien transcender la toile dans les semaines à venir. Son nom ? La Primaire Populaire, une action portée par le collectif 2022 ou Jamais, lui-même mandaté par plusieurs organisations militantes telles que la Rencontre des Justices.

Son but ? Poser les bases d’un nouveau modèle de société réellement juste, durable et inclusif autour d’un(e) seul(e) et même candidat(e) pour la prochaine présidentielle réunissant toute la gauche et les écologistes. Un(e) candidat(e) capable en somme de fédérer le rose, le vert et le rouge. Bref, du jamais vu.

On pourrait parler de mission impossible. Ses membres, eux, visent les abstentionnistes et autres électeurs et électrices las de voter à chaque fois pour le moins mauvais. Le pari est lancé. « Nous sommes une équipe d’une dizaine de salariés, avec plus de 1000 bénévoles sur l’ensemble du territoire, du fin fond des Pyrénées à la Bretagne en passant par Marseille, la région lyonnaise, Paris », affirme Mathilde Imer, la déléguée générale du collectif.

Une rencontre natioanle a été organisée du 31 juillet au 1er août à la Cité Fertile à. Pantin © Jean-Charles-Léon

Christiane Taubira et François Ruffin en tête

Pour rassembler, le collectif a mis en place un processus en trois phases après l’écriture d’un socle commun. Inspirées des récents mouvements sociaux et propositions de la société civile, une dizaine de mesures de rupture émergent en faveur du climat, d’un revenu de solidarité dès 18 ans, de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale ou encore de davantage de diversité à l’Assemblée nationale. Pour le reste, tout se passe en ligne. L’étape des parrainages a en effet été lancé depuis le 11 juillet sur la plateforme de cette primaire inédite.

Concrètement, chaque citoyen ou citoyenne a jusqu’au 11 octobre pour exprimer son soutien aux candidats et candidates présents sur la plateforme, ou proposer d’autres noms si aucun ne lui semble pertinent. A mi-chemin, ce sont Christiane Taubira et François Ruffin qui arrivent en tête d’un top 10 composé de Sandrine Rousseau, Clémentine Autain, Anne Hidalgo, Delphine Batho, Gaël Giraud, Pierre Larrouturou, Eric Piolle et Jean-Luc Mélenchon.

Mélenchon et Montebourg ne voudront pas. A l’opposée, Rousseau a dit publiquement qu’elle participerait si elle gagne la primaire écologiste. Idem pour Piolle. Hidalgo a fermé la porte d’une primaire pour le PS mais reste ouverte à la réflexion pour une primaire à l’américaine.

Encore faut-il convaincre ces cinq femmes et cinq hommes d’accepter de devenir les candidats officiels de cette primaire populaire et ainsi se soumettre au vote prévu fin novembre. C’est là tout l’enjeu, à l’heure où les candidatures partisanes se multiplient, et ce, trois mois après les dernières élections régionales qui ont montré les limites des alliances à gauche, des Pays de la Loire aux Hauts de France, sans oublier l’Ile-de-France.

On parle davantage de rassemblement que d’alliance.

Pour Mathilde Imer, pas question de douter. « On a essayé d’apprendre des processus passés comme la primaire.org (initiée en 2017, NDLR) qui est trop resté en marge, sans impact auprès du grand public pour la présidentielle car trop éloigné des partis politiques traditionnels », affirme celle qui est également membre du comité de gouvernance de la Convention Citoyenne pour le climat. « Nous avons un conseil des partis, qui joue le rôle d’une instance consultative sans pouvoir décisionnel sur le processus. On a soumis notre socle commun à tous les partis qui se reconnaissent en nos idées, en leur demandant non pas de valider mais d’y poser un label de compatibilité avec leur propre ligne politique. »

Mathilde Imer Samuel-Grzybowski

Mathilde Imer et Samuel GRZYBOWSKI, coordonnent La Primaire Populaire. Photographie de Corinne SIMON / Hans Lucas.

Convaincu par la légitimité de la plateforme en tant qu’arbitre des prochaines présidentielles, son collègue Samuel Grzybowski mise à fond sur la complémentarité. « Nous, on parle davantage de rassemblement que d’alliance, précise le fondateur de l’association Coexister. Pour les régionales, à l’exception de l’Ile-de-France où la présidente a fait passer ses adversaires pour des islamo-gauchistes, l’union au second tour dans les autres régions a montré que le résultat des bulletins dépasse la somme des listes du premier tour. Cela signifie qu’il y a une dynamique qui se crée autour de l’union. »

Ils savent tous que s’ils sont cinq, ils sont sûrs de perdre. 

