La vie rude d’un élu est difficile à décrire : entre angoisse médiatique, coups bas des adversaires et jugement dernier des citoyens, l’homo politicus est en plus de cela victime d’un pouvoir d’achat en baisse. Récit édifiant d’un secteur d’activité qui connait aussi la crise.

La hass, la vida loca, la rouille des fins de mois difficiles, beaucoup de Français vivent dans ce précipice qu’est le manque de pouvoir d’achat. Une augmentation constante du nombre de familles isolées qui vivent sous le seuil de pauvreté sonne comme une alerte. Récemment, certains de nos illustres élus ont courageusement évoqué leur quotidien.

Henri Guaino, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, député Les Républicains des Yvelines, nous révélait avec pudeur ne pas pouvoir mettre de téco avec un salaire net de 5 100 euros. Une déchéance édifiante qui nous glace le sang. Cette semaine, c’est Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, qui confiait en off son cauchemar : un salaire bloqué à 4 000 euros en raison de son absentéisme au Sénat, une douleur immense qui habite deux arbres qui cachent la forêt de la misère en costard.

La zermi de la marque avec le pouce, celle qui te fait manger du plâtre en guise de céréales… Misère, misère, misère, le refrain chantonnant de Michel Colucci s’invite maintenant dans un quotidien fait de dorures et de protocole. Misère ! Misère ! Misère ! Elle s’incruste entre deux serrages de pinces huileuses, elle oblige à surveiller les mouvements d’un compte en banque toutes les six heures.

Il faut se poser froidement la question suivante : comment un élu d’une puissance comme la France peut-il se permettre de baisser la tête devant le peu de chiffres dans sa fiche de paye ?

Certes beaucoup de lecteurs interpelleront la rédaction du Bondy blog avec ce type de réactions :

« Mais vous vous rendez compte de ce que vous dites ? Est ce que vous savez ce que représente la somme de 5 000 euros ? Vous vous êtes embourgeoisés ! C’est quoi la marque de vos madeleines à vos conférences de rédaction ? Soyez transparents, dites la vérité ! On nous ment ! »

Pas d’inquiétude 5 000 euros, c’est 2 000 euros de plus (annuels pour moi je vous rassure) de ce que je touchais du généreux et évergète Crous durant mon année de master. 5 000 euros, c’est 500 chichas assurées, dix mois de RSA. C’est magnifique. Pour moi, l’arrivée de 5 000 euros dans un compte la Banque Postale, c’est une œuvre d’art contemporain. Bien sûr, comparé à ce qu’a gagné Jacques Séguéla en conseillant les plus grands, ce n’est pas encore la skyroulette mais quand même ! De part mon expérience, je peux confortablement vous assurer qu’avec un peu de radinerie tunisienne et de l’individualisme bien franchouillard, il y aura plusieurs Rolex à Noël si la paye est de 5 000 eu.

« More money more problem » disait un intellectuel de Brooklyn dans les années 90. J’invite donc les deux élus concernés par la crise à constater les choses positives qui accompagnent ce manque de pouvoir d’achat :

1 Le contact avec le peuple

Les pâtes au thon, on s’y habitue très facilement. Par contre la bouffe bio, c’est pour les bobos et votre carte de membre ne sera plus à jour. Certes, vous gagnerez en popularité et en boutons dans le dos, mais vous perdrez en vitalité.

De plus, vous allez vous rendre compte de la gravité d’un monde où le pain au chocolat n’est pas à 15 centimes.

2 Les collaborateurs seront plus solidaires

Les personnes de l’ombre qui vous accompagnent de la brosse à dent au souper et que vous payez grassement pour qu’elles vous mâchent quelques formules basiques afin que les larmes coulent sur les joues des électeurs, seront elles aussi concernées par ce virage à 360 degrés qui se dessine dans votre train de vie de rappeur québecois. A elles aussi, il leur faudra payer le resto. Elles aussi connaîtront ce moment de peur, le liquide nasal (khnouna) sera transparent au moment où le paiement ne passera pas, il faudra insulter la machine ou faire semblant de frotter la carte.

3 Vous découvrez que, des fois, c’est nul d’être riche

Ne pas savoir quel clientélisme choisir avec sa réserve parlementaire, c’est nul. Une fois tous les objectifs de vie réalisés (être élu, propriétaire, voiture de fonction avec chauffeur, posséder du L, du V et du G), on est face à un vide intérieur aussi grand que le Sénat pendant un vote sur la déforestation. La baisse du train de vie sera l’épice surprise qui donnera du goût à une carrière politique linéaire.

Pour conclure cette analyse, je pense qu’il ne faut blâmer personne. Soyons tous positifs : citoyens médias, politiques. Essayons de trouver des idées qui nous aideront à affronter la crise. Tous ensemble.

J’invite ainsi les élus qui ressentent le même spleen du portefeuille que Messieurs Guaino et Collomb à moins s’épandre dans les médias, à être plus efficace dans l’administratif. Je leur suggère donc de faire rapidement une demande d’APL.

Saïd HARBAOUI

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