Entre menace permanente d’expulsion et négociation au point mort, le drame des occupants du gymnase scolaire de Cachan s’épaissit avec l’arrivée prochaine de la rentrée des classes.

Le Bondy Blog a décidé d’en rendre compte aussi souvent que possible.

Au bout de la rue des Deux frères à Cachan, le gymnase du groupe scolaire Belle Image. Le sort des personnes hébergées, lui, n’est pas aussi radieux. En traversant la petite cour d’accès à la salle, on est vite saisi par le mélange des odeurs de nourriture et de transpiration. En avançant sur un petit passage sombre entre des murs en parpaing, l’émanation des toilettes s’y ajoute. C’est là où dorment les hommes et où siègent les grévistes de la faim. Les femmes et les enfants campent à l’intérieur de la salle étouffée de matelas et de tissus en tout genre pour se couvrir.

Des articles de journaux sont affichés à l’entrée ainsi que des pancartes. Dans l’une d’elles, on peut lire : « Honte au pouvoir qui fait la guerre aux plus pauvres ». Juste à droite, une mini aire de jeu avec des jouets se présente sous une tonnelle comme un petit coin d’évasion vers l’insouciance.

Depuis deux semaines donc, un couple parmi les ex-occupants d’un bâtiment F de la cité universitaire supportent. Leur garçon de 3 ans a le visage truffé de boutons. « Tous les soirs mon petit est piqué par les moustiques », explique la jeune maman, les yeux cernés. « Nous sommes usés par nos conditions de vie dans la cité et pire dans cet endroit », ajoutent les femmes qui l’entourent. Les personnes expulsée de la cité U – qui rappelons-le, sont aussi bien avec ou sans titre de séjour, ou même Français – cohabitaient clandestinement dans des chambres d’environ 9 m2 en famille depuis au moins 3 ans.

C’est à se demander comment on peut laisser les choses en arriver à ce point ? A se retrouver éjecté par centaines dans une même salle, sous l’égide d’un gouvernement français. Dans le passé, on a cru en avoir eu la dose et tiré des leçons ; la situation ressemble à celle du déplacement en masse des colons à la fin de la guerre d’indépendance de l’Algérie.

D’ailleurs, les discussions entre « co-locataires » tournent beaucoup autour des rapports historiques entre la France et les pays d’Afrique et règne un fort sentiment patriotique tandis qu’un camion municipal de nettoyage de la chaussée passe le long de la rue des Deux frères en plein après-midi. « Ce qui m’a fait m’échapper de la Côte-d’Ivoire n’est pas la misère mais les tensions politiques du pays », explique ce jeune homme de 23 ans actuellement sans titre de séjour, ajoutant : « En France même les animaux ont leur carnet de santé ». Il dit appartenir à la famille d’un ministre Ivoirien. Voici qu’un autre rapplique : « la France est en train de créer des anti-Français en Afrique ».

Alors que je tente d’interroger un groupe de personnes assises sur le trottoir de la rue, des regards hostiles se tournent vers moi : « On ne parle pas aux Français ! Vous ne connaissez pas ce qu’est l’Afrique ». Je leur réponds que mes origines sont algériennes et là par des gestes accueillants, tous répliquent : « Ah ! si t’es Algérienne, on peut dialoguer ». Du coup, chacun se bouscule pour expliquer son malaise, ses principes de vie. Dans ce brouaha, j’ai compris une chose : que ces gens ont du mal à comprendre la cohérence du système français ; dans ses règles et dans sa politique.

Ces gens n’ont jamais cherché à faire parler d’eux, d’ailleurs ils en sont gênés et ne veulent pas que les journalistes citent leur nom. « A quoi ça sert d’écrire des articles sur nous », s’exclame Pilo (prénom modifié), « la France entière connaît notre situation depuis deux semaines. Regardez, aujourd’hui, nous sommes toujours entassés dans cette grande salle ». La force des événements les a poussés à défendre une cause chère : leur droit – universel – à la dignité. Où sont donc les diplomates pour donner la réplique à ces acteurs d’une situation sociale considérée comme marginale ?

Par Nadia Boudaoud

Nadia Boudaoud

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