S’adapter à la vie quotidienne dans notre charmante cité n’est pas chose aisée. Il faut assimiler nos coutumes si particulières, comprendre notre humour décalé et agir selon les enseignements de notre père fondateur Al Bundy. Certains bondynois ont du mal dans ce climat quelque peu fripon. Nous les avons donc classés en castes hiérarchisées selon leurs capacités de survie en milieu hostile et leur maîtrise de l’humour bondynois. Remplacer un ballon de foot par une boule de pétanque lors d’une partie de balle au prisonnier est un bon exemple d’extravagance que nous autres savons apprécier.

Petit hamster

Désigne tout habitant de notre ville qui n’y a pas sa place. Un statut synonyme d’humiliations. Il est fréquent de voir les autres Bondynois jeter des pierres aux petits hamsters.

Rat des champs

Mignon, gentil, souvent coincé, il ne fait rire que sa maman si cette dernière est polie. S’il mange un grec avec des Bondynois plus expérimentés, il n’en goûtera que la sauce.

Rat des villes

A déjà meilleure allure. Il entre dans la Ratrix, la mécanique complexe qui régit la vie à Bondy. L’humour bondynois cesse de lui être indifférent et ses repas sont de moins en moins taxés. L’apprentissage du padawan débute enfin.

Rat de la casse

Commence à être fréquentable. On donne ce grade aux nouveaux Bondynois qui présentent de réelles dispositions à la vie dans notre société. Il peut être drôle, il sent quand on essaye de la lui mettre à l’envers et mange ses premiers repas gratuits.

Rat d’égout

S’accommode parfaitement à la vie dans la cité. Il rit de bon cœur quand un de ses amis tombe par terre comme une merde et sait transformer son porte-monnaie en un sanctuaire inviolable. Un rat d’égout peut très bien commencer une déclaration d’amour par cette phrase : « t’es moche, mais j’ai faim ».

Rat gitan

Malgré tous les préjugés sur les gens du voyage, la fratrie bondynoise admire l’instinct libertaire de nos derniers nomades. Le manouche n’hésite pas à donner pour ses enfants les prénoms qui lui plaisent, hérités d’un livre d’histoire ou d’un programme TV des années 1980 (JR, Trinita, Rambo, Karl Marx ou Napoléon). Tous ici gardent en mémoire les rentrées de classe éprouvantes pour les zygomatiques, conséquence directe de la patronymie tzigane. C’est en hommage à ces moments d’hilarité collective qu’une caste porte leur nom.

Rat –Zoir

Comme son nom l’indique, ce rat n’a qu’un but dans la vie. Vous raser. C’est un puissant gillette mach 3 qui soumet votre épargne à la précision d’une lame affûtée. Un rat-zoir ne transige pas quand il s’agit d’un repas gratuit, de squatter une fête ou de s’incruster chez des gens. Pour lui, chez vous c’est chez lui.

Rat mort

Avec le rat mort on est en présence d’un spécimen rare qui a fait preuve de la meilleure adaptabilité à la vie bondynoise. Les rats morts marchent fièrement dans la ville car ils savent que tout leur est dû. Un seigneur de cette caste est capable de tout, du moment qu’il trouve ça drôle. Faire un croche patte à sa petite amie par exemple, faire un croc dans le rôti qui cuit, organiser son mariage chez un Grec avec une participation de 4 euros par invité. Tourner le dos à un rat mort si vous mangez peut être dangereux.

Rat Gondin

Fréquenter un rat Gondin si l’on n’a pas au moins le grade de rat d’égout est le plus sûr moyen de crever de faim. Tout ce dont il peut profiter est à lui, il n’a aucune gêne, aucune honte et peut renoncer à l’amour de sa vie ou à ses parents pour un ticket restaurant. Humiliations, vannes et coups tordus sont l’expression de la plus pure amitié chez un rat Gondin.

Rat pourri

Etre rat pourri, c’est entamer le processus qui vous conduira vers les cimes de la suprématie bondynoise. Un rat pourri a surpassé ses inférieurs dans tout les domaines de la vie bondynoise : squatt, pillage de vivres, escroqueries diverses ou relation sentimentale ambiguë. Le Haut Conseil Bondynois a posé une règle stricte pour valider l’accession à ce grade : pousser aux larmes deux de ses amis ou sa moitié et ce, sans violences physiques ni verbales. « Je t’ai payé des seins » est une invective que pourrait sortir un rat pourri à sa petite amie le jour de son anniversaire. Poitrail bien entendu financé par d’autres sources que ses poches. Rusé, malin, le rat pourri est impossible à tromper. Une bête de la nature bondynoise.

Rat du mordor

Cette caste est synonyme d’excellence, le sacrement de toute une vie de Bondynois. En cas de guerre, suivez de près un rat du mordor, soyez sûr qu’il en sortira vivant, mais peut être à vos dépends. Séduire une femme est facile pour lui et cela se résume à deux mots : « Viens là !» Cet être est incapable de respecter les moindres normes sociales. La compassion, le romantisme et le partage sont pour lui de la science-fiction.

Le détenteur de ce grade a un niveau de puissance inimaginable : tout buffet, fête ou festin dans un rayon de 20 km autour de notre cité doit craindre sa visite. Tout ce que peut attendre la compagne d’un rat du mordor, le soir de la Saint Valentin, c’est un dîner aux chandelles autour d’un vieux sandwich au fromage rongé. Quand une humiliation vous frappe, il est toujours là. A quelques pas, vous scrutant impitoyablement d’un œil plein de malice, le visage et la langue tirés dans un infâme rictus, expression partagée d’euphorie et de dédain, déformés par le vice. Il s’avance hilare et méprisant, pointant son index sur votre visage jusqu’à l’enfoncer dans votre joue roussie par la honte. En guise d’estocade, il achève son rire graveleux par un cri puissant : le fauve a trouvé une nouvelle proie et la foule de Bondy doit en être informée. Se joignant à lui dans une ronde autour de votre corps parcouru de spasmes, ses amis entament un véritable lynchage par le verbe. Votre humiliation devient un bien public. Au fil des ans l’histoire sera remaniée, remixée, épicée à la coriandre et au cumin, à chaque fois plus intense.

Fort heureusement, il n’y a qu’une place sur le trône de rat du mordor. Celui dont le séant y est posé, véritable réincarnation d’Al Bundy, représente l’évolution ultime du bondynois.

Idir Hocini

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