Devant l’Assemblée nationale, une place. Sur cette place une tente façon SDF. Sous la tente, Stéphane Gatignon, maire de Sevran. Il a entamé une grève de la faim et a promis de rester sur place jusqu’à ce qu’il obtienne les 5 millions d’euros qu’il lui faut, pour boucler le budget de sa ville. Sans cela, selon lui, Sevran, en Seine-Saint-Denis, n’est plus gérable. Une situation qui durerait depuis 10 ans. Interview.

Monsieur le maire, vous êtes devant l’Assemblée nationale, sous une tente Quechua. Depuis deux heures vous êtes en grève de la faim. Pourquoi ?

J’y suis pour des raisons financières. On est au bout du bout, dans une grande fragilité des finances communales. Aujourd’hui nous n’avons plus accès au crédit. Depuis les accords internationaux de Bâle III les villes sont considérées comme des individus ou des entreprises. Désormais, pour vous prêter de l’argent les banques scrutent votre situation financière. Aujourd’hui, j’ai besoin d’avoir un emprunt à la caisse des dépôts et consignations et je ne peux pas l’obtenir.

Avant de vous retrouver à la rue sous une tente,  avez-vous tout tenté ?

On a tout tenté depuis 10 ans.  En 2005 on avait manifesté devant l’Elysée. Quelques années, on a eu droit à des subventions exceptionnelles. Mais là on ne peut plus être dans l’exceptionnel.

Si vous n’avez pas les 5 millions d’euros que vous réclamez, que va t il se passer ?

Nous n’allons pas pouvoir payer les entreprises qui aujourd’hui font des travaux de rénovation urbaine dans notre ville. Les chantiers vont s’arrêter, car on ne va pas pouvoir  payer. Ces entreprises, souvent des PME, vont se retrouver dans une situation ingérable et risquent de glisser la clef sous la porte pour certaines. Des gens vont donc se retrouver au chômage. Un cercle vicieux que je refuse.

Pourquoi vous n’augmentez pas les impôts locaux ?

Parce qu’ils sont déjà trop élevés. Aujourd’hui c’est en Seine-Saint-Denis qu’on paye le plus d’impôts locaux. Je payerais trois fois moins d’impôts locaux, si j’habitais dans les Hauts-de-Seine à Paris ou dans les Yvelines. C’est scandaleux.

Mais l’Etat n’a plus de sous, à ce qu’il paraît. Comment peut-on vous donner 5 millions d’euros ?

Il faut qu’on intègre dans les dotations d’Etat une vision de gestion. Sevran fonctionne avec 35% de revenus en moins qu’une ville lambda de 51.000 habitants. Cela représente 30 millions d’euros. Nous sommes dans la métropole parisienne, une de celles qui produit le plus de richesses en Europe et en même temps la plus inégalitaire ou presque.  Les gens qui habitent Sevran, ils travaillent à Paris, à La Défense, à l’aéroport de Roissy, ils produisent des richesses. Les villes qui reçoivent ses richesses doivent les répartir. La péréquation financière c’est maintenant. Que les territoires riches partagent avec les territoires pauvres.

Il faut donc que Tremblay-en-France, qui jouit de revenus conséquents grâce à l’aéroport Charles-de-Gaulle, partage avec Sevran ?

On est en intercommunalité avec Tremblay. Les dotations financières ne se font plus seulement au niveau de la commune, désormais, l’intercommunalité compte aussi. Comme Tremblay est très riche on nous a fait baisser nos dotations de 800.000 euros cette année. Et en 2013 ça sera 1 million d’euros de moins que la ville recevra. Et comme on fait baisser la moyenne de Tremblay, cette situation est pour elle gagnante.

Mais de là à ce qu’un élu de la république dorme dans la rue comme Joseph le SDF…

On est au bout. J’ai l’impression de mourir à petit feu. Si tu veux te faire entendre, tu es obligé de taper du poing sur la table.

Mais vous êtes un élu Europe Ecologie Les-Verts. Au gouvernement, c’est plutôt des amis à vous actuellement…

Oui. Mais il y a besoin de débats. Pourquoi y-a-t-il des territoires  super riches, des gens assis sur de véritables coffres forts et pourquoi l’argent n’est pas partagé avec les plus pauvres ? C’est ça le vrai débat.

Claude Bartolone, aujourd’hui président de l’Assemblée nationale, avait fait parler de lui en 2010 en votant un budget en déséquilibre quand il était à la tête du conseil général de Seine-Saint-Denis. Vous a-t-il montré son soutien ?

On va voir. En tout cas, Il sera le bienvenu. S’il veut, demain matin on boit le thé ensemble.

Propos recueillis par Kahina Mekdem et Idir Hocini

Articles liés