Tous les ans depuis 2006, un tournoi de football est organisé à la mémoire des deux jeunes Clichois morts après avoir voulu fuir la police. Les proches d’Adama Traoré étaient là aussi. Reportage.

« On peut se souvenir de ce drame à travers un bon moment de convivialité ». Les mots d’Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois, résument bien l’esprit de ce tournoi de football en salle. Il est organisé chaque année à la mémoire de Zyed et Bouna, morts dans un transformateur EDF, après avoir voulu fuir la police, sans rien avoir à se reprocher.

Cette année, en ce mardi férié, une centaine de personnes ont fait le déplacement au gymnase Armand Desmet de Clichy-sous-Bois, venus essentiellement de Clichy-sous-Bois. Après une minute de silence, Moussa, jeune leader athlétique, prend le micro des mains du maire et s’attèle à apporter le minimum d’organisation nécessaire à la compétition. Il réunit les équipes, distribue les maillots, va chercher certains jeunes sur le parking et leur demande de finir leurs sandwichs merguez avant le début des matchs. « Il y avait une envie de sortir quelque chose de positive de ce deuil, raconte Moussa, jeune habitant de Clichy-sous-Bois. Tout le monde ici est content de mouiller le maillot pour Zyed et Bouna ».

« Gagner ce tournoi, c’est un honneur, c’est le plus prestigieux de l’année », raconte Osman un des nombreux joueurs. Il devra attendre avant de commencer à taper dans le ballon. Malgré la proximité de la forêt de Bondy, dont est sorti le peuple de rustres auquel j’appartiens, les Clichois n’ont pas oublié la première règle de la galanterie : les filles d’abord. Elles sont aussi là pour « rendre hommage à Zyed et Bouna. Mais aussi pour nous faire plaisir. Balle au pied, nous sommes aussi bonnes que les hommes », affirme une demoiselle bien orgueilleuse. En apparence seulement, les exclamations qui ponctuent la moindre de ses actions quand elle est sur le terrain prouvent la maitrise de son affaire.

Dans les gradins, un invité « prestige », Thomas Jordier, champion de France du 400 mètres et qui a représenté le pays aux dernières olympiades de Rio, cet été. Pour lui, « c’est important d’être là, je suis Clichois avant tout. Zyed et Bouna étaient dans mon collège. Le drame m’a particulièrement marqué. J’avais parlé à Bouna la veille de leur mort ».

Une délégation de Beaumont-sur-Oise affichant des T-shirt à la mémoire d’Adama Traoré, un jeune homme de 24 ans mort cet été suite à une interpellation de gendarmes, est également de la partie. « On nous a invités, nous sommes venus, ces soutiens mutuels sont très importants », confie Samba Traoré, frère de la victime, le visage grave. « Il faut qu’il s’accroche », conseille Siaka Traoré », frère de Bouna. « Je suis passé par là, ça ne va pas être facile. Il ne faut pas qu’il désespère et baisse les bras. La machine judiciaire met du temps à donner des résultats. Il faut s’armer de patience. La patience est une vertu dit-on, mais à force elle peut devenir une vraie frustration ».

Le tournoi se poursuit toute l’après-midi. « Ca me fait chaud au cœur », confie Siaka Traoré. Que l’on se souvienne de son frère? « Aussi », confie-t-il. Heureux surtout de voir que Zyed et Bouna réunissent tant de jeunes qui s’amusent comme des fous.

Idir HOCINI

 

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