Quelle est votre réaction suite à la mort de Mohamed Merah ?

L’opération de police s’est achevée. Le temps qui s’ouvre doit maintenant être celui de la concorde et de la fermeté sur nos principes. Ce n’est pas aux extrémistes de nous dire comment nous voulons vivre, rien ne doit faire reculer la démocratie.  Au contraire, l’urgence c’est de faire en sorte que la France soit plus fraternelle, en défendant la justice, la laïcité, et l’égalité.

 

Comment peut-on qualifier la tuerie de Toulouse et Montauban : assassinat ou acte terroriste ?

La tuerie de Toulouse et les crimes de Montauban  sont des assassinats odieux qui visent à  régner par la terreur. Il s’agit de marquer les esprits pour faire peur en montrant qu’on peu frapper partout : c’est l’essence même du terrorisme.

Après l’identification du suspect présumé, Marine Le Pen a réagi en affirmant que « cet individu se considérait musulman avant d’être Français ». Que lui répondez-vous ?

Je ne lui réponds pas. Ses allégations sont misérables, elle continue à tracer son sillon de haine sous le masque patelin de la banalisation. Décidément, le Front national n’est pas un parti comme les autres.  Il vise à imposer ses obsessions à notre nation et à fixer l’agenda politique. Madame Le Pen  prospère sur la provocation anti-islam permanente. Même si elle se défend de faire des amalgames, ne soyons pas dupes : elle fait aujourd’hui partie de ceux qui veulent engranger les bénéfices des crimes du terroriste. Au fond, elle a besoin de la peur des terroristes pour alimenter son fonds de commerce. D’une certaine manière elle est leur meilleure alliée.

Que répondez-vous à ceux qui affirment que si les victimes n’avaient pas été de confession juive, les pouvoirs publics n’auraient pas mis en place le Plan Vigipirate écarlate lundi 19 mars ?
C’est indigne. La comparaison systématique entre les victimes est très dangereuse. Je crois que, bien avant la confession de victimes, c’est l’horreur du crime et notamment l’exécution froide et préméditée d’enfants qui a poussé à réagir avec la plus grande vigueur. Mais disons les choses encore plus clairement,  derrière cette affirmation, il y a l’idée qu’on en ferait trop pour les juifs. Moi je crois qu’on n’en fait jamais trop pour lutter contre la haine, qu’elles que soient les victimes. Dans mon autre patrie, la Norvège, la folie meurtrière antimusulmane a tué 77 personnes.  Ici, après les assassinats des militaires,  c’est à un crime antisémite  qu’on a assisté : les enfants juifs sont morts uniquement parce qu’ils étaient juifs. La matrice de ces crimes est bien la même : la haine de la  différence.

Si vous aviez été présidente, à ce moment-là, comment auriez-vous réagi ?

Il m’est difficile d’imaginer ce que j’aurais fait de différent. Même si chacun réagit avec son histoire et ses convictions, la fonction commande un certain nombre d’actes indispensables. Par contre si j’avais été présidente dans les cinq dernières années,  je sais bien ce que j’aurais fait de différent. J’aurais eu en permanence à l’esprit de rassembler les habitants de notre pays. J’aurai banni les paroles d’exclusion de mon expression publique.  J’aurais essayé de montrer que la république ne flatte pas les communautés et défend l’égalité des droits pour tous les individus. C’est le sens de la proposition que j’ai faite il y a quelques semaines concernant les jours fériés pour Kippour et l’Aïd et qui a été mal comprise. On y a vu une concession aux religions, quand  il s’agissait au contraire de pousser plus loin la logique laïque en garantissant la neutralité de l’Etat face à toutes les religions en les mettant sur un même pied.  Plus que jamais nous devons nous interroger sur la manière de vivre ensemble. Pour moi, Il n’y a pas des Français et des Français de seconde zone, avec moins de droits que les autres. Les évènements de ces derniers jours montrent que la France à besoin d’unité.

Sur votre site, un internaute vous interpelle :  » Je ne peux pas m’empêcher de me demander si ce drame, ainsi que l’exécution des militaires de Montauban, ont été orchestrés à des fins politiques. Qu’en pensez-vous ? Et si c’est le cas, serait-il possible de trouver (et prouver) qui est responsable de cela ? » Quel est votre point de vue ?

Je n’ai pas une vision complotiste du monde. Par ailleurs, je pense qu’il ne faut pas insulter la mémoire des victimes en niant le fait qu’ils sont tombés sous les balles d’un tueur. Vouloir voir la main de l’état derrière ces crimes est hasardeux : on n’instruit pas un dossier sur la base de rumeurs mais à partir de faits. Rien aujourd’hui ne permet d’accréditer cette thèse.

Contrairement à Nicolas Sarkozy et François Hollande, vous n’avez pas mis votre campagne entre parenthèses. Que pensez-vous de la décision des candidats Hollande et Sarkozy de mettre en stand-by la leur ? Y voyez-vous une quelconque récupération politique ?

Chacun réagit comme il l’entend face à des évènements insupportables, et qui nous sidèrent tous. Pour ma part, j’ai choisi de suspendre ma campagne, ce qui m’est apparu comme une évidence. J’ai annulé un certain nombre d’engagement pour me rendre aux obsèques de Montauban et rendre visite à l’école juive frappée par les assassinats. Permettez moi de ne pas polémiquer avec les autres candidats sur leur gestion des jours passés. En revanche, je voudrais que nous en tirions tous des conséquence pour les temps à venir : chaque responsable politique doit se demander : ai je fait assez pour lutter contre la violence ? Au delà, c’est toute la société qui doit s’interroger sur la fabrique de la haine. Et je veux en particulier m’adresser aux plus jeunes : c’est vous qui avez la responsabilité de ne pas céder à la spirale de violence entre communautés ; de vos valeurs et de  votre dépend le visage de la France dans laquelle vous allez vivre. Chassez l’antisémitisme de vos têtes, chassez la haine des musulmans de vos esprits, bannissez le racisme et la xénophobie de vos vies.

A l’approche du premier tour de la présidentielle, l’identification du suspect et la rapidité de l’enquête sont plutôt un bon point pour le Président-candidat Nicolas Sarkozy, non ?

Je suis persuadée que les morts des derniers jours ne sont une bonne nouvelle pour personne. Notre pays vit des heures sombres dont nul ne doit chercher à tirer profit.

Mimissa Barberis et Hanane Kaddour

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