«Ne commence jamais l’un de tes articles par une citation», m’avait dit Pierre-André à mes débuts dans le journalisme, en 1998. «Les guillemets sont inélégants; c’est choisir la facilité.» Il m’avait murmuré cela, en écrasant nerveusement sa cigarette pile au centre du cendrier, je m’en souviens très précisément.
Aujourd’hui, c’est la toute première fois que je brise cette règle que m’étais appropriée aussitôt.
Je reviens à l’instant de l’hôpital Bichat, à Paris, où Pierre-André Stauffer se remet lentement de son opération suite à son grave malaise. Il l’a eu ici même, lors de sa mission pour le Bondy blog.
Une autre fois, entre deux expressi bien serrés, il m’avait soufflé qu’il faut alterner les phrase courtes et les phrases longues. «Cela donne du rythme» Mais ce principe ne suffit évidemment pas, comme je l’avais saisi peu à peu, à mesure qu’il relisait mes textes en me soufflant patiemment quelques astucieuses corrections. Les phrases longes doivent «couler».
Cet après-midi, j’ai retrouvé Pierre-André comme je l’avais laissé le 6 janvier, quand je suis parti en voyage de noces. Grinçant, redoutable dans son décryptage de la psychologie d’un tel ou d’un tel, avec son petit rire qui ponctue chaque trait d’esprit.
Il va beaucoup mieux.
La veille de mon départ de Suisse, j’avais proposé à mes collègues de signer une carte pour lui. Mais je l’ai oubliée. «Bah! a fait Pierre-André. J’imagine bien le genre de carte dont il s’agit…»
Je suis allé le voir, accompagné de Kamel El Houari et de Mustapha Margoum. Ils voulaient lui rendre visite à l’hôpital depuis longtemps, mais ils l’avaient retardée jusque-là, de peur de le déranger. On aurait dit qu’ils allaient trouver leur propre grand-père.
J’avais les yeux embués.

Par Titus Plattner

Titus Plattner

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