Les gouttes de cette fin de mois de novembre pleuvent autant que les coups au Complexe sportif Pierre Pouget, où le club de Boxe de Villeuneuve et Ablon a pris ses quartiers. Malgré les mesures de confinement et de restrictions sanitaires, le haut niveau a été autorisé à s’entraîner. Mais l’amertume de deux saisons compliquées est présente chez les encadrants.

Les gens ont réalisé l’importance du sport à la suite du confinement 

Tous les gestes barrières gels, port du masque (avant et après les cours) ont été mis en place. Les cours en extérieur ont été favorisés autant que possible. L’arrêt du prêt de matériel et le renseignement d’un cahier d’émargement sont de rigueur. Des créneaux supplémentaires ont été mis en place pour limiter le nombre d’enfants par cours. Il y a eu plus d’inscriptions cette rentrée « Les gens ont réalisé l’importance du sport à la suite du confinement », confie Rachid Hallaf directeur technique et coach du club.

Même si cette année a été très perturbée pour son parcours de haut niveau, le plus difficile à vivre pour Marine Fatou Camara a été de ne pas pouvoir s’occuper des jeunes. Pour certains le confinement n’a pas eu d’impacts, pour d’autres, la charge nerveuse était réellement palpable à la reprise de septembre. « Pour beaucoup d’entre eux, la boxe est une routine, un véritable outil de développement personnel, ça leur permet de prendre confiance en eux», explique la coach de la section enfants.

Le club a avant tout une vocation associative et sociale.

Pendant l’entraînement, Habib, également membre du bureau, surveille les enchaînements. L’équipe du club a mis en place lors du premier confinement, des cours en visio, des vidéos et des programmes d’entraînements. « Le club a avant tout une vocation associative et sociale. C’est important pour nous de nous occuper de tous nos adhérents, et surtout de garder un contact avec eux. Ils étaient contents de garder ce lien. » explique le membre du club.

Marine aborde les limites des cours en visio, car certains enfants n’ont pas forcément d’ordinateur et un espace privé au sein de leur famille. Ces inégalités la touchent particulièrement car elle sait qu’un cours à distance ne remplacera jamais un cours en présentiel pour des jeunes facilement déconcentrés face à l’écran.

Rachid culpabilise sur la situation actuelle qui prive une partie de ses adhérents « Nous sommes en pleine discussion, pour remettre en place les cours en visio si ce deuxième confinement se complique. Il a été déstabilisant car trop soudain ». Au sujet des compétiteurs, il est reconnaissant d’avoir le soutien et la confiance de la Ville d’Ablon qui leur met à disposition le Complexe sportif.

A l’annonce de l’annulation de la compétition tout s’écroule, toute la dynamique redescend.

Le premier confinement a été vécu difficilement pour Marine Fatou Camara. Le tournoi de qualification pour les JO de Tokyo 2020 était prévu en Mai pour l’athlète. « Cela représente 4 ans de préparation. On atteint notre niveau maximal physiquement et mentalement. On est prêt à combattre. A l’annonce de l’annulation tout s’écroule, toute la dynamique redescend.  Avec le décalage des JO, il faut aussi prévoir une année de coût supplémentaire de préparation ». 

L’interdiction d’accès aux salles pendant le premier confinement a été un réel handicap : pas de cadre adapté pour s’entraîner qui provoque inexorablement une prise de poids… Mais la boxeuse préfère en retirer du positif : elle a pris du temps pour la lecture et envisager une reprise d’études. Elle suit désormais des cours de Langues et Civilisation (INALCO) pour étudier le Bambara, une des langues nationales du Mali.

 Nous avons essayé de mettre en place des sessions via la plateforme Zoom, mais ce n’est pas évident et il y a une fracture numérique dans les quartiers populaires.

Même inquiétude pour le lien social du côté de Mohamed Keita, le président du RC Argenteuil, club de foot de 1000 adhérents, composé uniquement de bénévoles qui aimeraient œuvrer pour continuer leur mission d’inclusion pour les jeunes de la ville. Même s’ils comprennent la situation et s’adaptent au mieux, l’incompréhension est partagée face à l’incohérence des mesures, surtout quand le sport est autorisé à l’école.

Mohamed Keita se remémore encore les tentatives veines de discussion par conférence pour tenter de garder le lien. « Nous avons essayé de mettre en place des sessions via la plateforme Zoom, mais ce n’est pas évident et il y a une fracture numérique dans les quartiers populaires ».

