Les températures avoisinent les 0 degré ce dimanche 18 décembre. Mais la foule s’élance à l’appel de la Marche des solidarités. En cette journée internationale des migrant-e-s, des centaines de personnes ont manifesté pour les droits des sans-papiers.

Les revendications sont multiples. Cette marche rend hommage aux milliers de travailleurs étrangers morts sur les chantiers de la Coupe du Monde. Ironie, ce dimanche est aussi le jour où la France dispute la finale du Mondial face à l’Argentine. Les manifestants entendent aussi apporter leur soutien aux ouvriers sans papiers des JO, dont Libé a révélé les piètres conditions de travail.

Le titre de séjour métiers en tension « va nous précariser davantage »

Il s’agit également de protester contre la politique du gouvernement et la loi Immigration qui devrait arriver au Parlement à la rentrée. « La situation s’est aggravée avec les politiques de Darmanin et la nouvelle loi proposée par le gouvernement va détériorer notre situation », s’inquiète Farida*, immigrée tunisienne résidant en France depuis 2018.

Pour la jeune femme sans papier, qui enchaine ménages et heures supplémentaires, « la carte travailleur pour les métiers en tension que propose Darmanin va nous précariser davantage. Les patrons auront plus de pouvoir et pourront nous utiliser comme bon leur semble ».

« Les métiers en tension sont en réalité les métiers que nous pouvons perdre à tout moment. Si on perd notre emploi, l’État français pourra nous retirer la carte de séjour », renchérit Djamel*, jeune exilé sénégalais. « Chaque année, on attend des mois pour pouvoir renouveler notre carte de séjour. Avec cette loi, ce sera cent fois pire », craint-il.

Darmanin, ça va mal se passer

Malgré le froid, les tambours accompagnent les slogans et les chants s’élèvent. Démarré à La Chapelle, le cortège suit son chemin direction République. Sur les pancartes, les traditionnels « Personne n’est illégale » apparaissent, ainsi que des « Féministe brisont les frontières ». Le ministre de l’Intérieur tient une place à part et catalyse les craintes et la colère. « Darmanin, ça va mal se passer », lit-on sur une pancarte. Une référence au comportement sexiste qu’il avait eu sur le plateau de BTMTV face à Apolline de Malherbe.

Depuis 30 ans, les lois pour « détricoter le système d’asile et précariser la situation des migrants »

« En tant que migrant, je me dois d’être là. » Depuis plusieurs années, Modibo* milite pour le droit des personnes exilées. Lui aussi reste très préoccupé par la loi Immigration : « Ce projet de loi vient s’ajouter à d’autres lois de 1980 à aujourd’hui. On parle de près de 29 lois sur l’asile et l’immigration qui tendent progressivement à détricoter le système d’asile et à précariser davantage la situation des migrants. »

Pour les militants sur place, la loi Immigration porte « une volonté très assumée de trier les personnes : ceux et celles qui ont un travail et ceux et celles qui n’en ont pas ». Ils et elles s’inquiètent des mesures proposées par le ministre de l’Intérieur qui ont pour but de « faciliter les procédures d’expulsion, les interpellations ainsi que les arrestations en donnant davantage de pouvoir à la police ».

Politique migratoire : « La manifestation la plus brutale du racisme d’État »

Pour Yonathan, militant antiraciste, la politique des pouvoirs publics envers les exilé-e-s « est la manifestation la plus brutale du racisme d’État ». Il en veut pour preuve « le nombre de personnes que les politiques ont laissé mourir en mer » ou le fait que les personnes sans papiers soient laissées « dans des niveaux de précarité et d’exclusion sociale extrême ». 

« Je travaille à Porte de Clignancourt, nous voyons clairement le niveau d’inhumanité dans lequel nous sommes, et la manière dont les pouvoir publics ont abandonné les exilés », témoigne Yonathan.

Un discours raciste destiné à criminaliser les migrant-e-s 

Dans le cortège, les manifestants mettent en cause des politiques qui « entretiennent un discours raciste destiné à criminaliser les migrant-e-s ». Les associations, à l’instar de La Mif (Militant·es pour l’Interdiction des Frontières), demandent la fermeture des centres de rétention administrative (CRA).

Adoptée en décembre, la loi de programmation et d’orientation pour le ministère de l’Intérieur (Lopmi) promet le doublement des places en CRA. Pourtant, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France à 9 reprises pour son traitement inhumain et dégradant envers les enfants enfermés dans ces centres.

Arrivés sur la place de la République, les collectifs de personnes exilées appellent à des mobilisations massives et à des mouvements de solidarité contre la loi Immigration. Ils et elles espèrent une prise de conscience collective.

Lucie Leila Mamouni

*Les prénoms ont été modifiés

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