Depuis, un été est passé, le Covid et le pass sanitaire occupent tous les esprits, avec ce sentiment que chacun mène sa campagne dans son coin. Alors qu’Hidalgo est ardemment poussée par le PS, l’écolo Sandrine Rousseau bouscule sérieusement Yannick Jadot et Eric Piolle à l’aube du premier tour de la primaire des Verts, pendant que Jean-Luc Mélenchon, Fabien Roussel et Arnaud de Montebourg n’en sont qu’à faire des signes.

« Aujourd’hui, c’est normal que la plupart d’entre eux ne s’intéressent pas à la primaire populaire, observe Mathilde Imer. Ils ont besoin d’exister, de mener chacun leur campagne. Fin septembre, la situation sera différente. On aura Mélenchon, celui ou celle de la primaire écologiste, Hidalgo, Roussel et Montebourg. Cinq candidats avec une ligne politique relativement proche face certainement à Bertrand, Pécresse, Macron et Le Pen. Ils savent tous que s’ils sont cinq, ils sont sûrs de perdre. »

Objectif 300 000 signatures d’ici octobre

De quoi les inciter à se plier gentiment au processus en cours ? Pour le collectif, l’objectif est d’atteindre les 300 000 signatures et parrainages d’ici le mois d’octobre, de manière à peser dans le jeu politique. La plateforme deviendrait ainsi l’acteur le plus puissant en termes de mobilisation autour de la présidentielle 2022.

« On sait qu’un certain nombre vont dire oui, d’autres non », concède Mathilde. « Mélenchon et Montebourg ne voudront pas. A l’opposée, Rousseau a dit publiquement qu’elle participerait si elle gagne la primaire écologiste. Idem pour Piolle. Jadot, lui, suit tout cela d’un œil bienveillant. Hidalgo a fermé la porte d’une primaire pour le PS mais reste ouverte à la réflexion pour une primaire à l’américaine. Quant à Taubira, elle a dit qu’elle ne serait pas la candidate de l’émiettement mais qu’elle prendrait ses responsabilités si les conditions du rassemblement sont là. François Ruffin, on ne sait pas. En tout cas, il n’a jamais demandé à retirer son nom de la plateforme. »

Une primaire poussée par 178 élus de gauche

Dans leur pari pour l’heure très loin d’être gagné, ces citoyens comptent sur la ferveur populaire et le flot récent d’encouragements. Ces derniers ont en effet reçu le soutien, dans L’Obs du 30 juillet, de 178 élus de gauche et écologistes dont les députés Aurélien Taché, Paula Forteza et Pierre Larrouturou. Parmi les signataires de l’appel à une primaire populaire, figurent également l’ancien candidat des Verts à la présidentielle Noël Mamère, l’économiste Julia Cagé, la politologue Fatima Ouassak, l’actrice Juliette Binoche ou encore le réalisateur Cyril Dion.

Derrière cette primaire des militants au taquet pour réunir la gauche. © Jean-Charles-Léon.

Cette ferveur, ils comptent notamment aller la chercher dès la rentrée de septembre, mois pendant lequel le collectif va multiplier les actions de communication. Après un week-end dédié à la formation des nouveaux bénévoles, toutes et tous prendront la direction de Marseille pour y organiser trois jours d’échanges et de rencontres du 10 au 12 septembre. Désireux de surfer sur la dynamique du Printemps Marseillais victorieux des dernières municipales, ils souhaitent s’inspirer de toutes les bonnes pratiques de terrain au cœur d’une agglomération en transition toujours dominée par la droite conservatrice. Marseille, ville où le Président Macron a aussi lancé ce qui s’apparente à un début de campagne de réélection.

La seule chose qui peut nous faire échouer, c’est le défaitisme.

« La seule chose qui peut nous faire échouer, c’est le défaitisme, et à Marseille, ce qui nous intéresse, c’est cette dynamique d’espoir, insiste Mathilde. Dans une ville aux mains de la droite depuis des décennies, on avait l’impression que c’était inchangeable. Or des citoyens ont montré que c’était possible de renverser le sort des élections. » « Je ne peux pas dire qu’on va réussir à les convaincre mais on fera de notre mieux, répond quant à lui Samuel. J’ai confiance en eux, sur le fait qu’ils entendent à un moment donné que l’appel de la responsabilité doit être plus important que l’appel de la survie. »

Le collectif réunira à nouveau les siens le 17 septembre autour d’une réunion de travail planifiée dans la commune de Saint Médard en Jalles où le maire Stéphane Delpeyrat recevra le maire de Bordeaux Pierre Hurmic et bon nombre d’élus invités à réfléchir sur la stratégie en cours en termes de mobilisation. L’idée première étant de récolter et de consolider les 500 signatures nécessaires au candidat choisi à l’issue du vote final programmé entre le 18 et le 21 novembre prochains.

Florian Dacheux

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