Face au confinement, le dirigeant remarque les inégalités entre chaque enfant, qui malgré le retour à l’école, ressentent le besoin d’être sur la pelouse. « Les enfants ne se sentent pas bien, beaucoup sont encore privés de leur activité préférée. C’est aussi pour eux un moyen de retrouver leurs amis. Pour certains c’est le seul endroit où ils en ont. On a peur pour certains de nos jeunes, nous ne savons pas comment nous allons les retrouver », expose le président, inquiet avant la reprise des entraînements pour ses jeunes inscrits.

Des inscriptions et des cotisations en baisse

Une des initiatives qu’a trouvé le club pour garder un lien avec les enfants et les occuper a été notamment de lancer une opération solidaire à destination des EHPAD où les enfants licenciés ont fait des dessins pour les offrir aux résidents pendant le premier confinement.

A la rentrée, la réadaptation à plusieurs reprises a été indispensable. Après quelques semaines de reprises, quand le couvre-feu a été mis en place, le club a dû réduire la durée des créneaux des entraînements et limiter le nombre de séances par adhérent pour permettre à tout le monde de s’entraîner malgré tout.

Le RC Argenteuil aurait perdu 10 à 15% d’adhérents à la rentrée. La peur du Covid et la crainte que les activités sportives soient stoppées ont poussé beaucoup de famille à ne pas s’inscrire. « Ce qui est compréhensible, il s’agit d’une adhésion annuelle et la prestation risque de ne pas être donnée à 100%. »

Cette perte met grandement en fragilité la survie de l’association si des aides de l’État ne sont pas mises en place de manière suffisante. Certains adhérents demandaient des remboursements alors que le club avait déjà lancé ses achats à la rentrée 2019 et avait consommé une bonne partie  du budget.

Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé près de 400 millions d’euros d’aide supplémentaire pour le sport, la Ligue de Paris IDF a reporté les échéanciers pour la saison 2020/2021 et a effectué un remboursement sur une partie des licences. « Nous considérons l’arrêt actuel comme une grosse trêve », philosophe Mohamed Keita, malgré les difficultés financières et les complications.

La réactivité et la technologie pour maintenir le lien social

Pour Nawal Saddiki, présidente de l’Association SCPT (Sport et Culture Pour Tous, qui propose des cours de fitness et boxe au public féminin intergénérationnel), la réactivité était également au rendez-vous à Aulnay-sous-Bois.

Tous les gestes barrières sont également mis en place par l’ASCPT ainsi que les marquages au sol dans la salle de cours afin de respecter la distanciation sociale lors de la reprise en septembre avant le second confinement. Le club peut aussi compter sur ses bénévoles pour l’organisation, la mise en place et l’entretien du local.

Dès que le premier confinement s’annonçait, elle a organisé des réunions extraordinaires afin de mettre en place une solution alternative. « Nous avons mis un point d’honneur à ne pas arrêter les cours. Nous avons un public intergénérationnel et beaucoup de seniors ». Il était important pour elle de ne pas priver d’activités physiques ce public, et encore moins pendant la période de confinement. Le club a été créé à l’origine pour permettre aux mères de familles de faire du sport régulièrement. Par la suite, la petite institution a évolué et est devenue intergénérationnelle.

Les réflexions se font avec toute l’équipe pour la mise en place des plannings du confinement.  « Nous sommes dans un fonctionnement familial et pragmatique ». Certains ne sont pas adeptes des cours en visio et d’autres n’ont pas forcément un accès facile aux technologies, confie Nawal Saddiki qui a dû réduire le nombre de créneaux proposés.

Comme elle, les coachs ont une activité professionnelle en parallèle, et ne vivent pas des cours. C’est avant tout une passion, aujourd’hui frustrée, et trépignent à l’idée de reprendre un rythme normal.

Pour l’ASCPT, il y a eu un peu moins d’inscriptions à la rentrée. Parmi les raisons, des adhérentes plus âgées ont exprimé leurs inquiétudes par rapport au risque de contamination. Cependant la situation s’équilibre un peu « comme nous proposons des coachings individuels, certaines ont pris cette option » explique la présidente.

L’association dispose d’un local à usage exclusif et cela est un réel avantage. Le club réfléchit désormais à la mise en place de créneaux permanents de cours visio à l’année pour répondre à cette nouvelle demande de ses adhérents.

Face à l’incohérence des informations gouvernementales concernant la reprise, ainsi que les aides au financement, et l’impossibilité de pratiquer pour beaucoup pendant de longs mois, les dirigeants et dirigeantes des associations sportives rencontrées, font preuve d’adaptation sur tous les aspects avec en tête un seul et même objectif, loin de la performance sportive : maintenir le lien social.

Samira Goual

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