#LESBÂTISSEURS Les quatre jeunes diplômés avaient fait parler d’eux début juillet en annonçant vouloir reverser leur bourse au mérite de 500 euros à des associations comme un geste citoyen. Aujourd’hui, ils réfléchissent aux suites à donner à leur mouvement qui s’est depuis élargi. 

Du haut de leurs 17 ou 18 ans, les quatre bacheliers du lycée Saint-Exupéry, à Lyon, peuvent se vanter d’avoir fait éclater le débat et d’avoir planté une graine dans la tête de quelques camarades. En trois mois, la démarche d’Emma, Jules, Robin et Lola a fait des émules. De 4 bacheliers, ils sont passés à 21 : 21 lycéens qui ont décidé de suivre leurs camarades en versant leur bourse mention « très bien » à des associations.

Nous sommes le 4 juillet quand les quatre jeunes diplômés annoncent qu’ils vont reverser leurs bourse au mérite à des associations de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Une première. Ils estiment que cette bourse, dotée d’un budget annuel de 3 millions d’euros, est injustement attribuée par le conseil régional à tous les élèves qui décrochent une mention « très bien », quelles que soient les ressources des familles. Ils rendent alors publique une lettre ouverte à Laurent Wauquiez, président Les Républicains (LR) de la région, pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme étant une inégalité alors que le budget des associations locales connaît de sévères restrictions. « Parmi les titulaires de la mention « très bien », beaucoup sont issus de milieux sociaux favorisés, écrivaient-ils dans leur lettre à Laurent Wauquiez. (…) Les études sociologiques ont montré que la réussite scolaire est facilitée par leur culture et environnement familiaux (…) Cette distribution de fonds publics se fait en parallèle d’un désengagement massif du secteur (…) des structures qui agissent localement pour un meilleur accès à la l’éducation et à la culture ».

Ce mérite qui avantage celles et ceux qui sont déjà sociologiquement avantagés

Parmi ces nouveaux bacheliers qui ont adhéré au mouvement, il y a Tom Neyret. Le jeune homme de 17 ans est, depuis juillet, bachelier littéraire mention « très bien » du lycée Stendhal à Grenoble. Sa mère est attachée de recherche clinique et son père, informaticien. « Je viens d’un milieu social avec un fort capital culturel qui n’a pas spécialement des problèmes d’argent. Je n’ai donc pas besoin de cette bourse contrairement aux élèves issus des classes populaires. Ensuite, dans le contexte actuel de casse des services publics, la politique de la région visant à baisser les subventions allouées au associations est particulièrement injuste puisque ce sont celles-ci qui participent à réduire les inégalités sociales », constate Tom.

Le bachelier critique également la notion de mérite. « Elle n’est pas rigoureuse, juge-t-il. S’agit-il de l’effort fourni ? Du temps de travail consacré ? Des notes? Ce mérite est-il forcément scolaire. Faute de trouver un critère pertinent pour le caractérise, Laurent Wauquiez récompense ceux et celles qui sociologiquement sont déjà avantagés ». Tom a décidé de reverser l’argent de sa bourse au mérite au planning familial.

Près de 200 soutiens reçus depuis juillet

Il y a les bacheliers mention « très bien » et les y a aussi les nombreux soutiens reçus depuis. « On a reçu près de 200 signatures de soutien sur la boîte mail dédiée, affirme Emma, l’une des instigatrices de l’action. Il y a même des amis qui comptent donner une partie seulement de leur bourse ! »

« Ces soutiens, ce sont des lycéens, des étudiants, des citoyens et des associations. Beaucoup d’entre eux veulent être comptés comme membres de notre collectif ou comme signataires. Certains proposent même de nous aider ou nous envoient des idées pour la suite », explique Lola. « Ces soutiens sont tout aussi importants pour nous que les soutiens matériels, car nous voulions justement que notre initiative ne soit pas limitée aux titulaires de la mention « très bien » qui sont dans une situation qui leur permet de refuser la bourse. C’est aussi très touchant car nous réalisons que les valeurs que nous défendons sont partagées par des personnes de tout âge et de partout en France ».

Réception pour les bacheliers mentions très bien à l’hôtel de région le 18 septembre 

Et l’après ? « Pour l’instant c’est en réflexion », répond prudemment Emma, 18 ans. « Il y a une réception à l’Hôtel de Région, le 18 septembre. On se demande si on se présente physiquement, si on essaye de nouer un dialogue, d’en parler… » Laurent Wauquiez, assurent les jeunes, n’a jamais pris contact directement avec eux. Ce qui est sûr, c’est que les bacheliers souhaitent maintenir le débat. « Des élèves de première nous disent vouloir continuer cette action l’année prochaine », précise Emma. « Nous avons déjà décidé de recommencer l’année prochaine en discutant avec les futurs bacheliers. Tant que rien ne changera et aussi longtemps qu’il est nécessaire, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour nous faire entendre », assure Lola.

Les quatre jeunes étudiants ne mesurent pas encore tout à fait la portée de leur acte mais ils sont conscients que leur parole compte aujourd’hui. Pourtant, pas de formalisation du mouvement et surtout, pas d’engagement en politique. « Si cela change la perception que les gens ont de notre message, c’est bête, estime Emma qui s’apprête à entrer en fac d’Histoire. On a été approchés par des syndicats, mais on ne veut pas non plus ». Ils comptent bien se rappeler au bon souvenir de M. Wauquiez, qui s’est lancé depuis dans la course à la présidence du parti Les Républicains.

Alban ELKAÏM

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